RUNAWAY JURY (2003)
Gary Fleder
Par Louis-Jérôme Cloutier
Un réalisateur avec une feuille de route des plus ordinaires,
quatre scénaristes au talent douteu pour certains, adaptation
d'un roman de John Grisham. La première réaction serait
de se dire objectivement que le résultat risque d’être
catastrophique. Quelle surprise de constater que Runaway Jury
constitue la seconde meilleure adaptation d’un livre de Grisham
derrière The Rainmaker. Aussi surprenant que cela puisse
paraitre, le film est effectivement réussi grâce à
un jeu très solide des acteurs, des dialogues accrocheurs et
un suspense des plus intéressants. On ajoute à tout cela
un débat autour du contrôle des armes à feu où
les deux opinions sont quasi entendues à armes égales.
Runaway Jury traite de corruption et de manigance à
l’intérieur d’un procès. Des personnes tentent
d’influencer le jury en leur faveur afin de faire virer la cause
selon leur convenance. Évidemment, l’argent est l’ultime
raison pour mettre en oeuvre autant de ressources pour s’assurer
la victoire. Si le roman de Grisham traitait des grandes compagnies
de cigarettes, les scénaristes du film ont préféré
se tourner vers le contrôle des armes à feu. Choix judicieux:
The Insider a déjà fait le tour de l’autre
question. Mieux encore, on ne tente pas de manipuler le spectateur en
adoptant un parti pris trop évident. Cependant, le procès
sert surtout de toile de fond bien que son importance devienne capitale
dans les derniers moments. L’intrigue découle du fait de
savoir qui réussira à «acheter» son verdict.
Ce suspense est très bien réussi puisque les acteurs en
présence sont tous de gros calibres tels Gene Hackman, John Cusack
et Dustin Hoffman qui livre la meilleure interprétation du groupe.
Le monde de la justice est encore dépeint d’une façon
particulière. Les avocats utilisent tous les moyens possibles
et illégaux pour parvenir à leur fin et la corruption
est omniprésente alors que seul le personnage de Hoffman désire
la justice tout en restant honnête face à lui-même.
Quand même, suivre les péripéties est assez haletant
tout en étant parfois imprévisible, rehaussant le plaisir.
Ce genre de film tient d’ailleurs ses faiblesses dans ses prévisibilités.
Bien sûr, la fin est heureuse, mais on ne voit pas venir certains
détours. Aussi, les dialogues sont de très bonne qualité
dont un échange entre Hoffman et Hackman absolument délicieux
alors que la société américaine est dépeinte
sous son plus mauvais jour. C’est d’ailleurs après
cette séquence que j’ai compris que Runaway Jury
était un produit de qualité.
Bien que la forme soit ultra conventionnelle, on ne peut nier le travail
effectué par toute l’équipe. Fleder a une réalisation
également conforme, mais j’ai beaucoup apprécié
sa façon de construire les échanges entre les personnages.
C’est quelque chose que j’ai toujours admiré et remarqué
lorsque la beauté du film se trouve dans les interactions entre
les personnages. Bref, un travail sans aucun doute plus réussi
que celui de Schumacher sur The Client par exemple. Si l’on
revient au scénario, on peut trouver la finale plutôt pâle
comparée au reste de la production. Le happy end hollywoodien
n’est pas toujours la façon la plus efficace de terminer
un film. Étrangement, je souhaitais cette fin me disant qu’une
autre aurait ruinée tous les efforts des protagonistes. Aussi,
il manque clairement de développement au niveau des personnages
même si j’ai trouvé que ce film aurait dû durer
une dizaine de minutes de moins. Plusieurs scènes auraient pu
être effacées ou raccourcies et j’aurais concentré
davantage d’effort sur la présentation des jurés
ou encore sur la relation entre Weiz et Cusack dont on n’a qu’un
survol.
Pour terminer, Runaway Jury est une des bonnes surprises de
l’année. Nous avons droit à des tonnes invraisemblances,
dont une dure à avaler, mais dans l’ensemble, on dépasse
facilement le niveau des adaptions précédentes de Grisham.
La trame de fond est parfaite à l’heure où le débat
sur les armes à feu est sur la table. Les acteurs de premier
plan se livrent des échanges corsés dans une interprétation
de bonne qualité. Un des meilleurs films judiciaires depuis longtemps.
Version française :
Le Maître du jeu
Scénario :
Brian Koppelman, John Grisham (roman)
Distribution :
John Cusack, Gene Hackman, Dustin Hoffman, Rachel
Weisz
Durée :
127 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
19 Octobre 2003