SE7EN (1995)
David Fincher
Par Jean-François Vandeuren
Pour son deuxième long-métrage à titre de réalisateur,
David Fincher continua sur sa lancée du remaniement des genres
en s’attaquant cette fois-ci au drame policier ou, plus précisément,
à la longue lignée de productions traitant des tueurs
en série. Il est particulièrement difficile de sortir
de la monotonie dans ce genre et cela fut surtout prouvé après
la sortie de Se7en où les studios d’Hollywood
se sont vite empressés, comme il le font pour n’importe
quel film modeste et ingénieux qui réussit à faire
sa place au box-office, de le copier à outre mesure. Et comme
la tradition le veut, peu importe les tonnes de copies, aucune n’a
su arriver à la cheville de la source d’inspiration. Une
autre lignée de films redéfinie par Fincher?
Sous un déluge de pluie, pendant sept jours, les détectives
Mills (Brad Pitt) et Somerset (Morgan Freeman) devront faire équipe
pour élucider une série de meurtres fanatiques où
l’assassin agit en prétextant la punition aux coupables
de péchés capitaux. Méthodique et dérangeant
par la nature des crimes en question, les deux policiers se rendront
vite compte que rien de tel n’avait vu le jour auparavant. Le
temps file et la finalisation du «chef d’oeuvre» de
ce John Doe est sur le point de se concrétiser.
Le premier élément qui nous frappe quand on regarde ce
second opus de David Fincher est qu’il s’agit d’un
opus pratiquement sans violence. Plus précisément, l’équipe
de création a vaillamment décidé d’y aller
avec un point de vue dominant des protagonistes agents de la paix et
de leur enquête en utilisation beaucoup plus la suggestion que
la démonstration d’éléments graphiques. Par
l’allure d’une pièce où d’une simple
photographie, ils réussissent à nous faire imaginer le
pire par rapport aux crimes sordides s’étant produit antérieurement,
mais jamais on ne voit John Doe en action. Élément extrêmement
ingénieux où d’ordinaire on mise beaucoup plus sur
les éclaboussures de sang et l’intrigue minimale bon marché.
C’est d’ailleurs une des grandes forces du cinéma
de David Fincher où ce dernier réussit à faire
sortir du cadre traditionnel d’un genre une oeuvre en exploitant
à ses dépends certains éléments clés
(voir Alien³), mais dans une structure plus approfondie,
donc plus originale et convainquante. Un bon exemple de cette exploitation
dans le cas présent est l’utilisation du tandem policier
typique incarné par les acteurs Morgan Freeman et Brad Pitt.
On connait tous la chanson: un détective près de la retraite
doit faire équipe bien malgré lui avec un jeune détective
opportuniste et idéaliste afin de résoudre une série
de crimes plutôt inquiétante. Mais là où
Se7en s’avère être beaucoup plus efficace
que la moyenne est que dans le traitement des personnages, on mise ici
sur le développement de la relation entre les deux officiers
d’un point de vue psychologique par rapport à leur enquête,
plutôt que celui d'une simple bonne entente mutuelle. Et l’incroyable
chimie entre les deux acteurs ne pouvait aucunement faire de tord à
cet effet. L’objectif final d’une telle relation dans le
cas de Se7en se veut une réelle compréhension
parallèle entre les deux individus. D’autre part, l’idée
du personnage de John Doe vient également dérouter la
structure type du film policier. En d’autres termes, nous ne sommes
pas en présence ici de ce que l’on pourrait appeler le
manique typique d’Hollywood. En effet, plutôt que d’être
un tueur «par définition», on nous le présente
plutôt comme étant une anomalie résultant d’une
société dégoutante. L’idée de la motivation
derrière le personnage est d’ailleurs tellement bien rendu
dans un dialogue entre l’inspecteur Mills et ce dernier que le
point de vue du spectateur face au tueur ne peut qu’être
sérieusement remis en question. Il faut tout de même préciser
que derrière chaque film de Fincher se cache bon nombre de réflexions
en ce qui a trait à la vie moderne en société et
la perception du mode de vie à l'occidentale.
Il faut également souligner que pour Se7en, David Fincher
et son équipe ont eu la brillante initiative d’aller proposer
le projet à un studio plus modeste à l’époque,
soit New Line Cinema, pour que le réalisateur puisse être
en mesure d’acquérir beaucoup plus de pouvoir au niveau
du résultat final qu’il en avait eu pour son opus précédent.
Choix extrêmement judicieux il faut bien l’avouer. Et en
ce qui concerne la réalisation, on ne peut pas se tromper, c’est
du Fincher tout craché dans les moindres détails aussi
infimes soient-ils. Que ce soit au niveau des textures d’environnements
décrépies en passant par la prédominance et le
rendu parfait de la pluie ou les couleurs très sombres et fades
dominées par un aspect brunâtre, tous ces éléments
prennent énormément de place à l’écran,
voire la totalité. L’ensemble des images et plans de Se7en
font transpirer le style ahurissant de Fincher reconnaissable entre
mille. Une réalisation tout simplement divine et faite avec beaucoup
d’imagination et une efficacité remarquable. De très
bon gout.
Bref, on nous offre avec Se7en la quintessence du genre, rien
de moins. En nous ayant concocté ce qui s’avère
être un petit chef-d’œuvre de style et de manipulation
du récit, David Fincher peut affirmer en toute modestie, tout
comme le fait son personnage de John Doe d’ailleurs, qu’il
a véritablement réussi à orchestrer une œuvre
sur laquelle se poseront bon nombre de regards attentifs pendant encore
bien des années. Ce fait à lui seul le fait ressortir
de la masse alors que le genre tourne véritablement en rond à
une époque où un film est aussitôt vu, aussitôt
oublié. Il y a de sérieuses questions à se poser.
Il y en a au moins un qui a su trouver quelques réponses. Un
tour de force nous laissant sur une finale mémorable, voire parfaite.
Version française :
Sept
Scénario :
Andrew Kevin Walker
Distribution :
Brad Pitt, Morgan Freeman, Gwyneth Paltrow, R.
Lee Ermey
Durée :
127 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
23 Septembre 2003