STAR WARS EPISODE I : THE PHANTOM MENACE (1999)
George Lucas
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Ce n'est pas tous les jours que l'on livre une suite à la plus
culte des séries cultes après une absence de seize ans.
Seize ans à voir les attentes démesurées des fanatiques
se transformer en rêves complètement fous, seize longues
années au bout desquelles plus d'un avait perdu tout espoir de
revoir un jour les mots «Il y a bien longtemps, dans une galaxie
très lointaine...» gravés à nouveau en lettres
jaunes à l'écran d'un cinéma qui ne soit pas imaginaire.
La tension était tout aussi palpable que l'excitation à
la sortie de The Phantom Menace en 1999. L'immense amas d'images
de synthèse qu'avait concocté George Lucas allait-il être
la matérialisation du long-métrage que chacun attendait?
Vous connaissez le reste de l'histoire. La plupart furent déçus,
quelques-uns dont l'obsession obscurcissait le sens critique crièrent
au génie et ceux qui voulaient un gros divertissement estival
mangèrent leur pop-corn en paix sans comprendre les étranges
séismes émotifs qui secouaient la salle. Tous auront tenté
d'expliquer ce qui avait fait faux bond lors de la création de
cette seconde trilogie de la saga Star Wars. La surabondance
d'effets numériques avait dévoré l'âme du
film! Jar-Jar Binks était le pire personnage de l'histoire du
cinéma! Même des acteurs compétents tels que Liam
Neeson, Ewan McGregor et Natalie Portman arrivaient à sonner
faux tant les dialogues étaient débiles!
Certes, tous ces commentaires sont justifiés. Mais ils n'expliquent
pas pourquoi Lucas a raté son coup avec un tel aplomb. Ce ne
sont là que les symptômes visibles à l'écran
de la maladie qui a frappé cette production maudite, que la passion
surnaturelle engendrée par le phénomène Star
Wars avait de toute façon condamnée d'avance au titre
de déception catastrophique. Passons outre les boucs émissaires
faciles que sont l'image de synthèse et l'imagination fertile
d'une génération nourrie aux exploits d'Han Solo, de Luke
Skywalker et la princesse Leïa. Saisissons une bonne fois pour
toute le mécanisme mercantile et populiste avec lequel George
Lucas a décidé de régler le dilemme déchirant
qui l'assaillait lors de l'écriture et de la réalisation
de ce projet.
À la base, The Phantom Menace se devait de plaire à
trois groupes d'individus bien distincts: les vieux fans impatients,
le grand public qui assaille les cinéplexes au cours de l'été
afin de pouvoir profiter de l'ombre et de l'air conditionné,
ainsi qu'une nouvelle génération de marmots pour qui la
trilogie originale faisait probablement office de vieille bêtise
ringarde et démodée que la nostalgie avait élevée
au statut d'objet de culte. L'approbation de ce dernier segment de la
démographie terrestre était en fin de compte la clé
pour que ce nouveau Star Wars soit un succès. Ce n'est
un secret pour personne que Lucas est arrivé à l'autonomie
financière par l'entremise de la vente de jouets et de produits
dérivés, domaine où il fait office d'authentique
révolutionnaire.
On reproche donc à cet épisode premier d'être trop
enfantin alors qu'en fin de compte il ne pouvait en être autrement.
Qu'on le veuille ou non, ces nouveaux Star Wars demeurent des
films auto-financés. Donc, dépendants de leur succès,
aussi assuré puisse-t-il sembler. Mais Lucas ne pouvait se limiter
à amadouer les enfants et, par pure bonté, dans un élan
d'amour pour son public qui fut sa perte, décida de plaire à
tous, à chacun, ainsi qu'à la grand-mère de chacun.
Son film, dès lors, ne sait plus où donner de la tête.
Entre les détails mythologiques qui excitent les fanatiques,
les combats épiques et les courses de chars futuristes qui ravissent
les consommateurs de blockbusters et les frasques cabotines de Jar-Jar
Binks qui amusent les tout-petits, The Phantom Menace est un
film qui se cherche sans jamais se trouver.
Ce dédoublement de personnalité pathologique dont souffre
Star Wars «premier» explique, mieux que tous les
dialogues de derrière de boites de céréales imaginables,
pourquoi le film semble si étrange aux yeux du premier spectateur
critique venu. Le fait que Lucas soit trop en amour avec son univers
fictif devenu réel pour tant de gens n'est plus qu'un problème
de plus que cet engrenage défaillant n'arrive pas à contourner.
Finalement, on oublie donc de regarder le film pour ce qu'il est: un
divertissement correct étouffant sous le poids des attentes et
de ses ambitions mais qui, néanmoins, regorge de bonnes intentions.
Ne serait-ce qu'au niveau politique. Car l'histoire de corruption et
de trahison qui sert ici de fil conducteur mènera une démocratie
à se transformer en régime totalitaire selon les grandes
lignes d'un scénario que l'Amérique devrait vaguement
reconnaitre. Et puis, cette course de podracers que nous livre
à mi-chemin Lucas demeure une actualisation amusante de la fameuse
course de Ben Hur. Impossible de passer sous silence ce spectaculaire
combat final entre Qui-Gon Jinn, Obi-Wan Kenobi et Darth Maul qui redéfinit
l'art du maniement du sabre-laser. Mais enfouies au coeur de ce bordel
d'une densité narrative hallucinante, ces qualités rédemptrices
sont bien dures à détecter.
Peut-être avons-nous été un peu durs à l'égard
de ce Phantom Menace à sa sortie? Mais nous étions
conscients, tout autant que George Lucas, de la portée mythique
de ce film. Et, en fin de compte, ce sont ces attentes exagérées
que devait satisfaire l'Épisode I. Des attentes auxquelles
ne pouvaient répondre un film fragmenté, mal interprété
et visuellement un peu trop artificiel. On continuera de s'amuser à
détester The Phantom Menace. Franchement, ce n'est pas
le monstre dont certains parlent. Mais Jar-Jar Binks irrite encore six
ans après sa naissance...
Version française :
Star Wars Épisode I : La Menace
fantôme
Scénario :
George Lucas
Distribution :
Liam Neeson, Ewan McGregor, Natalie Portman, Jake
Lloyd
Durée :
133 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
20 Mai 2005