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ROCKY BALBOA (2006)
Sylvester Stallone

Par Jean-François Vandeuren

À ce rythme, le début des années 2000 passera à l’histoire comme l’une des rares périodes en plus d’un siècle à ne pas avoir réussi à imposer un nouveau courant culturel populaire, préférant plutôt se laisser porter mollement par un vent de nostalgie pour mettre à jour les diverses tentatives artistiques des générations précédentes. À Hollywood, cet engourdissement créatif se traduit évidemment par le nombre effarant de remakes et autres copies carbone d’œuvres jugées inaptes à rejoindre le public américain actuel que la ville reine du divertissement finance sans trop se poser de questions. Dans de telles circonstances, il n’est pas vraiment surprenant de voir Sylvester Stallone ramener Rocky Balboa au grand écran pour tirer profit de ce mouvement prônant davantage la falsification que l’innovation. Même si ce film éponyme récupère plusieurs traits du premier épisode de la franchise, dont on célébra en 2006 le trentième anniversaire, Stallone assuma néanmoins autant sa propre condition que celle de son plus célèbre alter ego et finit par accoucher d’un sixième effort à la fois honnête et étonnamment inspiré.

En soi, Rocky Balboa est une expérience qui aurait pu horriblement mal tourner. De la manière dont la série fut bêtement abandonnée au début des années 90 suite au navrant Rocky V, nous ne pouvions qu’imaginer le pire. D’autant plus que le projet de Sylvester Stallone accumulait la poussière sur les tablettes des studios MGM depuis déjà plusieurs années. Fort heureusement, l’acteur et cinéaste réussit à éviter la démesure des opus médians de la franchise et propose avec Rocky Balboa un retour modeste, mais senti, du boxeur le plus populaire de l’histoire du cinéma. L’étalon italien vit toujours dans un quartier peu nanti du sud de Philadelphie où il s’occupe d’un petit restaurant affectueusement nommé « Adrian’s » en l’honneur de sa défunte épouse. Rocky n’arrive d’ailleurs pas à passer par dessus la disparition de sa tendre moitié, tout comme la fin de sa glorieuse carrière qui l’aura élevé deux fois au rang de champion du monde des poids lourds. Les choses ne vont guère mieux dans l’univers de la boxe. Le champion actuel, Mason « The Line » Dixon, vit une impopularité sans précédent, lui qui, comme Mike Tyson à une certaine époque, a la vilaine habitude d’envoyer ses adversaires au tapis à peine quelques secondes après le début du combat. Afin de raviver la flamme de cette discipline en péril et de déterminer qui en fut le plus grand ambassadeur, un ordinateur simule un match entre Dixon et Balboa au bout duquel ce dernier est couronné vainqueur. L’agent de Dixon sautera aussitôt sur l’occasion pour faire de cet affrontement fictif une réalité et les deux colosses devront du coup croiser le fer lors d’un événement hautement médiatisé.

Ironiquement, la situation actuelle de ce bon vieux Rocky ressemble étrangement au tournant que prit la carrière de Sylvester Stallone au début du siècle. Comme s’il méditait sur sa propre condition, le cinéaste nous offre avec son sixième long-métrage à titre de réalisateur une réflexion édifiée de façon quelque peu maladroite sur le passage du temps et les difficultés que nous éprouvons parfois à laisser les choses simplement suivre leur cours. Son personnage titre accepte ainsi son sort tant bien que mal tout en rêvant candidement d’appartenir de nouveau à quelque chose de plus grand. Afin de souligner l’humanité et la grande détermination de son protagoniste, Stallone, qui agit également à titre de scénariste, s’attribua de longues et laborieuses tirades qui finissent par entraîner son film dans un virage moralisateur qui a tendance à devenir un peu lourd. Le cinéaste fit également un faux pas en utilisant continuellement la trame sonore de Bill Conti comme béquille lors des séquences plus dramatiques, dont bon nombre d’entres-elles flirtent dangereusement avec le mélodrame. Une faute qu’un réalisateur plus compétent avec le même scénario entre les mains aurait pu facilement éviter.

Stallone prouve malgré tout qu’il a plus d’un tour dans son sac et parvient même à l’occasion à ajouter un peu de style et de profondeur à sa facture visuelle d’ordinaire beaucoup plus académique. Au-delà de l'inévitable montage musical alternant entre l’entraînement de Balboa et celui de son futur adversaire, Stallone orchestre une mise en scène plutôt compétente qui s’enivre étonnamment bien de la grisaille ambiante imposée par la direction photo fort appropriée de J. Clark Mathis. Le tout suit un cheminement qui, malgré quelques erreurs de parcours, tient la route jusqu’au traditionnel combat final, qui, en soi, est la principale raison d’être d’un tel spectacle. Le réalisateur nous convit d’ailleurs à ce qui peut déjà être considéré comme l’affrontement le plus « réaliste » de l’histoire de la franchise. Laissant de côté la cause propagandiste de Rocky IV et les enjeux sociaux de Rocky V, Stallone alimente cette séquence d’un montage particulièrement chaotique lui permettant de souligner de manière confuse, mais justifiée, la teneur extrêmement personnelle du combat aux yeux du principal intéressé. L’ensemble s’avère évidemment quelque peu tape-à-l’œil et rate la cible à quelques occasions, mais comme pour tout le reste, la démarche visuelle de Stallone lors de cette séquence ne sombre jamais dans la superficialité.

Sylvester Stallone signe donc un effort à l’image du combat que doit livrer son personnage principal. Le cinéaste ramène dans l'arène une icône du cinéma hollywoodien de la fin des années 70 et des années 80 pour un dernier round aussi humble que glorieux au bout duquel ce dernier pourra finalement accrocher ses gants avec honneur et dignité. De cet angle, Stallone remporta son pari, mais encaissa malgré tout quelques durs coups qu’une réalisation parfois trop prudente ou simplement brouillonne ne réussit pas à bloquer faute de moyens. À défaut d’être un film aussi marquant que l’original, Rocky Balboa demeure un divertissement qui saura satisfaire autant les fans inconditionnels de la série que les spectateurs qui auront bien voulu lui donner sa chance par simple curiosité. Voyons voir maintenant ce que Stallone a dans le ventre pour Rambo IV




Version française : Rocky Balboa
Scénario : Sylvester Stallone
Distribution : Sylvester Stallone, Burt Young, Milo Ventimiglia, Geraldine Hughes
Durée : 102 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 14 Janvier 2007