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SPIDER (2002)
David Cronenberg

Par Louis-Jérôme Cloutier

Que diriez-vous d’un film où le personnage ne fait que maugrer, dire une seule phrase complète et répéter sans cesse maman? Aimeriez-vous entrer dans l’esprit et l'univers d’un schizophrène? C’est ce que propose le plus récent film de David Cronenberg, Spider. Ralph Fiennes y incarne un homme atteint de sérieux problèmes mentaux. Quittant l’asile psychiatrique, il se retrouve dans une maison de transition située dans son quartier d’antan. Les lieux éveilleront chez lui les souvenirs de son enfance perturbée par un père brutal et rarement présent. L’enjeu sera donc de savoir comment un jeune garçon normal a pu devenir si perturbé. Mais est-ce véritablement l’enjeu?

Dans sa plus pure tradition, Cronenberg offre un film comme on en voit rarement. Cependant, il s’éloigne beaucoup de la violence ou de l’érotisme qui a souvent caractérisé son répertoire. Étant à l’opposé de eXistenZ, Spider est un film lent qui risque d’ennuyer beaucoup de gens qui chercheront en vain le début de l’action. Cependant, cette lenteur est tellement éloquente que l’on reste accroché aux images et à la très belle photographie de Peter Suschitky. La réalisation elle-même est des plus efficace dans son illustration des problèmes mentaux. Conjuguée aux très beaux, mais aussi étranges, décors et à l’ambiance générale, on arrive mal à distinguer le vrai du faux et on poursuit avec attention l’écoute du récit de Spider. En fait, ce scénario de Patrick McGrath, adapté de son propre livre, garde un dénouement surprenant jusqu’à la fin alors que toutes les questions deviennent magiquement claires. Fiennes tient une bonne partie du film sur ses épaules puisque les moments les plus lents impliquent son personnage. Il réussit avec brio l’exploit de jouer avec justesse un homme qui tente de comprendre un univers qui lui est hostile. Ne récitant presque aucun texte, Fiennes est bien plus expressif par ses gestes et son regard. Une composition qui aurait mérité d’être soulignée aux Oscars.

On peut faire un parallèle entre Spider et A Beautiful Mind au détriment de ce dernier. En effet, le film de Ron Howard, qui fut souligné par plusieurs comme le meilleur film de 2001, est enfantin, voire ridicule en comparaison. L’aspect psychologique n’est jamais aussi bien rendu, l’interprétation d’un schizophrène n’est pas fait avec autant de talent et disons franchement qu’on est bien loin d’un conte de fées dans le cas de Spider. La dure réalité est donc dans le commun du film de Cronenberg qui tient sa force dans la représentation réaliste et quasi parfaite des troubles mentaux. Les toiles d’araignée sont ici la métaphore parfaite de l’esprit du personnage qui mêle les évènements, mais aussi un souvenir dont il ne peut se détacher. À travers des moments de simplicité, on découvre parfois avec humour ce que peuvent vivre les personnes souffrant de problème psychologique. Autour de Fiennes gravite une distribution sans tache dont Gabriel Byrne qui arrive facilement à jouer un rôle à deux temps. Miranda Richardson n’a pas un personnage des plus intéressants, mais elle se débrouille quand même bien.

En résumé, Spider est un film à voir pour sa complexité psychologique et toutes les métaphores répandues au cours du visionnement. Les maladies mentales ont rarement été aussi bien représentées. Cronenberg peut donc rajouter un autre solide produit à son actif et Fiennes prouve qu’il est un acteur de premier plan en offrant l’une des compostions des plus complexes de sa carrière. Avec sa réalisation exemplaire, ses décors envoutants et sa magnifique photographique, Spider s’établit comme l’un des meilleurs films de 2002.




Version française : Spider
Scénario : Patrick McGrath
Distribution : Ralph Fiennes, Miranda Richardson, Gabriel Byrne, Lynn Redgrave
Durée : 98 minutes
Origine : Canada

Publiée le : 5 Octobre 2003