SAW II (2005)
Darren Lynn Bousman
Par Jean-François Vandeuren
Nous avions toutes les raisons du monde d’appréhender avec
réticence ce second volet au tout de même prenant Saw
paru en 2004, lequel n’échappa toutefois pas aux critiques
peu élogieuses de certains qui attaquèrent, à tord
ou à raison, l’invraisemblance générale de
son récit. On se croirait maintenant revenu tout droit dans les
années 80 en voyant une suite débarquer sur les écrans
l’année suivante pour tenter, à première
vue, de recréer de peine et de misère le sentiment d’inconfort
que le premier épisode réussit à installer chez
un public généralement peu familier avec une telle forme
de sadisme. Que la formule ait perdu de sa vivacité aurait été
un phénomène tout ce qu’il y a de plus prévisible,
mais étonnamment, le film de Darren Lynn Bousman réussira
sans trop de difficultés à entrainer de nouveau ceux qui
avaient déjà trouvé leur compte avec l’effort
de James Wan. Saw 2 nous convit évidemment à
une suite dont la mise en situation fut élaborée de manière
exponentielle par rapport à celle du premier volet, mais Bousman
s’est tout de même permis de trafiquer la facture originale
pour en accentuer l’impact et la rendre, aussi étrange
que cela puisse paraitre, un peu plus crédible.
Saw 2 nous réintroduit donc aux stratagèmes de
l’imaginaire tordu du tueur que les médias ont affectueusement
surnommé Jigsaw. Cette fois, l’intrigue principale du film
nous transporte dans une maison délabrée où sept
individus sont retenus prisonniers et respirent depuis leur entrée
dans la demeure un gaz toxique qui les tuera d’ici quelques heures.
Le film de Bousman emprunte ainsi les traits d’un Fort Boyard
sadique dans lequel les participants ne sont pas récompensés
par des clés, mais plutôt par des seringues contenant l’antidote
au poison qu’ils respirent, lesquelles furent dissimulées
un peu partout dans la maison sous forme d’énigmes et de
machinations grotesques, chacune destinée à un concurrent
en particulier. Pendant ce temps, notre bon vieux Jigsaw est retenu
prisonnier par une meute de policiers croyant avoir l’affaire
bien en main, en particulier un détective dont le fils fait parti
des sept individus en question.
Bousman s’attarde d’entrée de jeu à la déconstruction
de plusieurs archétypes trop souvent rattachés au cas
du tueur en série dans ce genre de scénario, les remettant
en question par le détachement total de Jigsaw face à
son oeuvre et par le traitement très stéréotypé
du travail des enquêteurs dans l’histoire, dont l’incompétence
de leur approche basée sur des généralités
est clairement mise en évidence. On notera également l’esquisse
d’une morale s’inspirant une fois de plus fortement du discours
de John Doe dans Se7en sur le respect de la vie, autant la
nôtre que celle d’autrui, nous éloignant ainsi un
peu plus des commandements d’un slasher ordinaire. Un
détail qui avait fait beaucoup jaser également dans le
cas du premier film était sa finale pour le moins inusitée,
face à laquelle il était autant possible de jouer le jeu
et en admettre la force, que de finir par complètement décrocher
du récit. Le coup de théâtre de Saw 2 se
devait donc d’être exploité à plus grande
échelle et une fois de plus, Bousman nous convit à une
conclusion dont la répercussion sur l’ensemble de l’effort
contribue à la rendre extrêmement convaincante. Le film
n’échappe cependant pas à quelques invraisemblances,
particulièrement au niveau de la position de certains évènements
sur la ligne du temps entourant l’univers du film.
Bousman conserva également le cap sur la création d’une
atmosphère de tension continue par le biais d’une présentation
visuelle extrêmement nerveuse. Il est vrai par contre que cela
donne lieu à certaines formes d’abus. On pourra reprocher
en ce sens le rythme frénétique de la réalisation
de Bousman qui suit souvent de trop près les effets de style
et techniques abruptes d’un vidéo clip, en plus de certains
élans liables au schéma d’une bande dessinée.
Il s’agit pourtant de la mise en scène qui était
la plus adéquate dans ce cas-ci pour injecter toute la tension
nécessaire afin de rendre prenant le contexte général
du film basé en soi sur un compte à rebours. Dans le même
ordre d’idées, le producteur musical et ancien claviériste
de Nine Inch Nails, Charlie Clouser, revient une fois de plus appuyer
parfaitement le caractère détraqué du visuel de
Bousman.
Oui, Saw 2 reste une entrée tapageuse à souhait
dans cette série en devenir qui ne cherche jamais à faire
dans la dentelle. D’un autre côté, sa surprenante
habileté à nous faire oublier momentanément qu’on
marche constamment en terrain familier en plus de l’efficacité
parfois redoutable de ses machinations en font en final un nouveau cas
plutôt réjouissant dans le paysage du cinéma d’horreur
commercial à l’américaine. On pourrait reprocher
au film de Darren Lynn Bousman de manquer horriblement de nuance, mais
il s’agit pourtant d’un fait qui demeure en grande partie
responsable de sa force d’impact, particulièrement en ce
qui a trait au dénouement qui est dans ce cas-ci beaucoup plus
vraisemblable et pertinent. Un film qui s’avère étrangement
peu redondant malgré son utilisation à la lettre de la
formule du sequel. Reste maintenant à savoir combien de temps
encore l’idée arrivera à tenir le coup. Car devant
une recette aussi gagnante au box-office, les producteurs ne comptent
évidemment pas en rester là. Saw 3 a déjà
été annoncé pour l’Halloween 2006. Un renouveau
presque total s’impose toutefois pour ce prochain chapitre.
Version française :
Décadence II
Scénario :
Darren Lynn Bousman, Leigh Whannell
Distribution :
Donnie Wahlberg, Dina Meyer, Shawnee Smith, Tobin
Bell
Durée :
93 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
23 Novembre 2005