SHAOLIN SOCCER (2001)
Stephen Chow
Par Jean-François Vandeuren
La comédie est devenue un genre qui s’est drastiquement
essoufflé en l’espace d’une décennie. Partir
en quête d’une comédie de qualité peut devenir
une aventure plutôt périlleuse. En trouver une qui est
d’autant plus originale tient du miracle. Alors quand on cherche
spécifiquement un type d’humour se basant sur l’absurdité,
réussissant à combiner les deux énoncés
précédents tout en offrant une dose suffisante d’ingéniosité
dans la forme, on se retrouve à chercher une aiguille dans une
immense botte de foin. Mais même s’il s’agit d’une
denrée rare, voire mythique, ces films existent bel et bien.
Si Kung Pow avait relevé le défi en 2002, il
fallait bien s’attendre à ce que les producteurs occidentaux
aillent cherché du côté de l’Orient certaines
comédies authentiques donnant dans le même ton. Comme pour
l’opus ridiculement délirant de Steve Oedekerk, le Shaolin
Soccer de Stephen Chow offre un film misant sur un humour basé
à la fois sur l’utilisation loufoque de certains aspects
techniques en plus d’être agrémenté d’un
scénario complètement tordu.
Le point de départ de cette expérience comique quasi unique
se situe lors d’une rencontre entre un adepte de l’école
de kung fu Shaolin et un joueur de soccer déchu devenu entraîneur.
Impressionnés par l’incroyable potentiel de la combinaison
des deux disciplines, les deux hommes uniront leurs forces pour former
une équipe composée d’anciens adeptes de kung fu
dans le but de participer à une compétition nationale
de soccer. S’en suivra probablement les joutes les plus frénétiques
de tous les temps.
Ce qu’il y a sûrement de plus impressionnant, c’est
que le film de Stephen Chow est en soit un essai comprenant bon nombre
de défauts, qu’on parle d’effets spéciaux
dérisoires en passant par l’abondance de clichés
et des caricatures à gros traits de son récit. Cependant,
là où le cinéaste excelle est dans la manière
dont il traite ces éléments, de sorte qu’il réussit
haut la main à tourner ces bémols apparents à l’avantage
de son opus en les combinant aux idées les plus douteuses et
folles pour nous donner un résultat tout à fait tordant.
Dans cet ordre d’idées, le réalisateur chinois démontre
par le fait même qu’un film peut avoir une base tout ce
qu’il y a de plus faible sur papier, l’essentiel se situe
avant tout dans la façon dont les idées sont amenées
sur pellicule.
Shaolin Soccer est d’autant plus un amalgame impressionnant
de genres, combinant à la fois des principes de la comédie
absurde au drame sportif en passant par le film fantastique, le film
de kung fu, le western, et même (pourquoi pas) la comédie
musicale. Le seul petit accrochage se situerait au niveau de la partie
romantique du film qui n’est peut-être pas tout à
fait au point, même si l’idée générale
dénonçant un monde se basant uniquement sur les apparences
est tout de même louable. Fort heureusement, c’est un élément
qui ne prend pas trop d’importance dans le récit.
Ne cherchez surtout pas la subtilité dans Shaolin Soccer,
vous allez vous esquinter les méninges pour rien. L’essentiel
du film est présenté d’une manière totalement
exagérée et soulignée maintes fois au feutre noir.
Point surtout amené par un casting apportant efficacement à
l’écran les caractéristiques d’usages de leur
personnage respectif en jouant d’une façon tout ce qu’il
y a de plus bon enfant. D’un point de vue technique, un peu comme
pour son récit, Chow tourne un certain manque de moyens à
bon escient en en faisant ressortir le côté loufoque plutôt
que d’en faire un film incomplet. On pense surtout ici aux effets
spéciaux, l’effet « bullet-time »,
les joueurs s’effondrant au sol comme un jeu de quilles, un ballon
créant un énorme cyclone à mesure qu’il traverse
le terrain, etc., demeurant très en dessous des standards fixés
par les mégas productions nord-américaines. Un côté
série b vennant donner un peu plus de charme au film de Chow.
La réalisation de ce dernier est d’autant plus énergétique
et se fusionne parfaitement à l’atmosphère du film,
en plus de créer une structure se rapprochant efficacement de
la bande dessinée par un montage et une avalanche de plans survoltés.
Bref, si vous désirez vous dilater la rate devant un spectacle
à la fois ingénieux et plutôt faible en matière
grise, ne cherchez pas plus loin. Stephen Chow se permet tout de même
une approche parfois plus sérieuse où il expose en final
une petite note sur la place qu’occupe l’idolâtrie
face aux vedettes sportives dans notre système contemporain,
souvent présentées comme de véritables emblèmes
de tout ce qu’une société tend à favoriser
dans le développement de ses membres. Dans la plus pure tradition
des Kung Pow et Chick n’ Swell de ce monde. Les adeptes
d’absurde se régaleront! Culte.
Version française :
Shaolin Soccer
Version originale :
Siu lam juk kau
Scénario :
Stephen Chow, Kan-Cheung Tsang
Distribution :
Stephen Chow, Vicki Zhao, Man Tat Ng, Yin Tse
Durée :
111 minutes
Origine :
Chine
Publiée le :
27 Avril 2004