SCRAP HEAVEN (2005)
Sang-il Lee
Par Jean-François Vandeuren
Lors d’un évènement pour le moins étrange,
un secrétaire politique dans l’eau chaude tire sur un jeune
concierge pendant une partie de roulette russe qu’il improvisa
avant de retourner l’arme contre lui. Le jeune homme au caractère
volatile qui aime bien confronter les évènements d’une
manière instinctive s’étant rétablit d’un
coup de feu qui aurait pu lui être fatal, se lie alors d’amitié
à un jeune policier qui se trouvait aussi sur les lieux, lequel
a tendance à trop réfléchir, mais à ne jamais
agir le temps venu. Les deux personnages démarreront alors une
entreprise dans une vieille toilette publique abandonnée où
les gens soumettent leur demande de vengeance envers un individu qui
mérite hors de tout doute que ses pendules soient remises à
l’heure. Mais comme on s’en doute dès le départ,
cette partie de plaisir ne pourra durer éternellement et lorsqu’ils
seront de nouveau confrontés à la réalité,
les deux comparses devront inévitablement faire un choix.
Même si le récit se veut tout de même fort différent,
le schéma de Scrap Heaven révèle néanmoins
de fortes ressemblances avec le Fight Club de David Fincher.
L’effort de Lee Song-Il se rapproche parfois trop même du
film inspiré des écrits de Chuck Palahniuk, prônant
un discours social d’une manière souvent extrême,
tout en gardant une lucidité dans ses actions qui force à
la réflexion, mais dans une facture beaucoup plus légère.
Scrap Heaven n’est évidemment pas le premier film
à s’inspirer librement du film culte de Fincher, mais contrairement
aux autres essais qui s’avérèrent pour la plupart
malhonnêtes et irréfléchis, le présent film
semble être dans son ensemble l’effort le plus près
et en même temps le plus éloigné de Fight Club.
Et il est peut-être bien là le problème. Car pas
de doute que Lee Song-Il porte bon nombre d’idées assez
originales à l’écran, mais dans un moule qui n’est
pas toujours le sien.
Scrap Heaven prend cependant place dans un monde aux couleurs
beaucoup moins glauques que Lee Song-Il élabore grâce à
une réalisation très appliquée, faisant part de
plusieurs prouesses qui lui reviennent de droit. Malgré tout,
on ne pourra s’empêcher de toujours remarquer certaines
influences de Fight Club, particulièrement dans la relation
entre les deux principaux protagonistes prenant des allures de celle
entre le narrateur et Tyler Durden sans tout le volet sur le dédoublement
de personnalité, même chose en ce qui a trait à
ses différents avec la bureaucratie. Visuellement, ces influences
se remarquent particulièrement au niveau du montage et aussi
de la tournure que prennent certaines scènes, y allant de quelques
effets de styles comme le fameux déraillement de bobine, où
lorsque le film, par exemple, s’enchaine à la fois sur
de courts extraits des actions du duo et la place accordée à
ceux-ci sous formes d’histoires insolites dans les médias,
renvoyant à une scène identique dans le film de David
Fincher.
Le cinéaste japonais nous livre néanmoins un film tout
à fait respectable, dont l’humour aussi léger que
noir fonctionne admirablement bien, rappelant d’une certaine manière
la structure du récit du génial Shaun of the Dead
qui démarrait sur une comédie des plus sympathiques pour
s’alourdir graduellement vers un ton beaucoup plus dramatique.
Mais même si le réalisateur continue de flirter avec la
comédie même lorsque l’atmosphère générale
du film devient plus pesante, ce dernier demeure malgré tout
impitoyable dans son discours où il prend position face à
l’arrogance de sa société, voulant ainsi offrir
un peu de justice à ceux qui n’y ont pas nécessairement
accès vu leur place dans la nouvelle hiérarchie sociale.
Difficile donc de juger d’un film aussi efficace et prenant, mais
en même temps, qui sent le réchauffé à plein
nez. Si l’idée de base est amenée d’une manière
quelque peu différente, la formule en soi reste la même,
la seule différence étant que l’évolution
du scénario se faisant dans un laps de temps plus court, on remarque
du même coup que le changement de cap des deux principaux personnages
en opposition l’un à l’autre s’exécute
de façon beaucoup plus drastique que dans l’œuvre
de David Fincher. L’absence de narration en voix off dans le film
de Lee Sang-Il appuie d’ailleurs fortement cette différence.
Un film qui donne plus qu’à son tour l’impression
d’une copie carbone, mais qui porte néanmoins la signature
de Lee Sang-Il à bien des égards.
Version française :
Paradis de féraille
Scénario :
Sang-il Lee
Distribution :
Chiaki Kuriyama, Akira Shoji, Takama Suzuki
Durée :
117 minutes
Origine :
Japon
Publiée le :
5 Octobre 2005