A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

LA SCIENCE DES RÊVES (2006)
Michel Gondry

Par Jean-François Vandeuren

En soi, c’est avec La Science des rêves que l’univers délirant de Michel Gondry finit par avoir complètement le dessus sur le septième art. Si le cinéaste français compta sur le toujours génial Charlie Kaufman pour l’écriture de ses deux premiers longs-métrages de fiction, le hasardeux Human Nature et le chef-d’œuvre Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Gondry fit cette fois-ci cavalier seul et signa à la fois le scénario et la réalisation de ce projet ambitieux, mais pas impossible. Il en ressort évidemment un film beaucoup plus personnel et tributaire de la folie visuelle de plus de deux décennies de carrière dans le domaine du vidéo clip et de la publicité. Fort heureusement, Gondry sût toujours faire la distinction entre ces différents médiums. La Science des rêves s’affiche ainsi comme un effort à l’imagination débordante qui se moque complètement des dernières technologies pour retourner à une époque où nous voulions raconter une histoire simplement pour le plaisir de la chose à l’aide de tout ce qui pouvait nous tomber sous la main. La seule différence est que Gondry a désormais à sa disposition un équipement beaucoup plus sophistiqué et un casting des plus enviables.

Oscillant constamment entre le rêve et la réalité au point où il devient parfois difficile de les distinguer l’un de l’autre, le quatrième film de Michel Gondry raconte une histoire d’amour somme toute plus convenue que celle d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind, mais le cinéaste ne se gêne pas une fois de plus pour compliquer ce qui aurait pourtant pu être si simple d’ordinaire. Ses deux marionnettes pour l’occasion sont Stéphane et Stéphanie. Suite au décès de son père, Stéphane quitta le Mexique pour s’installer chez sa mère, à Paris. Pour s’assurer que le passage de son fils dans la capitale française ne soit pas éphémère, cette dernière lui dénicha un emploi peu stimulant dans une fabrique de calendriers. De son côté, Stéphanie vient tout juste d’emménager en face de chez Stéphane. Si en théorie le duo formerait assurément un couple du tonnerre, les difficultés de Stéphane à clairement différencier ses rêves du quotidien s’avéreront des plus problématiques alors que pour sa part, Stéphanie semble vouloir s’engager dans une relation beaucoup plus lucide.

Après s’être intéressé à l’importance de la mémoire et des expériences passées sur notre cheminement en tant qu’individu, Michel Gondry scrute à présent le côté plus éclectique du cerveau humain. Pour illustrer une telle prémisse, le cinéaste français s’en remit évidemment à une structure narrative des plus éclatées dont il confit souvent les rennes à ses deux protagonistes. Ceux-ci s’amusent alors à interrompre le fil du temps, revenir en arrière, ne serait-ce que pour une fraction de seconde, et mettre sens dessus dessous autant les fondements du monde réel que de l’imaginaire. Gondry y va d’ailleurs d’un coup de génie particulièrement éclatant en abordant de façon inversée les théories entourant les rêves lucides. Par son personnage de Stéphane, Gondry nous confronte un peu à lui-même, soit un enfant qui a refusé de grandir et qui cherche à effacer la morosité du monde ambiant pour renouer avec une ère où tout prenait des allures de jeux, où les objets les plus insignifiants pouvaient avoir des pouvoirs extraordinaires.

Comme toujours, la facture visuelle des plus vivantes de Michel Gondry s’avère irréprochable. La Science des rêves adopte évidemment une vitesse de croisière particulièrement rapide, mais tout ce chaos n’est pas forcément le résultat de mouvements de caméra hyperactifs. Le rythme tonitruant de l’effort est plutôt dû à l’abondance d’action à l’intérieur de plans généralement assez stables et d’un montage particulièrement alerte qui semble dérailler à plus d’une reprise, mais qui finit toujours par appuyer avec fougue les intentions du réalisateur français.

Avec La Science des rêves (et par l’entremise des rêves de Stéphane), Gondry effectue une sorte de synthèse de sa carrière à titre de réalisateur. Ce dernier se fait ainsi une joie de réutiliser les mains géantes du formidable clip qu’il réalisa pour la chanson Everlong des Foo Fighters et de renouer avec l’animation en « stop-motion » pour donner vie à un monde imaginaire fait de cartons recyclés, de papiers mâchés et de bidules étranges de toutes sortes. Le tout est superbement mis en couleurs par la direction photo étincelante de Jean-Louis Bompoint, laquelle n’est pas sans rappeler celle que signa Ellen Kuras pour Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Si la mise en scène de Gondry se veut ici particulièrement imposante, le cinéaste ne cherche toutefois jamais à nous la faire avaler de force. Gondry créé ainsi un univers magique rappelant à plusieurs égards celui de l’enfance que ses deux personnages principaux, interprétés de façon désarmante par Gael Garcia Bernal et Charlotte Gainsbourg, conduisent avec une candeur extraordinaire. Pour sa part, Alain Chabat s’avère tout simplement hilarant en personnage vulgaire de service dont le je-m’en-foutisme assumé n’est jamais de trop.

Dans un de ses rêves, une journaliste interviewe Stéphane, alors un artiste dont le talent est reconnu mondialement, pour connaître le secret de son succès. Ce dernier répondra qu’il croit que les gens sympathisent avec son œuvre car elle vient du cœur. Il s’agit assurément du passage expliquant le mieux la réussite de Michel Gondry, autant pour le présent effort que pour l’ensemble de sa carrière, alors que le cinéaste aura toujours su stimuler avec intelligence et sincérité autant le cœur que l’esprit. Nous pourrions évidemment reprocher à La Science des rêves de ne pas avoir la cohésion d’ensemble qui faisait d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind une œuvre à la fois délirante, lucide et accessible. Néanmoins, c’est ce côté irréfléchie et spontanée qui fait tout le charme du quatrième film de cet éternel gamin. C’est sur une fin ouverte des plus admirables que Gondry termine ce spectacle extravagant dont même les quelques imperfections respirent la grandeur d’un cinéaste qui, malgré qu’il ait pu nous faire croire le contraire à quelque reprise, se trouve toujours en pleine possession de ses moyens.




Version française : -
Scénario : Michel Gondry
Distribution : Gael Garcia Bernal, Charlotte Gainsbourg, Alain Chabat, Miou-Miou
Durée : 105 minutes
Origine : France

Publiée le : 3 Octobre 2006