SPRING, SUMMER, FALL, WINTER... AND SPRING
(2003)
Kim Ki-duk
Par Jean-François Vandeuren
L’existence de tous et chacun est vouée à changer
au fil de chacune des journées la composant. Ces modifications
s’exécutent à la base par l’entremise de divers
apprentissages résultant des leçons les plus simples,
d’expériences aussi positives que négatives pouvant
changer le sens d’une action ou d’une pensée, mais
plus souvent qu’autrement, elles seront le fruit de nos erreurs.
Certains de ces passages seront des plus futiles alors que d’autres
nous marqueront à jamais. Et par expérience (c’est
le cas de le dire), ce que nous pouvons tous aisément constater
est que nous appartenons à une espèce des plus bornées.
Si tous nous demeurons bien souvent asphyxiés dans une quête
continuelle vers le bonheur et la paix intérieure, nous ne semblons
toutefois pas réaliser que ce but ultime à tout être
humain nous échappe fréquemment pour avoir fait la sourde
oreille. C’est dans cet ordre d’idées que le réalisateur
coréen Kim Ki-duk tisse un parallèle reliant certaines
situations clés de notre existence à une suite de saisons
relatant ces étapes nous confrontant à l’essence
de notre âme.
C’est en plein cœur d’une forêt s’étendant
à perte de vue, au beau milieu d’un lac où se trouve
un temple bouddhiste y flottant allègrement, qu’un vieux
moine tente d’enseigner à son élève les vertus
qui lui permettront d’entrer en harmonie avec la nature, mais
également avec lui-même. Le film relate au fil de chacune
des quatre saisons les points tournant de l’existence de ce jeune
apprenti. De la perte de l’innocence, on passe ensuite par l’éveil
sexuel et du désir, la désillusion entrainant haine et
colère, et un retour vers la sagesse qui l’amènera
à suivre de nouveau les traces de son maitre. Comme quoi la vie
est une roue qui tourne sur des chemins souvent ardus, mais qui tourne
néanmoins sur elle-même.
D’entrée de jeu, Kim Ki-duk fond les idées de cette
fable dans les bases du bouddhisme en utilisant d’une façon
plutôt sereine images et métaphores entourant les croyances
de cette religion. Il ajoute également à la force de ses
intentions en teintant ces dernières d’une humble touche
surnaturelle qui vient renforcer la symbolique des notions de réincarnation
et d’harmonie avec la nature. En soit, cet enchainement de saisons
se veut un film où l’atmosphère joue pour beaucoup.
Relatant au premier plan l’évolution spirituelle de l’apprenti,
Kim Ki-duk a su bâtir à bien des égards son film
sous la forme d’un précepte et c’est en ce sens que
le traitement esthétique et scénaristique du cinéaste
entrent en ligne de compte. Et puisqu’il est évident qu’une
leçon est parfois mieux cernée par une réelle expérience
plutôt qu’une imposition académique entrant par une
oreille pour sortir tout aussi rapidement par l’autre, le réalisateur
y va de très peu de dialogues au fil du récit, utilisant
beaucoup plus une symbolique visuelle afin d’exposer ses thèmes
au grand jour.
Pour arriver à ses fins, ce dernier à su miser habilement
sur une réalisation assez minutieuse, surtout photographique,
se concentrant principalement sur l’encadrement de son action.
La démarche visuelle est traitée en ce sens avec beaucoup
de retenue en ce qui a trait aux mouvements de caméra afin qu’elle
puisse se confondre à l’essence même du film aussi
aisément que la trame musicale qui l’appuie à merveille
et qui sait tout aussi bien se faire discrète lorsque n’est
utilisée que la composition sonore où s’y imprègne
la nature des lieux. Il en relève à ce niveau d’un
autre exploit du film consistant à faire passer cet état
d’âme des plus harmonieux aux spectateurs qui d’une
certaine manière entreront dans ce voyage au même niveau
que l’élève, Kim Ki-duk incarnant ici la sagesse
imperturbable du maitre le temps d’un film.
Soit, le choc le plus effroyable se manifestera à la sortie de
cette univers des plus paisibles où nous aurons suivi pendant
un peu moins de deux heures le réalisateur coréen dans
le portrait d’une des rares parties du monde où s’y
trouve encore la pureté. C’est lorsque le film se termine
et que soudainement les bruits criards d’un monde urbain astucieusement
voilé par l’essai se manifestent à nouveau par l’entremise
des rythmes cacophoniques émanant des clubs de nuit, des chauffards
communiquant haineusement à coups de klaxon et des cris sourds
d’une populace trop pressée par le temps que l’on
désire replonger le plus rapidement possible dans cette œuvre
fascinante créée par un cinéaste pas très
bavard, mais tout de même fort agile.
Version française : Printemps, été, automne,
hiver... et printemps
Version originale : Bom yeoreum gaeul gyeoul geurigo bom
Scénario : Kim Ki-duk
Distribution : Yeong-su Oh, Kim Ki-duk, Jae-kyeong Seo, Yeo-jin
Ha
Durée : 103 minutes
Origine : Corée du Sud
Publiée le : 18 Septembre 2004
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