SID AND NANCY (1986)
Alex Cox
Par Frédéric Rochefort-Allie
Au même titre que John et Yoko, Paul et Linda ou Kurt et Courtney,
Sid et Nancy ont été de véritables icônes
dans l'histoire de la musique. Lui, c'était le bassiste des Sex
Pistols, le symbole de l'anarchie et du je m'en foutisme qu'irradiait
son groupe. Elle, c'était sa groupie, et selon les proches de
Sid, elle fut même sa raison de vivre. En 1986, plusieurs avaient
prédit la mort du punk. Si l'on observe la situation de la musique
actuelle, c'est encore plutôt vrai. Le punk ne sera plus jamais
ce qu'il était en cette période et en ce lieu particulier
où les Sex Pistols sont apparus. C'est justement ce qu'à
tenté de saisir le réalisateur Alan Cox au travers du
monument que fut Sid Vicious.
Leur histoire fut une grande tragédie. Dans les faits, Nancy
est morte assassinée et Sid fut accusé. Qu'est-il réellement
arrivé ? Un peu comme pour la mort de Kurt Cobain, certains préféreront
adopter un regard plus conspirateur sur cet évènement.
Ce film propose un point de vue selon lequel, dès les premiers
instants du film, Sid Vicious est arrêté pour meurtre.
Contrairement à bien des films biographiques, Sid & Nancy
ne propose en rien une introduction à l'univers des Sex Pistols.
À moins d'être fan, les quelques apparitions du groupe
au cours du film sont même quasi inutiles. Sid Vicious et sa compagne,
en tant que personnages de ce scénario, sont toutefois assez
bien développés pour que leur simple tragédie puisse
être compréhensible par n'importe qui. Vicious, étant
punk jusqu'au bout des ongles, ne nécessite pratiquement aucune
présentation. On le saisit immédiatement. C'est plutôt
sur Nancy qu'Abbe Wool, le scénariste, s'attarde le plus, pour
la représenter efficacement. Car, étant détestée
dans la vraie vie, cette Nancy romancée devait à la fois
surfer entre le dégout et le charme qui la caractérisait.
Penchant beaucoup plus vers le premier aspect, Nancy est peut-être
un peu trop détestable? Mais, malgré ses «charmants»
personnages marginaux, l'intrigue nage dans la confusion totale. Les
Sex Pistols avaient beau scander le No Future, un tantinet
de cohésion aurait été grandement bénéfique
à la structure du scénario. Faute de moyens, Sid &
Nancy capture tout de même bien le chaos de la musique punk
et son esprit déconstruit.
Il est d'une évidence qu'un film portant sur un des Sex Pistols
ne pouvait qu'être réalisé par un anglais, pour
des raisons culturelles et sociales. Mais Alex Cox, qui en était
à l'une de ses premières réalisations à
l'époque, ne semble pas être l'homme de la situation pour
cette adaptation monumentale. Parsemé ici et là de quelques
courtes séquences d'anthologie, comme le baiser dans une ruelle
pleine de déchets, Sid & Nancy se perd dans ses
longueurs et le peu d'intérêt d'ordre visuel qu'on puisse
y trouver. Tout est incroyablement rustique et terne. Il est regrettable
qu'en 1986, Danny Boyle n'ait pas encore fait ses débuts dans
le monde de la réalisation car il aurait certainement pu y apporter
un regard plus intéressant sur ce chaos qu'on retrouve tant chez
Vicious que dans sa musique.
Outre sa musique incroyablement géniale, la seule véritable
force de toute cette oeuvre est l'interprétation magistrale de
Gary Oldman dans la peau de Sid Vicious. Il est sans aucun doute à
son meilleur. Sous ses traits, on n'y voit plus l'acteur, mais bien
le défunt bassiste ressuscité. Si ce n'était que
de lui, le film serait d'un réalisme terrifiant. Malheureusement,
il est dur de ne pas être dérangé par le jeu plus
que caricatural de Chloe Webb et sa voix écorchante. Bien que
ce soit une interprétation d'un personnage en soit détesté
dans l'histoire de la musique, Courtney Love (qui fait ici un bref cameo)
aurait été parfaite pour le personnage, lui ressemblant
étrangement en tous points.
On ne retiendra en fin de compte chez Sid & Nancy que Gary
Oldman qui chante My Way et son incarnation plus vraie que
nature du célebrissime punk qui se suicida par overdose pour
revoir Nancy le plus rapidement possible, ce qui risque d'arriver à
peu de cinéphiles. Le film demeure quand même une belle
excuse pour se replonger dans les grands succès de groupe mythique
du punk ou pour rigoler du fait que même sans bassiste sur scène
dans le film, on entend la trace fantôme de Vicious.
Version française : Sid et Nancy
Scénario : Alex Cox, Abbe Wool
Distribution : Gary Oldman, Chloe Webb, David Haymen, Debby Bishop
Durée : 112 minutes
Origine : Angleterre, États-Unis
Publiée le : 15 Février 2005
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