SON OF RAMBOW (2007)
Garth Jennings
Par Clara Ortiz Marier
Certains se souviendront d’avoir joué aux cowboys et aux
indiens, d’autres d’avoir pris les rôles du savant
fou et du fidèle assistant, ou encore d’avoir joué
aux grands explorateurs dans la cour arrière d’un ami.
Pour Will Proudfoot et Lee Carter, le temps passé en dehors de
l’enceinte de l’école est dédié à
une seule chose : travailler en secret à la réalisation
d’un court-métrage inspiré du film First Blood
(1982) et de son célèbre protagoniste, Rambo. Issus de
milieux complètement différents, Will, garçon timide
à l’imaginaire débordant et Lee, petit voyou aux
ambitions de réalisateur, réussiront à se créer
avec leur projet filmique un univers à part entière leur
permettant d’échapper au réel. Pour Will, dont la
famille vit au sein d’une communauté chrétienne
très stricte (qui interdit entre autre le visionnement de la
télévision), la découverte de Rambo et du cinéma
ouvre les portes sur un « monde extérieur » où
il lui est enfin possible de laisser libre cours à sa créativité.
C’est donc sans hésiter qu’il accepte de prendre
le rôle d’acteur principal et de cascadeur téméraire
que lui impose Lee Carter. Ce dernier, issu d’une famille brisée,
aux parents absents et au grand frère indifférent, ne
tarde pas à voir en Will un véritable frère de
sang. Une forte amitié se tricote rapidement entre les deux garçons,
mais cette amitié, ainsi que leur projet de court-métrage,
seront vite menacés par l’interdiction pour Will de s’adonner
à des activités qui pourraient l’éloigner
du « droit chemin ». Chacun devra choisir son camp et vivre
avec les conséquences de ses actions.
Dans ce deuxième long-métrage de fiction, Garth Jennings
s’inspire de sa propre enfance. Cinéaste en herbe alors
qu’il n’était encore qu’un gamin, Jennings
était déjà à cette époque fasciné
par les possibilités infinies du medium. Ayant toujours continué
à s’intéresser au cinéma, et ayant réalisé
une vingtaine de vidéoclips dans les années 90 et 2000,
ce n’est qu’en 2005 qu’il réalise son premier
long-métrage : The Hitchhicker’s Guide to the Galaxy.
Avec Son of Rambow, Jennings s’éloigne de la science-fiction
pour se rapprocher du drame, tout en demeurant dans le domaine de la
comédie. Bien que la trame de fond soulève des thématiques
assez sérieuses (oppression de certains groupes religieux, enfants
laissés à eux-mêmes, parents négligents,
famille dissolue) le film dans son ensemble reste dans un registre assez
léger et c’est donc sans prétention que Jennings
aborde ces thèmes liés à l’enfance. Les deux
principaux protagonistes sont passionnés de cinéma certes,
mais leur fascination semble pour l’instant se limiter à
un seul film et à son héro aux exploits sanglants, et
c’est très bien comme ça. Que les garçons
se soient identifiés au personnage d’Antoine dans Les
400 coups, on n’y aurait pas cru. Ce film n’est pas
un hommage au grand cinéma, mais bien un hommage à l’univers
cinématographique et au coup de foudre qu’il peut provoquer
chez un enfant de dix ans.
Après la mise en place des différentes pièces de
puzzle nécessaires au développement de l’histoire,
la trame narrative reste donc assez simple. On devine plutôt facilement
de quelle manière la relation entre les deux garçons évoluera
et quels éléments viendront faire obstacle à leur
projet filmique et à leur amitié. À peine sorti
des jupes de sa mère et du milieu très conservateur dans
lequel baigne sa famille, pas étonnant que le jeune Will soit
complètement obnubilé par sa nouvelle vie de cascadeur-acteur.
Les moments passés avec son jeune ami ont l’effet d’une
véritable bouffée d’air frais pour son esprit bouillonnant,
une manière d’enfin libérer la multitude de dessins
et d’idées dont il noircit régulièrement
les pages de sa bible. Mais la bouffée d’air frais peut
rapidement enivrer et dans sa quête de liberté et d’émancipation,
le jeune garçon finit par brûler les étapes.
C’est sans difficulté qu’on adhère à
la situation de Will et aux problèmes qui l’accompagnent,
cette identification au personnage étant accentuée par
l’utilisation de certains procédés qui ont vite
fait de nous rappeler les antécédents de Jennings dans
le domaine du vidéoclip. Lors d’une scène où
Will s’apprête à s’endormir, celui-ci bascule
dans une séquence d’animation où ses rêves
sont illustrés par ses propres dessins. Cette scène, avec
son esthétique particulière, constitue une sorte de capsule
indépendante du reste du film, mais réussit tout de même
à se fondre dans le récit avec une aisance surprenante.
Ce type d’éléments, qui reviennent à quelques
reprises dans le film, y rajoutent un charme indéniable et nous
permettent de plonger davantage dans l’imaginaire du garçon,
et par le fait même d’accentuer l’identification au
personnage, à ses craintes, à son besoin de s’échapper
du réel, à sa passion soudaine pour le cinéma,
cet univers parallèle où tout est possible.
Bien que Jennings arrive admirablement à nous faire adhérer
à sa trame narrative et à ses personnages tous plus attachants
les uns que les autres, un seul détail semble moins bien s’emboîter
dans le récit. Loin d’être une critique virulente
de la religion, le film aborde tout de même le sujet délicat
par le biais de la famille de Will. La mère de ce dernier, veuve
et en charge de sa mère et de ses deux enfants, est présentée
comme une femme anxieuse et désireuse de vivre dans le respect
des normes imposées par le groupe religieux auquel elle appartient.
Sous la pression des autres membres de sa communauté, la pauvre
femme s’évertue à raisonner son fils et à
lui interdire les activités profanes auxquelles il s’adonne.
On comprend bien l’ampleur de la situation et le pouvoir que peut
exercer un groupe religieux sur ses membres. Le problème, nécessaire
au développement de l’histoire, est abordé et exposé
pour finalement être balayé du revers de la main avec une
facilité presque déconcertante. La mère monoparentale,
habituée depuis toujours à vivre dans cet univers oppressant,
décide d’un jour à l’autre de se libérer
de l’emprise de cette communauté religieuse au sein de
laquelle elle a passé toute son existence. Le pari est de taille,
mais les conséquences de sa décision ne nous sont pas
divulguées. Le spectateur peut se réjouir de l’émancipation
du personnage sans toutefois se questionner sur ce qui suivra. Le film
ne nous demande pas de se préoccuper de la suite. Comme à
un enfant à qui l'on évite de divulguer tous les détails
du problème, Jennings nous montre le côté humain,
chaleureux et réconfortant de la médaille. On accepte
aisément la proposition. Le film ne se veut pas un drame ou un
chef-d’oeuvre de complexité, mais simplement une histoire
touchante où il fait bon de retrouver son coeur d’enfant.
Version française : -
Scénario : Garth Jennings
Distribution : Neil Dudgeon, Bill Milner, Jessica Hynes, Anna
Wing
Durée : 96 minutes
Origine : France, Royaume-Uni, Allemagne
Publiée le : 28 Août 2009
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