THE SINGING DETECTIVE (2003)
Keith Gordon
Par Frédéric Rochefort-Allie
Dick Tracy, Sam Spade, Harry Lime, de nombreux personnages ont chacun
leur tour forgés l'image du détective privé typique.
Le stéréotype, plaisant aux gens, est devenu un code précis
que chaque film se doit de respecter moindrement, conventionnel ou non.
En Angleterre, la télésérie The Singing Detective
proposa aux amateurs du genre un tout nouveau regard. Elle mélangeait
différents thèmes pourtant habituels, en créant
un aspect tout à fait unique. Ainsi, on y retrouve l'autobiographie,
le film noir, le drame d'hôpital et la comédie musicale.
Le film est tout simplement un regard neuf que porte l'auteur sur sa
propre série.
Dan Dark (Robert Downey Jr.) est un détective aux multiples talents.
Il chante, tire et danse sans problèmes. Il se lance par lui-même
sur une enquête d'une prostituée meurtrière à
Los Angeles. Ça c'est dans les livres. Car Dan Dark est un auteur
de thrillers policiers qui ne se vendent pas. Sa peau est victime d'une
maladie étrange et il est donc prisonnier d'un hôpital,
alors qu'un psychologue (Mel Gibson) épie son cerveau. Ainsi
débutera une intrigue où réalité et fiction
feront un étrange amalgame.
Il est important de spécifier dès le départ que
ce film vise un public particulier. Si vous détestez les films
noirs, les comédies noires et les comédies musicales,
passez votre tour. Car The Singing Detective n'est certainement
pas un film ordinaire. Sans être entièrement marginal,
le film de Keith Gordon s'amuse à déstabiliser de toutes
sortes de manières différentes. Son style n'est pas sans
rappeler le célèbre David Lynch. Ne possédant qu'un
infime budget en comparaison avec les méga productions américaines,
le réalisateur utilisa divers procédés stylistiques
peu couteux mais extrêmement efficaces. Les amateurs de films
tel que Requiem For A Dream seront familiers avec les techniques
employées. C'est peut-être un peu trop tendance ces temps-ci,
mais leurs applications n'en sont pas moins efficaces. Le lip-sync,
très peu apprécié chez bon nombre de cinéphiles,
soutient néanmoins le ton étrange tout en rafraichissant
par son ambiance rétro. D'ailleurs, la trame sonore est extrêmement
soignée, un personnage à part entière qui vient
nourrir le film dans son originalité. Bien qu'il s'essouffle
un peu vers la fin, Keith Gordon nous offre un film intéressant.
La direction photo est très intéressante, jouant avec
le contraste en évoquant la nostalgie des films des années
30-40. En terme strictement visuel, The Singing Detective capte
l'intérêt de ses spectateurs.
Toutefois, plusieurs se perdront dans un scénario qu'on pourrait
facilement juger comme étant confus. Il est vrai que, considérant
le scénario tel qu'il est, la structure n'a que comme résultat
de perdre ses spectateurs. Les longueurs les font décrocher.
Bon nombre de personnages existent pour des raisons semi nébuleuses
et on ne sait plus comment départager le vrai du faux dans ce
casse-tête. Mais d'un autre côté, comme il est écrit
sur le poster et dit dans le film, The Singing Detective n'offre
que des pistes et non des solutions. On trouve donc nos réponses
dans les personnages. Leur complexité et leur habile développement
suffit pour y trouver un minimum de logique, tout dépendant de
votre perception de l'intrigue.
Malgré le fait qu'on se perde dans l'univers du scénariste,
les acteurs captent littéralement l'intérêt. Que
l'on aime ou déteste Robert Downey Jr, il trouve en Dan Dark
un rôle qui lui va comme un gant. Son intonation méprisante,
ses gestes étranges et son regard froid, Downey Jr se transforme
en une bête antisociale. L'acteur semble avoir étudié
méticuleusement son personnage. Il développe aussi une
bonne complicité de jeu avec Katie Holmes qui, bien que limitée
dans un personnage secondaire, provoque quelques rires bien placés.
Il en va de même pour Mel Gibson, méconnaissable en médecin
je-m'en-foutiste moindrement soucieux de son patient. Bien que leur
présence soit tout à fait incompréhensible, Adrien
Brody et Jon Polito sont d'agréables pastiches d'Abbott et Costello.
Une distribution agréable en soi.
Bref, malgré le fait qu'il horripile plusieurs personnes, The
Singing Detective saura plaire chez les amateurs de films noir.
Ce n'est certes pas une parodie aussi poussée que The Man
Who Was'nt There ou un film aussi étrange que Blue Velvet,
mais Keith Gorson réussit à s'imbiber du genre, en adopter
les conventions et les rejetter par le fait même en proposant
un regard différent sur une intrigue on ne peut plus classique.
Long peut-être, mais intelligent au moins.
Version française : -
Scénario :
Dennis Potter
Distribution :
Robert Downey Jr., Robin Wright Penn, Mel Gibson,
Jeremy Northam
Durée :
108 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
2 Juin 2004