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SHORTBUS (2006)
John Cameron Mitchell

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Une sexologue est incapable d'avoir un orgasme. Un couple gai considère la possibilité d'ouvrir sa relation à d'autres partenaires. Une dominatrice, esclave d'un fils-à-papa bien nanti, rêve de se consacrer enfin à une relation authentique. Leurs destins, vous l'aurez deviné, s'entrecroisent. Ils en ressortent transformés. Vous y aurez assisté. Des plans surplombant une grosse pomme en papier mâché viennent souligner que ces histoires éparses ne sont que des particules pigées au hasard du grand organisme bourdonnant qu'est la ville de New York. C'est d'ailleurs le nombril de la métropole américaine que ce Shortbus s'affaire à zieuter avec une fascination appuyée durant cent-deux minutes qui semblent en durer le double. Malgré sa réputation sulfureuse, c'est en fin de compte une comédie de moeurs édentée que signe l'auteur de l'exubérant Hedwig and the Angry Inch John Cameron Mitchell.

Le sexe est partout dans Shortbus. Les gens font d'extrêmes contorsions pour pouvoir s'éjaculer sur le visage. Les triolets homosexuels trouvent toutes les positions possibles pour se satisfaire tous en choeur. Les orgies bisexuelles abondent. La caméra, pour sa part, s'abandonne au voyeurisme avec un plaisir évident. Mais même lorsqu'un homme chante l'hymne national américain dans l'anus de son partenaire, on sent que ce n'est pas par désir de provoquer que Mitchell le film en toute complaisance. Ici, le monde entier tourne autour du sexe, complètement émancipé de tout tabou. Le parti pris du film, en soi valable, est de s'abandonner complètement à la mentalité libertine de ses personnages. Frustré par le pessimisme du cinéma explorant aujourd'hui le thème de la sexualité, Mitchell délaisse ici la morale de manière superficielle pour proposer un hybride plus qu'explicite entre Russ Meyer et Todd Solondz.

Comme chez Solondz, tous les problèmes de l'Amérique sont le fruit de frustrations sexuelles. Ce qu'ajoute dans son infinie sagesse Mitchell, c'est que tous les problèmes de l'Amérique peuvent donc par conséquent se régler par une bonne grosse partouze bien sentie. Le problème, c'est que l'humour grinçant de Happiness a été remplacé par une propension au mélodrame et qu'à l'intelligence et au courage s'est substituée la légèreté et l'insignifiance. Dans un article du magazine Time, on a qualifié Shortbus de « premier film porno de la classe moyenne. » La déclaration prouve hors de tout doute la nature complètement déconnectée des élites américaines. Classe moyenne? Pitié. Shortbus raconte les déboires et débandades d'une bande de yuppies sexuellement libérés qui, au fond, rêvent simplement de vivre en bourgeois bohèmes sans trop se poser de question.

Ainsi, Shortbus n'est qu'un fantasme inconséquent pour le hipster ouvert d'esprit: un party privé complètement débauché mais foncièrement civilisé où peuvent baiser sur fond d'Animal Collective les beaux et les riches. Ironiquement, la conclusion du film s'avère fermement conservatrice malgré toute la chaire qui y est exposée. L'institution sacrée du couple, par ailleurs éclatée au goût du jour, est préservée et une nouvelle normalité, un peu décadente mais bien réelle, a été instaurée. En ce sens, le propos de John Cameron Mitchell est tout sauf progressif; au-delà d'une ou deux fellations présentées sans gêne, nous avons affaire à une bien banale comédie romantique ou à un épisode plus salé de Sex and the City.

Si quelques blagues frappent dans le mile, Shortbus s'avère dans l'ensemble assez pénible à écouter. Ce spectacle pornographique de bon goût a à tout le moins le mérite de ne pas stigmatiser le sexe. Mais au-delà du courage de ses acteurs, le film de John Cameron Mitchell ne nous offre rien de neuf. La même vieille rengaine nous est livrée dans un emballage plus osé, mais rien ne nous impressionne plus de toute façon. Après l'étonnant Hedwig, il faut bien admettre que ce pétard mouillé a une bien triste mine.




Version française : -
Scénario : John Cameron Mitchell
Distribution : Sook-Yin Lee, Paul Dawson, Lindsay Beamish, PJ DeBoy
Durée : 101 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 24 Octobre 2006