SAVE THE GREEN PLANET! (2003)
Jun-hwan Jeong
Par Jean-François Vandeuren
Ce n’est plus vraiment un secret pour personne, même que
l’effet de surprise a tendance depuis un certain temps à
disparaitre de plus en plus, que le cinéma asiatique aime bien
créer de joyeux bordels excentriques qui mettront soit notre
patience à très rude épreuve ou nous émerveilleront
par leur créativité. Mais arrive à l’occasion
un OVNI tellement étrange et inusité qu’on ne peut
qu’être ébahi de nouveau devant un spectacle remettant
si spectaculairement à leur place ceux qui croyaient avoir tout
vu. Inutile d’en dire plus pour introduire ce Save the Green
Planet! de Jun-hwan Jeong. Le film démarre alors qu’un
hurluberlu et sa compagne tout aussi timbrée en apparence kidnappent
le président d’une compagnie pharmaceutique sous prétexte
qu’il s’agirait en fait du chef suprême d’un
peuple extra-terrestre qui prévoit anéantir la race humaine
lors de la prochaine éclipse lunaire. S’en suit une introduction
défilant à toute allure grâce à un montage
complètement déréglé, sur laquelle défile
une reprise punk de l’incontournable Over the Rainbow
du film The Wizard of Oz. Tout pour passer du bon temps en
famille, quoi! Pas tout à fait...
Après nous avoir introduit à ce qui semble être
une comédie où l’on a affaire à un type qui
aurait un peu trop écouté de films de science-fiction
dans sa vie, au point de confondre ces fables de fin du monde avec la
réalité, le ton général commence à
changer progressivement pour se diriger vers un suspense macabre occasionnant
quelques scènes de tortures pas nécessairement graphiques,
mais tout de même assez sadiques. Pour efficacement passer d’un
extrême à l’autre, Save the Green Planet!
nous fait voguer à travers une multitude d’influences qui
n’ont pas grands choses à voir entre elles, comme l’horreur,
la comédie, favorisant particulièrement l’humour
noir, mais où Jun-hwan Jeon s’amuse également à
puiser dans un amalgame de genres assez volumineux qui rappellera dans
un tout autre contexte celui du Shaolin Soccer de Stephen Chow,
en plus d’un clin d’œil au film de science-fiction
de série B et quelques tournures narratives pas trop loin du
Silence of the Lambs de Jonathan Demme ou même du Se7en
de Fincher. Le plus surprenant est que le cinéaste sud-coréen
réussit à gérer ce bagage contextuel assez imposant
grâce à une agilité fulgurante à faire passer
son public par toute une gamme d’émotions en de courts
laps de temps, pouvant se référer dans une même
scène autant à l’horreur qu’à la comédie
et réussir à susciter deux réactions bien distinctes
qui n’empiètent aucunement l’une sur l’autre.
Jun-hwan Jeong adapte tout aussi bien visuellement la frénésie
de son récit dépendamment du genre mis à l’avant-plan
par une réalisation et un montage complètement déjantés
et des effets spéciaux aussi réussis que navrants, le
tout soutenant un but bien précis par contre. C’est cependant
sur des esquisses glauques et parfois même claustrophobes que
Save the Green Planet! repose en majeure partie, étant
donné que le film prend souvent place dans l’atelier souterrain
où est retenu prisonnier le présumé extra-terrestre.
L’efficacité fulgurante de la mise en scène de Jun-hwan
Jeong doit aussi beaucoup au jeu des acteurs, particulièrement
celui de Ha-kyun Shin dans le rôle principal qui offre une performance
complètement folle et, sans quoi, l’effort aurait peut-être
eu peine à soutenir certains de ses concepts les plus étranges,
notamment la manière dont est traitée la psychologie de
ce dernier qui s’avère parfois assez lourde, même
dans de telles circonstances.
Un film qui peut se vanter à bien des égards d’être
un spectacle aussi jouissif qu’unique. Même si l’on
doute forcément dès les premiers instants de l’effort
de ce à quoi la finale nous exposera éventuellement, suivant
la logique même d’un scénario aussi éparpillé,
il y aura néanmoins eu un sacré bout de chemin à
parcourir avant d’arriver à une morale sur l’humanité
et son avidité pour le pouvoir et son désir perpétuel
de vengeance qui laissent plus souvent qu’autrement la place à
diverses formes de destruction l’empêchant de réellement
entrer en harmonie avec le monde qui l’entoure. Conclusion qui,
même si elle laisse au passage un gout plutôt amer, vient
néanmoins remettre brillamment en question, voire même
déconstruire, tout ce qui défila précédemment
sous nos yeux.
Version française : -
Version originale :
Jigureul jikyeora!
Scénario :
Jun-hwan Jeong
Distribution :
Ha-kyun Shin, Yun-shik Baek, Jeong-min Hwang, Jae-yong
Lee
Durée :
118 minutes
Origine :
Corée du Sud
Publiée le :
13 Septembre 2005