SPIRAL (2007)
Adam Green
Joel Moore
Par Jean-François Vandeuren
Ce n’est plus tant le récit qui importe désormais
plus que la façon dont celui-ci nous est raconté. Alors
que certains cinéastes se complaisant dans un marasme créatif
pour le moins désolant préfèrent jouer de prudence
en articulant leurs élans autour d’une formule éculée
dont les rouages n’ont visiblement plus de secret pour personne,
d’autres se montrent plus aventureux, misant notamment sur les
possibilités infinies de l’appareil visuel pour arriver
à un résultat un peu plus stimulant. Le problème
par contre est qu’une telle initiative n’est souvent prétexte
qu’à une accumulation d’effets de style bon marché,
de revirements de situation bidons et de séquences explicatives
sans queue ni tête. Un triomphe du style sur la substance qui
n’est pourtant dû la plupart du temps qu’à
une simple paresse sur le plan scénaristique. Puis il y a cette
autre race de cinéastes pour qui la réussite d’un
film passe avant tout par la pertinence de ce dernier sur le plan narratif
et dramatique. Et c’est précisément à cette
catégorie qu’appartiennent les réalisateurs Adam
Green et Joel Moore. Ces derniers positionnent ainsi ce thriller psychologique
aux accents dramatiques particulièrement prononcés dans
un cadre narratif pour le moins inhabituel, vibrant au rythme d’ambiances
urbaines langoureuses qui n’ont évidemment rien à
voir avec les formes ordinairement plus chaotiques du film à
suspense.
La retenue dont font preuve Joel Moore et son coscénariste Jeremy
Danial Boreing s’avère d’autant plus surprenante
vue la progression beaucoup plus tumultueuse à laquelle aspirent
continuellement les bases de leur récit. Le duo relègue
d’ailleurs au second plan les divers éléments de
tension émanant de leur trame narrative pour concentrer la majeure
partie de leurs énergies sur des considérations d’ordre
beaucoup plus psychologique. Spiral s’enivre ainsi du
quotidien de Mason (Moore), un jeune artiste timide qui ne semble pas
vouloir se remettre d’une liaison amoureuse ayant pris fin tout
récemment. Convaincu d’avoir commis l’irréparable
durant un bref instant de folie, Mason s’enfoncera peu à
peu dans une psychose qui l’éloignera progressivement d’un
monde auquel il avait déjà énormément de
difficulté à s’identifier. Heureusement pour lui,
le peintre fera un jour la connaissance d’Amber (Amber Tamblyn)
qui, en plus de l’aider à renouer avec une facette de l'existence
qu’il avait visiblement oublié, acceptera de lui servir
de modèle pour une nouvelle série de tableaux. Si la jeune
femme réussira à ramener Mason à la vie pendant
un certain temps, ce dernier semblera toujours quelque peu prisonnier
des rouages d’un effrayant manège qui pourrait grandement
compromettre l’avenir de leur relation.
Pour l’assister à la réalisation, Moore fit appel
à Adam Green, qui l’avait dirigé quelques mois plus
tôt sur le plateau de tournage du délirant Hatchet.
À la surprise générale, le réalisateur américain
s’ajusta rapidement au ton plus posé du scénario
de Moore et Boreing afin de ne jamais compromettre l’efficacité
du savant mélange de drame, de romance et de suspense défendu
par celui-ci. De cette façon, le trio put accorder une attention
toute particulière à l'évolution hasardeuse de
la relation amoureuse prenant forme entre Mason et Amber tout en laissant
toujours flotter un énorme nuage gris au dessus de la tête
de leurs protagonistes. Visuellement, Moore et Green signent une mise
en scène des plus maniérées, régissant avec
tact un univers cinématographique confondant bien souvent le
rêve et la réalité, tout en effectuant quelques
dérapages contrôlés afin de rendre un peu pus effective
l’instabilité émotionnelle de leur personnage principal.
Will Barrat, qui avait signé la direction photo aux allures de
bande dessinée de Hatchet, s’adapta tout aussi
facilement à ce changement de direction pour le moins radical
pour munir cette fable urbaine aussi inquiétante qu’enivrante
d’une palette de couleurs aussi chaleureuses que glaciales. Cette
facture artistique tout ce qu’il y a de plus compétente
est superbement complétée par une trame sonore jazzée
se fondant à merveille aux écrits de Moore et Boreing.
Le duo ne rate d’ailleurs jamais une occasion de partager leur
amour pour ce genre musical bien spécifique, lequel joue un rôle
d’autant plus significatif au cœur de cette intrigue dont
il représente en soi parfaitement l’essence.
Alors que le manque total de retenue de son dégoulinant Hatchet
laissait tout de même paraître les traits d’un artiste
en pleine possession de ses moyens, Adam Green prouve au terme de ce
troisième long-métrage qu’il est également
un cinéaste mature, capable de mener à terme une œuvre
dramatique requérant une approche un peu plus sérieuse.
Spiral n’a évidemment rien d’une révolution.
Mais à une époque où le moindre suspense bien huilé
est en soi suffisant pour redorer le blason d’un genre qui n’en
finit plus de tourner en rond, Moore, Green et Boreing jouent suffisamment
bien leurs cartes du début à la fin pour que leur film
mérite qu’on lui porte une certaine attention. Les trois
cinéastes nous laisseront toutefois présager le pire à
peine quelques miles avant la ligne d’arrivée lorsque l’entreprise
semblera se diriger tout droit vers une finale insipide qui aurait pu
ruiner à elle seule tout ce que ces derniers avaient si méticuleusement
mis sur pied précédemment. Un bluff formidablement exécuté
sur lequel le trio capitalisera en un tour de main avant de réduire
en miettes ce stratagème usé et insignifiant envenimant
ce type de récit depuis beaucoup trop longtemps.
Version française : -
Scénario :
Jeremy Danial Boreing, Joel Moore
Distribution :
Joel Moore, Amber Tamblyn, Zachary Levi, Tricia
Helfer
Durée :
92 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
24 Juillet 2007