RETURN IN RED (2007)
Tyler Tharpe
Par Jean-François Vandeuren
Autant dans la réalité que la fiction, les localités
les plus isolées des États-Unis sont depuis longtemps
le théâtre de phénomènes inexpliqués.
La croyance populaire veut évidemment que bon nombre d’entres-eux
soient liés d’une quelconque façon au gouvernement
américain qui ne se gênerait pas pour utiliser sa propre
population comme cobaye dans le cadre d’expériences scientifiques
pour le moins horrifiantes. Return in Red nous amène
ainsi à Cammack en Indiana, une petite ville rurale sans histoire
comptant sur l’usine locale pour survivre et alimenter une économie
qui, comme celle de bien des villages répondant à cette
description, se trouve dans une situation particulièrement précaire.
Un mal étrange frappera un jour la communauté de plein
fouet lorsqu’une vieille camionnette commencera à scionner
les rues de la ville. Sans que l’on ne sache trop pourquoi, le
véhicule en question se stationnera un soir devant la demeure
d’une mère monoparentale et de son fils. Une soucoupe sortira
alors de la camionnette pour émettre des ondes électromagnétiques
en direction de la femme qui se retrouvera aussitôt au tapis.
Un électricien du coin goûtera également à
la mauvaise médecine de l’appareil quelques jours plus
tard. Visiblement le seul à avoir remarqué ce qui est
en train de se produire dans les parages, ce dernier tentera de mener
sa petite enquête sans être totalement convaincu lui-même
de ce qu’il essaie de prouver.
Devant composer avec un budget extrêmement limité, le réalisateur
Tyler Tharpe parvint à faire fi de ce manque de moyens en élaborant
un récit extrêmement près du quotidien de ses personnages.
En soi, Return in Red pourrait être décrit comme
une version mijotée à la sauce X-Files de l’intriguant
Bubble de Steven Soderbergh. Un effort que le prolifique cinéaste
américain avait d’ailleurs dû tourner dans des conditions
similaires, n’ayant à sa disposition qu’un budget
microscopique et un casting inexpérimenté pour arriver
à ses fins. Tharpe prend ainsi le pouls de cette population sur
le point d’être secouée par une suite d’événements
pour le moins inhabituels avec une étonnante précision,
répétant continuellement le même parcours afin de
nous familiariser rapidement avec les habitudes de vie de celle-ci tout
en installant progressivement un climat de tension ne s’alimentant
que des manifestations peu mouvementées de la fameuse camionnette
et de son engin de mort. Le réalisateur exécute ainsi
d’une manière fort agile un suspense d’une grande
efficacité tout en tournant continuellement la page sur les événements
les plus inquiétants de son récit afin de ne jamais compromettre
la forme on ne peut plus terre-à-terre de sa trame narrative.
Tourné en 16mm, Return in Red réussit visuellement
ce que la majorité des films d’horreur hollywoodiens tentent
vainement d’accomplir depuis le début du nouveau millénaire,
soit renouer avec l’essence et la facture artistique d’une
époque révolue. Signant une réalisation maniérée
dépourvue de tout artifice et d’une direction photo parfaitement
dépassée, Tharpe ne fait pas que citer le cinéma
de genre des années 70 et 80, il le recréé à
sa façon en tenant toutefois toujours compte de la forme actuelle
du septième art. Return in Red donne ainsi l’impression
d’une œuvre en avance sur son temps qui aurait été
égarée il y a environ trente ans pour n’être
redécouverte que tout récemment sans que cette situation
n'ait affecté le discours de celle-ci qui n’aurait en soi
rien perdu de sa pertinence. Une autre leçon que Tharpe a bien
assimilée est que la suggestion et le développement d’une
ambiance lente et soutenue peuvent être des générateurs
de tension beaucoup plus redoutables que la surexposition d’éléments
graphiques et d’effets chocs. Le cinéaste américain
fait d’ailleurs preuve d’une retenue exemplaire dans la
façon dont il orchestre la montée dramatique de son film,
lui permettant au final de décupler la force de frappe de l’inévitable
carnage vers lequel culminent lentement mais sûrement les événements
autrement moins tumultueux de celui-ci. Fort heureusement, Tharpe traite
cette séquence d’une violence inouïe en n’abandonnant
aucunement le minimalisme de sa mise en scène qu’il était
parvenu jusque-là à réduire à sa plus simple
expression.
C’est donc en misant entièrement sur le naturel confondant
de son univers filmique que Tyler Tharpe réussit à intégrer
aussi facilement son deuxième long-métrage dans les rouages
d’un genre ordinairement peu enclin à accueillir un récit
d’une nature aussi passive. Le cinéaste aura malheureusement
été rattrapé en toute fin e parcours par la tentation
de laisser partir son public sur une piste de réflexion supplémentaire
alors que les quelques lignes résumant le propos sociopolitique
du film introduites au tout début de ce dernier justifiaient
déjà amplement la forme d’un récit concentrant
unilatéralement ses énergies sur les conséquences
d’une telle expérience plutôt que sur les origines
de celle-ci. Return in Red demeure malgré tout un film
utilisant à bon escient la simplicité volontaire de sa
mise en images afin d’ancrer de façon définitive
un scénario dépourvu de tout héros dans un contexte
réaliste. Le film de Tyler Tharpe capitalise ainsi avec fougue
sur le sentiment d’impuissance totale de ses personnages face
à un ennemi invisible, et surtout invincible, afin d’alimenter
une tension dramatique devenant vite palpable tout en servant un discours
dénonçant les nombreuses libertés prises par le
gouvernement américain sur sa propre population. Un discours
que Tharpe livre d’une manière particulièrement
démonstrative, même si ce dernier n’y fait en soi
jamais directement référence durant la quasi-totalité
de son film.
Version française : -
Scénario :
Tyler Tharpe
Distribution :
Linda McCormick, Becky Niccum, Michael G. Young,
David Tess
Durée :
102 minute
Origine :
États-Unis
Publiée le :
17 Juillet 2007