THE ROAD TO GUANTANAMO (2006)
Michael Winterbottom
Mat Whitecross
Par Frédéric Rochefort-Allie
Même si l'humanité a connu des périodes encore plus
sombres dans son histoire dont ne font même pas part les médias,
le 11 septembre a été un événement marquant
de par son symbolisme et ses effets sur notre société
occidentale. Peu de temps après que l'Amérique du Nord
ne sombre dans une paranoïa profonde, nos voisins du Sud sont partis
dans une quête de vengeance, arrêtant des présumés
terroristes sous le prétexte de protéger la sécurité
nationale. Sans jamais fournir d'explication ou d'excuses, le gouvernement
a fait enfermer une énorme quantité d'individus jugés
dangereux. Sur ces 750 détenus croupissants dans la base américaine
de Guantanamo Bay à Cuba, il est difficile d'estimer la quantité
exacte de terroristes qui s'y trouve. Y'en a t'il 100, 50 ou tout simplement
aucun, pourquoi pas? Personne ne le sait.
Parmi toutes les injustices et les atrocités commises dans le
"noble" but de venger la mort des américains lors de
l'effondrement du World Trade Center et de protéger la nation,
les États-Unis ont fait enfermer troisjeunes Anglais qui se trouvaient
au Moyen-Orient à l'occasion d'un mariage. Même si le film
de Michael Winterbotton et de Mat Whitecross frôle la fiction
par sa dramatisation des événements, tout cela est bien
réel et même d'une actualité à vous en donner
des frissons dans le dos. On pourra toujours critiquer le cinéaste
d'avoir choisi un thème un peu sensationnaliste et de profiter
du courant anti-Bush, mais dans un cinéma qui aborde si timidement
la guerre d'un regard critique, ce changement de point de vue fait rafraîchissant.
Enfin notre regard est dirrigé davantage vers les victimes que
les soldats!
The Road to Guentanamo se veut en quelque sorte l'équivalent
du journal intime des trois détenus. Le film est donc soumis
à un point de vue très subjectif, d'autant plus que chaque
événement majeur est soutenu du témoignage des
véritables individus. Or, l'aspect documentaire s'arrête
là, ce qui est décevant et vient confondre les spectateurs.
D'ailleurs, les acteurs qui les incarnent ne partagent aucune ressemblance
physique, un choix de casting qui ne fait qu'empirer le tout. Mais la
dramatisation de leur histoire est tout de même particulièrement
réussie et nous plonge directement dans le sombre univers de
la base américaine sans aucune censure. Les scènes de
torture sont dérengantes et les interrogatoires particulièrement
crispants. Bref, l'ambiance horrible qui régnait en ces lieux
avant que la convention de Genève ne soit appliquée est
probablement très bien rendue.
Michael Winterbotton fait vraiment ici dans une sobriété
inhabituelle pour un cinéma quasi de fiction. Caméra sur
épaule, sans trop d'équipement technique (en apparence)
sa caméra triche un peu dans la dramatisation, puisqu'elle tente
de créer l'illusion de filmer la réalité. L'effet
rendu est intéressant, mais fut déjà exploré
par contre par Winterbotton et d'autres cinéastes par le passé.
Un peu comme le fut Farenheit 9/11, The Road to Guantanamo
est un film qui pose des questions essentiels sur notre société,
à savoir dans ce cas-ci où est la limite du désir
de protection de la liberté? Si présentement l'oeuvre
de Winterbotton reste sombrée dans l'oubli, elle sera l'une des
plus cruciales pour décrire notre réalité sociale
d'ici quelques décénnies. Il s'agit donc d'un film qui
se doit d'être vu, mais avec un certain grain de sel.
Version française :
Aller simple pour Guantanamo
Scénario :
Michael Winterbottom, Mat Whitecross
Distribution :
Riz Ahmed, Farhad Harun, Waqar Siddiqui, Afran
Usman
Durée :
95 minutes
Origine :
Royaume-Uni
Publiée le :
25 Novembre 2006