SCRATCH (2001)
Doug Pray
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Avec la montée de la culture hip hop vint le culte du DJ, maitre
rythmique et archéologue musical capable de faire danser une
foule ou d'absorber le mélomane le plus sérieux en manipulant
ses vinyles du bout des doigts. Avec Scratch, Doug Pray tente
de jeter un regard à la fois historique et actuel sur cette scène
en pleine effervescence, s'appuyant surtout sur les témoignages
de certains des DJs les plus influents des vingt dernières années.
Son film s'avère un essai intéressant bien qu'incomplet
sur ce sujet fascinant, compilant entrevues instructives et performances
remarquables en un collage qui rappelle dans son approche la forme d'art
à laquelle il tente de rendre justice.
La simple liste d'artistes invités à participer à
Scratch devrait convaincre n'importe quel amateur de s'y intéresser:
Cut Chemist, DJ Shadow, DJ Swamp, DJ Qbert, Mix Master Mike, Rob Swift,
DJ Krush, Afrika Bambaataa et Grand Wizard Theodore ne sont que quelques-uns
des DJs interviewés par Pray pour les besoins du projet. On a
ici affaire à un album de famille presque complet des artistes
qui ont aidé à façonner ou à faire évoluer
cette forme d'art remarquablement moderne et dynamique que certains
dinosaures auditifs tentent encore de snober sous prétexte que
rien ne s'y crée, que tout ce recyclage n'a rien de la vraie
recherche musicale.
Ce que Scratch arrive à accomplir sans l'ombre d'un
doute, c'est prouver la validité et la vitalité de l'art
du DJ. En s'appuyant sur des images des plus grands maitres de la table
tournante à l'oeuvre et en expliquant les diverses approches
et mentalités qui s'entrechoquent au milieu de cette seule scène.
Le réalisateur arrive à rendre tangible toute la richesse
d'une tangente fascinante d'une culture trop souvent rejetée
sans fondement à coup de vieux clichés réducteurs
et erronés. Il faut que cesse cette tendance à démoniser
la culture hip hop pour les facettes qu'une industrie musicale avare
a décidé de caricaturer et d'exploiter.
Là où le bas blesse, c'est dans la couverture que fait
Pray de l'historique de la musique hip hop et de la table tournante
comme instrument clé du genre, ramenant peut-être un peu
trop le tout à la même performance de Rockit 2000 d'Herbie
Hancock pour véritablement satisfaire ceux qui cherchaient une
présentation détaillée sur cet aspect tout de même
assez important du sujet. En fait, le film se penche surtout sur les
différents artistes qui y sont mis en vedette. On peut difficilement
se plaindre étant donné l'étendue et la qualité
de la liste en question, mais il reste que l'on aurait aimé que
soit dressé un meilleur portrait documentaire. Ce sont surtout
les prestations époustouflantes offertes par les différents
virtuoses ici présents qui convaincront les curieux et soulèveront
les amateurs.
Peut-être est-il encore trop tôt pour produire un film définitif
sur le phénomène du «turntablism»,
comme le disent les anglophones? Cela dit, Scratch s'avère
un manifeste vivant et sympathique à l'esthétique soignée,
tourné et monté en parfaite symbiose avec l'âme
de son sujet. Le film de Doug Pray arrivera probablement à convaincre
plusieurs sceptiques de l'intérêt de cette forme remarquablement
moderne de création musicale. Rencontre au sommet entre l'histoire
et la technologie, entre l'adresse pure et la créativité
sans limite, le noble art de la table tournante est une nouvelle base
de l'expression musicale actuelle. Ceux qui continueront à rejeter
cette révolution en se basant sur des arguments aussi farfelus
qu'insignifiants sont condamnés à la stagnation stérile.
Évoluer ou mourir? Telle est la question...
Version française :
Scratch
Scénario :
Doug Pray
Distribution :
Afrika Bambaataa, DJ Shadow, Grand Mixer DXT, DJ
Krush
Durée :
92 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
8 Août 2005