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ROOMMATES (2006)
Eun-kyeong Kim

Par Jean-François Vandeuren

Pour plusieurs, l’assurance d’un avenir prospère et d’une place de choix sur l’échiquier social ne dépend que de la capacité d’un individu à performer sur le plan académique. Or, face aux pressions constantes émanant des sphères scolaire, sociale et familiale, certains finissent par craquer et se tournent alors vers d’autres alternatives pour arriver à leurs fins tout en sachant pertinemment qu’ils ne bénéficieront sûrement pas du support auquel ils auraient eu droit s’ils avaient été en mesure de suivre le reste du troupeau. Dans Roommates, une centaine d’adolescentes ayant échoué aux examens d’admission de différentes universités sont envoyées à l’académie Younghwa pour une année d’étude intensive. 365 jours au cours desquels elles seront complètement coupées du monde extérieur et de ses distractions pour être soumises aux politiques quasi militaires d’une institution qui n’hésitera pas à recourir à la violence et l’intimidation pour mettre ces futures travailleuses au pas. Les étudiantes au tempérament un peu plus rebelle auront évidemment plus de difficulté à se plier aux exigences de l’académie. Quelques-unes d’entres-elles seront d’autant plus affligées d’étranges visions de corps mutilés qui finiront par affecter sérieusement leur santé mentale. Ces hallucinations seraient-elles liées d’une quelconque façon à l’incendie ayant ravagé l’institution trois ans plus tôt? Si c’est le cas, les cadavres gisant sur le sol lors de ces manifestations ne devraient-ils pas être calcinés plutôt que tailladés et recouverts de sang?

La prémisse de Roommates semblait en soi des plus pertinentes, en particulier à une époque où les fusillades dans les institutions scolaires sont devenues une réalité à laquelle nous risquons d’être confrontés de plus en plus fréquemment. Il faut dire aussi que l’atmosphère étouffante et les politiques parfois trop rigides de certains milieux d’apprentissage sont des sujets que le septième art n’a pas vraiment l’habitude de traiter sous sa forme fictive. Le scénario de Il-han Yoo aborde cette problématique d’une manière on ne peut plus imagée au départ en s’attaquant aux méthodes parfois disgracieuses employées par les têtes dirigeantes de ce genre de «régime» pour pousser leurs meilleurs éléments à se conformer à une ligne de pensée bien définie tout en dévalorisant les efforts de tous ceux n’étant pas en mesure d’y adhérer par leurs propres moyens. À cet effet, la trame narrative de cet épisode de la série Suddenly One Day n’est pas sans rappeler celle du percutant premier tiers du Full Metal Jacket de Stanley Kubrick qui s’intéressait également aux effets dévastateurs de ce type de renforcements négatifs sur l’esprit humain à l’intérieur d’un milieu fermé régi par des lois et des valeurs extrêmement strictes. Le problème par contre est que le discours tenu ici par Il-han Yoo ne tient malheureusement pas la route dans un récit mélangeant aussi maladroitement horreur et drame psychologique.

Roommates s’encombre ainsi d’une sous-intrigue à saveur surnaturelle s’inspirant mollement des rouages de l’excellent Suspiria de Dario Argento dans laquelle quelques spectres de jeunes filles aux longs cheveux foncés mettront une fois de plus à rude épreuve les nerfs (ainsi que la patience) des spectateurs. Une initiative développée d’une manière particulièrement chaotique qui ne sera toutefois d’aucune utilité à la présente histoire, si ce n’est que pour camoufler le manque total de rigueur scénaristique avec lequel les bases de celle-ci furent érigées. Le tout aura évidemment pour effet de minimiser de façon considérable la portée des propos de Il-han Yoo et parfois même d’en altérer complètement le sens. Esthétiquement, la facture visuelle de Eun-kyeong Kim se veut malheureusement à l’image du scénario de Il-han Yoo. La réalisatrice n’a ainsi aucune difficulté à rendre palpable la tension psychologique s’installant progressivement à l’intérieur de l’établissement grâce à la stabilité suffocante de sa mise en scène, laquelle tire également parfaitement profit du minimalisme et de la froideur des décors et des costumes. Pourtant, la cinéaste sud-coréenne et son acolyte n’arrivent tout simplement pas à rendre crédibles ou même un tant soit peu stimulants les différents éléments d’horreur qu’elles cherchent si désespérément à coller à la trame narrative de leur récit, lesquels ne donnent lieu en définitive qu’à une bête accumulation de flashbacks incohérents et d’images chocs ne produisant jamais les effets escomptés.

Il est ainsi difficile de comprendre ce qui a bien pu se passer dans la tête de Il-han Yoo pour que ce dernier abandonne progressivement la superbe modestie de sa mise en situation pour finir par noyer celle-ci dans la démesure de l’une des formules les plus éculées du cinéma d’horreur asiatique. Roommates avait pourtant tout d’un thriller psychologique exaltant, et surtout nécessaire ; de la prémisse on ne peut plus actuelle à la mise en scène d’une rigidité à toute épreuve en passant par la justesse du jeu d’une distribution nous positionnant parfaitement entre l’intransigeance de l’académie et le sentiment d’impuissance des adolescentes à la merci de celle-ci. Mais la triste histoire de ce premier long-métrage de Eun-kyeong Kim demeure malgré tout celle d’une œuvre cherchant à alimenter un débat de société d’une importance capitale sans toutefois savoir comment le rendre intéressant aux yeux de son public cible. Le duo a du coup tendance à couper les coins beaucoup trop ronds afin d’accomoder les formes particulièrement généreuses d’une sous-intrigue dont l’incohérence finira par réduire à néant une argumentation qui semblait pourtant des plus articulées au départ. Roommates se veut ainsi un film décousu accumulant les erreurs de débutant à un rythme effarant, lesquelles auraient toutes pu être facilement évitées si les deux cinéastes avaient médité un peu plus longuement sur le sens et la direction qu’ils désiraient réellement donner à leur histoire et leurs intentions.




Version française : -
Version originale : D-Day
Scénario : Il-han Yoo
Distribution : Heo Jin-Yong, Kim Joo-Ryeong, Kim Ri-Na, Sin Yeong-Jin
Durée : 95 minutes
Origine : Corée du Sud

Publiée le : 27 Août 2007