SPIRITED AWAY (2002)
Hayao Miyazaki
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Ne serait-ce qu'au point de vue historique, Spirited Away mérite
que l'on s'y intéresse. En effet, le dessin animé d'Hayao
Miyazaki est le tout premier film de l'histoire à engendrer des
recettes de plus de 200 millions de dollars avant même d'être
présenté aux États-Unis. Un succès tel que
le géant Walt Disney décida d'importer le film en Amérique
et l'Académie de lui décerner l'Oscar du meilleur long-métrage
animé. Une telle réussite en dit long sur la popularité
grandissante de l'animation japonaise qui, depuis Akira, est
devenue un véritable phénomène culte à travers
le monde. Heureusement, le petit dernier du légendaire artiste
japonais commande que l'on s'y attarde pour des raisons purement cinématographiques.
Film au style visuel relevé et à l'univers débordant
d'imagination, Spirited Away s'inscrit à merveille dans
l'oeuvre de l'un des véritables auteurs du cinéma moderne.
C'est que Miyazaki, bien qu'il fasse des films s'adressant à
un public de tous les âges, ne sous-estime jamais l'intelligence
du spectateur. À une époque où les films pour enfants
sont d'une propreté repoussante, il ose encore toucher dans les
siens à des questions importantes telles que l'environnement,
en plus d'offrir des personnages qui ne sont pas toujours blancs ou
noirs. Ses méchants ne sont pas que cruauté et perfidie.
Ainsi, Yu-Ba-Ba, la sorcière propriétaire de l'établissement
où la jeune héroïne Chihiro deviendra littéralement
une esclave, demeure une femme de principes qui tient sa parole en plus
d'être une mère attentionnée. Si elle gère
son commerce avec une main de fer, elle obéit à un certain
code moral que Miyazaki s'assure de faire comprendre au spectateur.
Et les sympathiques grenouilles parlantes qu'elle emploie ne sont pas
exemptes de défauts, se laissant facilement leurrer par l'appas
du gain et tromper par quelques pépites d'or étincelantes.
Certes, l'histoire du film n'est pas des plus originales, rappelant
par moment Alice au pays des merveilles ou même certains
des films précédents de Miyazaki de par sa structure narrative.
Une jeune fille pleurnicharde du nom de Chihiro est transportée
dans un univers magique après avoir été témoin
de la transformation de ses parents en cochons bien dodus. Si elle veut
libérer ses parents, elle devra travailler pour Yu-Ba-Ba, une
sorcière qui dirige une maison de repos pour les esprits de ce
monde. Le nombre de péripéties qui suivent pourraient
en étourdir certains. C'est que Miyazaki ne nous laisse aucun
moment de répit entre deux évènements, remplissant
chaque recoin de son film de sous-intrigues et de personnages secondaires.
Si cette abondance narrative peut devenir lassante à la première
écoute, les visionnements subséquents révèlent
la minutie remarquable avec laquelle il compose son univers et ses histoires.
Toutefois, c'est par l'imaginaire visuel époustouflant dont il
fait preuve que Spirited Away est un voyage à ne pas
manquer. Ses décors inspirés, ses personnages originaux
et la magie qui habite son univers sont tout bonnement époustouflants.
Par ailleurs, Spirited Away n'est pas le sommet de la carrière
de Miyazaki comme certains l'affirment. Une finale sirupeuse et une
narration manquant tout de même de fluidité l'empêchent
de détrôner le génial Princesse Mononoke,
où le réalisateur abordait plus directement ses thèmes
favoris que sont la corruption et l'importance primordiale de la nature
dans le monde. Spirited Away demeure malgré tout un
film remarquable dont l'attrait dépasse largement l'univers quelque
peu fermé des mordus de mangas et d'animé japonais qui
ne devrait pas être relégué au simple statut de
film pour enfant parce qu'il est un peu plus naïf que son prédécesseur.
Avec Spirited Away, Miyazaki confirme son statut de grand maitre
du cinéma d'animation grâce à un film visuellement
somptueux à l'imaginaire débridé.
Version française :
Le Voyage de Chihiro
Version originale :
Sen to Chihiro no kamikakushi
Scénario :
Hayao Miyazaki
Distribution :
Rumi Hiiragi, Miyu Irino Mari Natsuki, Takashi
Naito
Durée :
124 minutes
Origine :
Japon
Publiée le :
2 Août 2004