RESIDENT EVIL : DEGENERATION (2008)
Makoto Kamiya
Par Mathieu Li-Goyette
Autrement que l’essor récent des films de super-héros,
les avancées technologiques permettant maintenant une telle maîtrise
des images composites ont aussi ouvert la voie à la retranscription
des récits vidéoludiques au grand écran. De Tron
à Doom et Max Payne, l’opération
semble toujours saccadée et peu pertinente aux yeux du grand
public (le jeu vidéo n’ayant pas encore son statut d’art
officiel à part entière y étant certainement pour
beaucoup) pour qui l’intermédialité est toujours
question de trahison à l’original. Tel un traducteur, le
cinéaste souhaitant transmettre le récit littéraire,
la pièce de théâtre, le ballet, l’opéra,
la bande-dessinée, et maintenant le jeu vidéo, se voit
tiraillé entre la fidélité à l’oeuvre
originale et l’intelligibilité nécessaire causant
la perte ou l’ajout de plusieurs éléments lorsqu’une
création passe d’un paradigme artistique à un autre;
le complexe du traducteur qui, tout en voulant rendre hommage à
son idéal, se voit forcé d’affirmer sa propre identité
au risque de la servitude intellectuelle.
Maintenant, pour quiconque se déclarant gamer de quelques
façons que ce soit, ou pour quiconque s’affirmant friand
de l’horreur au cinéma, le titre Resident Evil
sonne quelques cloches. Pour la première catégorie de
gens, quelques uns de nos plus beaux souvenirs de cauchemars informatiques
s’y prêtent aux côtés de Silent Hill,
Fatal Frame, peut-être Bioshock pour les natures
moins aguerries. Pour la deuxième, c’est Milla Jovovich
déambulant dans un pastiche à la John Woo rencontre George
A. Romero avec assez de dialogues repiqués et d’incohérences
d’adaptation (notre traducteur se faisant voleur) pour repousser
plus d’un chasseur de films de zombies (puisque comme toutes bonnes
choses, elles se font rarissimes dans le domaine). Resident Evil
: Degeneration raconte la tierce altercation entre Leon Kennedy
et la Umbrella Corporation (ayant déjà fait ses preuves
lors du 2e et 4e opus de Capcom) et Claire Redfield (présente
elle aussi lors du 2e jeu ainsi que dans Code Veronica, et
ayant même fait récemment une apparition lors du 3e volet
de la trilogie cinématographique). Cherchant à sauver
le monde d’une remise en opération d’Umbrella et
de ses monstres lugubres, les deux ex-héros personnifiés
tentent de découvrir les actants du complot ayant fait s’écraser
un avion de classe commerciale dans un aéroport où se
trouvait comme par hasard plusieurs figures importantes de l’univers
Resident Evil.
Conçu entièrement à l’aide des nouvelles
technologies numériques, le premier volet animé de la
série sent le réchauffé, même la paresse.
Guère plus impressionnant qu’une bande vidéo d’un
des chapitres de la série, la minutie dont ont fait preuve les
artisans n’arrive simplement pas à la cheville des concurrents.
Pour un environnement qui fait reposer sa crédibilité
sur la puissance des contrastes et des textures (disons à contre-partie
que le cinéma d’horreur y va de l’ombre et de la
lumière), la finition de plusieurs éléments (les
vêtements, les cheveux) brise la finition visuelle et le réalisme
minimum. Devant des pantins animés qu’il ne contrôle
pas cette fois, l’interaction procurée d’emblée
par le jeu d’horreur s’efface devant une intermission longue
de 90 minutes où la scission en deux parties si vulgaires et
démarquées (tant dans le choix du personnage « principal
» que dans les thématiques) vient appuyer l’hypothèse
d’un film conçu en tant que jeu vidéo sans pouvoir
décisionnel. Regarder votre ami jouer à Resident Evil
peut s’avérer divertissant me direz-vous, mais Degeneration
fait pourtant preuve d’élans de mise en scène lacunaires
n’exportant ni le génie des premiers volets à jouer
sur l’angle de vue et le son hors-champ ni l’univers baroque
du 4e qui détonnait et constituait une bonne cure de jeunesse
à la saga. En fait, du 4e le premier venu Makoto Kamiya ne retient
que quelques plans « à la troisième personne »
chers aux joueurs pour qui, espérons-le, l’astuce revêtira
le même aspect de supercherie qui permit à Doom
(2005) une quelconque postérité.
Lors d’un très rare moment de suspense au cours de la dernière
séquence, Kamiya démontre enfin l’originalité
de son équipe de concepteur dans un combat final à tout
le moins intéressant. Le temps passé à prétendre
vivre l’expérience d’une horreur peut enfin se diriger
vers des scènes de combat respectables et dotées d’un
sens de la mise en scène non loin de celui de l’animé
japonais. Gros plans brusques, travelling latéraux parfaits,
ralentis jusqu’à l’excès, les offensives de
l’impressionnant mutant contre Léon explose en tout sens
et finit par soulever le soupçon d’une frayeur chez son
audience. La question à savoir si le massacre d’un commando
par une machine vivante carburant aux cages thoraciques éclatées
revient ou non de l’univers de la série reste au moins
discutable, peut-être déplorable vu l’absence de
toutes aspirations épiques. Peut-être plus un film de mutants
qu’un film de zombies où le climat claustrophobe ne hante
qu’une mince partie du parcours, toute l’angoisse, l’effroi
d’être surpris de dos par une créature lente, mais
ô combien malicieuse dans sa stupidité clinique est dissipé;
l’objet même du récit finit par perdre tout sens,
tout engagement envers ses personnages abandonnés par l’empathie.
Degeneration se termine sur une finale lancinante et clichée,
détournant l’esprit fataliste vers un épilogue balourd.
Grande incohérence clouant les dernières planches du cercueil,
cette dernière perdra les derniers croyants dans les limbes d’une
déception bien amère qui ne s’oubliera qu’à
la sortie du 5e épisode sur consoles au printemps 2009. D’ici
là, tout porte à croire que le dernier coup de publicité
de Capcom n’attirera pas de nouveaux joueurs de si tôt.
Version française : -
Scénario :
Shotaro Suga
Distribution :
Alyson Court, Paul Mercier, Laura Bailey, Roger
Craig Smith
Durée :
97 minutes
Origine :
Japon
Publiée le :
6 Février 2009