SOMETHING LIKE HAPPINESS (2005)
Bohdan Sláma
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Quelque chose comme le bonheur? Quelques arpents de misère, plutôt!
Pour tous ceux et celles qui ne peuvent pas se contenter des tourments
de leur propre existence déchirante, le grand écran a
toujours été une excellente source de drames larmoyants
et de malheurs d'occasion. Souvenez-vous que c'est avec le célèbre
festival du mouchoir beurré intitulé Love Story
que le producteur Robert Evans sauva la Paramount de l'incertitude financière
des années 60. C'est donc pour le plus grand plaisir de ces sympathiques
compagnies spécialisées dans la tonte de nos forêts
boréales afin d'assurer le confort de vos narines que l'on remarque
à la programmation de cette 34e édition du Festival du
nouveau cinéma de Montréal le mélodrame tchèque
Something Like Happiness.
Rien de bien remarquable à soutirer de cette riche portion d'émotions
douce-amères et de déchirement sentimentaux puissants,
sinon cette sensation d'avoir assouvi encore une fois le besoin voyeur
de nous immiscer dans la vie d'inconnus fictifs pour un peu moins de
deux heures. Il est impossible de douter de la bonne volonté
dont faisait preuve le réalisateur Bohdan Sláma lorsqu'il
a entamé ce "drame émouvant qui donne à croire
que le bonheur se trouve où on s'y attend le moins". Il
y a des jours où le programme d'un festival de films pourrait
être confondu avec la retranscription d'un monologue d'Oprah Winfrey.
Tonik (Pavel Liska), un jeune homme vaguement bohème et selon
le consensus de son entourage trop gentil pour son propre bien, entretient
depuis longtemps un amour profond pour Monika (Tatiana Vilhelmová).
Mais celle-ci attend patiemment que son copain l'invite à venir
le rejoindre aux États-Unis. Au portrait s'ajoute Dasha (Anna
Geislerová), une amie de Monika et de Tonik qui entretient une
relation destructrice avec un homme marié tout en s'occupant
tant bien que mal de ses deux enfants. C'est lorsque l'état psychologique
de celle-ci se dégradera sérieusement que Monika et Tonik
seront obligés d'adopter temporairement les deux marmots. Un
geste généreux qui, bien entendu, les rapprochera.
Tourné durant une année complète, Something
Like Happiness aspire à un certain réalisme psychologique
et physique qu'il n'atteint malheureusement que par bribes d'inspiration
intermittentes. Il y a certes quelques moments d'une beauté bien
sentie à glaner ici et là du résultat final. Mais
l'ensemble n'arrive pas à chasser cette triste impression qu'il
n'a que très peu de ce réel tant recherché à
nous partager. Something Like Happiness est une ébauche
d'exploration des milieux marginaux tchèques qui n'aboutit à
rien, sinon à une autre belle fable sur l'amour et les responsabilités
humaines. Au mieux, ce produit sonne moins faux que ses contreparties
américaines et Good Riddance (Time of Your Life) de
Green Day ne s'y fait pas entendre de façon tonitruante durant
une conclusion triste à en faire brailler un oignon.
On soulignera malgré tout les performances sincères de
Liska et Vilhelmová, de même que la justesse de la distribution
dans son ensemble. Mais au petit jeu de tirer de l'optimisme de la déception
et de la misère, le film de Bohdan Sláma ne nous fera
certes pas oublier la verve fantaisiste d'un bon Kusturica. Les âmes
sensibles devant l'éternel dénicheront ici le portrait
tout de demi-tons peint d'une jeunesse à la dérive et
les intellectuels fabuleront sur le rejet du mode de vie américain
que symbolise la conclusion de cette histoire. Mais permettez à
un cynique désabusé de prévoir une ou deux diffusions
sur les ondes de Canal Vie à ce drame sympathique et bien fait,
mais tristement convenu.
Version française : -
Version originale :
Stestí
Scénario :
Bohdan Sláma
Distribution :
Pavel Liska, Tatiana Vilhelmova, Anna Geislerova,
Marek Daniel
Durée :
100 minutes
Origine :
République Tchèque, Allemagne
Publiée le :
19 Octobre 2005