THE SHOW MUST GO ON (2007)
Han Jae-rim
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Criminel vieillissant, In-Goo (Ho-Song Kang) arrive de plus en plus
difficilement à concilier sa vie personnelle et l'exercice de
sa profession pour le moins inhabituelle. Un peu bedonnant, moins adroit
au combat qu'il ne l'était autrefois, In-Goo est surtout fatigué
par les années qui s'accumulent sans que sa condition ne semble
s'améliorer. Lorsque nous le rencontrons, il est endormi au volant
de sa Mercedes en plein milieu d’un bouchon de circulation. Sa
femme, exaspérée, n'en peut plus de l'entendre promettre
sa retraite prochaine, et sa fille en pleine adolescence ne lui témoigne
plus aucune sympathie. Chaque grand coup se profilant à l'horizon
sera, dit-il, son dernier. Mais In-Goo est en réalité
prisonnier d'un cercle vicieux, cherchant à racheter l'amour
des siens grâce à l'argent que lui rapportent ses méfaits.
D'emblée, ce synopsis vous semble sans doute familier. Et, effectivement,
l'histoire du gangster cherchant à se réformer n'est en
rien révolutionnaire, ayant été exploitée
de manière admirable à maintes reprises par une pléthore
de cinéastes reconnus. Une énième version de celle-ci
peut donc de prime abord sembler inutile, ou à tout le moins
redondante. D'autant plus que le cinéma coréen carbure
à l'archétype du gangster brutal mais sympathique - lui-même
emprunté au cinéma américain - depuis quelques
années déjà.
Force est d'admettre, pourtant, que la qualité ne se dément
pas au fil des ans et que chaque production coréenne trouve le
moyen d'aborder le genre surexploité avec conviction et originalité.
The Show Must Go On confirme la règle sans y faire exception,
jonglant habilement entre la comédie de situation et le film
de gangster plus classique sur fond de drame. Montée en d'efficaces
ruptures de ton tour à tour amusantes ou déstabilisantes,
une mise en scène aux rouages fort bien huilés concilie
les extrêmes avec une étonnante aisance; l'équilibre
atteint est presque parfait, le film caressant le public dans le sens
du poil sans pour autant que l'exercice paraisse racoleur. Transfuge
du monde de la comédie sentimentale, le réalisateur de
Rules of Dating, Han-Jae Rim, effectue avec ce deuxième
long-métrage le bond vers un autre genre sans se casser la figure.
Avec The Show Must Go On, il trouve le moyen de marier violence
et humour au profit d'une étude de personnage sensible et crédible,
évitant de sombrer dans la caricature même lorsqu'il s'adonne
aux cabrioles slapstick les plus loufoques.
Bien sûr, la réussite de l'opération repose en bonne
partie sur les épaules du comédien Kang Ho-Song. Collaborateur
fréquent de Chan-Wook Park et vedette montante de l'industrie
coréenne depuis le succès de The Host en 2006,
l'acteur incarne son personnage de gangster blasé et surmené
en dosant brillamment le pathétique et le comique de sa prestation.
Ses airs bourrus et ses traits un peu paresseux le rendent éminemment
sympathique, et sa déchéance gagne par le fait même
une indéniable profondeur dramatique. Kang confirme ici qu'il
est un acteur de premier plan, capable de jouer un homme à la
fois pitoyable et détestable sans s'attirer les ires du public.
Il happe l'attention de la caméra, qui se fait en retour complice
de ses frasques et méfaits avec une candeur manifeste.
En ce sens, le travail d'Han-Jae Rim impressionne par le naturel avec
lequel il épouse les soubresauts d'une intrigue qui va dans toutes
les directions à la fois. Aux explosions subites - et brutales
- de violence font suite des scènes d'une parfaite drôlerie.
Rim, à défaut d'avoir un style très personnel,
trouve le moyen d'imposer une ligne directrice claire à son film.
Son équipe technique l'appuie avec brio: le montage nerveux est
l'un des éléments-clés de cette réussite,
et la direction photo est à la hauteur des standards coréens
actuellement très élevés.
Le dernier plan de The Show Must Go On est d'ailleurs particulièrement
éloquent. Repoussé aux marges du cadre par une gigantesque
télévision projetant les images d'une vie familiale idyllique
dont il ne peut que rêver, In-Goo comprend une bonne fois pour
toutes que le confort matériel ne peut pas se substituer à
l'amour des siens. La démonstration est simple et efficace, à
l'image de ce film ficelé sans erreur qui prouve que le cinéma
grand public ne doit pas nécessairement niveler vers le bas pour
combler les attentes de son auditoire. Il ne s'agit pas de la première
fois qu'un film affirme que le crime ne paie pas et que l'argent ne
fait pas le bonheur, ni sans doute de la dernière. Mais lorsque
la vieille rengaine nous est si bien répétée, il
s'avère difficile d'y résister.
Version française : -
Version originale :
Wooahan segye
Scénario :
Han Jae-rim
Distribution :
Song Kang-ho, Park Ji-young, oh Dal-su, Yoon Jae-moon
Durée :
110 minutes
Origine :
Corée du Sud
Publiée le :
17 Juillet 2007