RELIGULOUS (2008)
Larry Charles
Par Mathieu Li-Goyette
Religulous ou Relidicule : calembour facile qui mêle
ridicule, risible à religion, culte, étatisation, institutionnalisation
des croyances comme le laisse croire l’affiche où chimpanzés
jouent aux maîtres à penser théologique. D’une
descendance trop évidente de Michael Moore, l’incursion
de Larry Charles (réalisateur de Borat) dans le documentaire
pleinement méthodique et non plus fictionnel (enfin, c’est
ce qu’on lui prétend être) sert de porte-étendard
à l’humour vicieux (le ridicule n'est-il pas la plus basse,
facile forme d'humour?), mais honteusement délicieux de Bill
Maher, humoriste populaire des États-Unis. Du petit trapu à
lunette, l’on passe à l’homme de scène au
costume distingué et à l’humour décapant
qui semble trouver plaisir à ridiculiser croyants, institutions
et mythes d’un phénomène qu’il ne se montre
capable en vain de décrire qu’en l’abaissant aux
balivernes du premier cultiste venu. Ironiquement, c'est cette prétention
à remettre en question 2000, parfois 3000 ans d’histoire
religieuse, bien qu’elle se veut en elle-même une révélation,
qui se frotte au démon qu'elle s’évertue d’ostraciser.
Sous un soleil éblouissant, la figure sympathique de Maher est
filmée sous l’angle messianique de son propre manifeste
athéiste qu’il a écrit et produit à la suite
de ses spectacles d’humour religieux; dans un pays où l'on
croit que l'Étoile de David se fait big brother de toutes
instances hauts placés, le gag « juif » conservent
cette impression illégale d'être militante. À mi-chemin
entre le spectacle de soirée et la gifle anti-cléricale,
il est ainsi sur grand écran prêt à propager sa
bonne nouvelle; aussi médiatisée et débattue que
porteuse d’une mauvaise foi.
Cet honorable serviteur du public Bill Maher présenté
sur thème musical accrocheur de Seeker (du groupe britannique
The Who), se tient en Israël sur le piédestal où,
selon la croyance, les prophètes amorceraient leurs retour sur
terre à la veille de l’Apocalypse. Narguant le pouvoir
divin d’une audace hérétique, Maher incarne la revanche
de sa génération de baby-boomers nés sous l’égide
de familles croyantes à une époque où la confession
excusait les pitrerie d’un Maher de douze ans qu’on croira
bon de nous évoquer en documents familiaux. L’astuce accomplie,
le cinéaste tend à parvenir à restituer la popularité
de sa figure de proue humoristique à la réalité
connue des années 60 : Maher, « comme tous autres »,
est né d’une famille de la classe moyenne, sa mère
juive, son père catholique, sa soeur aussi forcée à
la foi que lui. Bref, l’excuse à l’audace qui s’annonce
prend forme sous le citoyen moyen décidant enfin de s’écrier
: « Dieu est mort! », d’anéantir la crédibilité
des regroupements religieux (aussi généreux qu’endoctrinants
soient-ils) et de s’élever au-dessus de la masse des croyants
aux prophètes capables de rendre serpent ce qui fut bâton,
les peuples monothéistes en tout genre. Précisément,
les cultes orientaux à tendances panthéistes restent plutôt
grossièrement évités, préférant s'en
tenir à l'absurde et aux arnaques d'un occident divin.
D’une visite fortuite en plein coeur d’une chapelle de camionneurs
à la rencontre d’un prêtre de la marijuana à
Amsterdam, le propos ne s'affiche malheureusement à proprement
parler d’aucune progression autre que de passer en revue rapidement
l’éventail des religions proposées dans notre moitié
du globe. Bien que certaines allégations soient troublantes (note
remarquable à ce sénateur américain excusant les
morts irakiens pour paver la voie à l’Armageddon des Testaments).
Toujours en quête de démystification (Seeker?),
l'aller et retour entre plusieurs critiques des écrits saints
se voit d'une lourdeur chronique reliée aux préoccupations
exhaustives envers les groupes religieux d'une importance bien moindre.
Le catholicisme, le regroupement des mormons, la scientologie, en d'autres
mots les religions capables d'encaisser la critique en s'enfermant toujours
dans la compassion, l'indifférence ou le mépris altruiste
respectivement restent bien loin des possibilités critiques qu'aurait
permis le discours sur le fanatisme religieux musulman (qu'on me tienne
ici loin de tout préjugés pernicieux) ou du traumatisme
de la Shoah: en terme de temps consacré, le gourou d'Amérique
du Sud à la chefferie de 100 000 fidèles retient assurément
plus l'attention.
Manquant d'autorité autre que ses témoignages chocs, Religulous
n'a pas la frondeur qu'il lui aurait idéalement fallu. Les statistiques,
la vue d'ensemble de la crise contre le terrorisme brillent par leurs
absences pour préférer grandement l'anecdote sensationnelle
qui fait vendre, et pour cause, avec quelques outils de mise en scène
comiques (l'utilisation de sous-titres pour illustrer la pensée
des intervenants et de l'intervieweur). Maher semble d'ailleurs oublier
l'importance de la religion et la charge idéologique derrière
celle-ci. Selon son hypothèse partagée par plus d'un athéiste
convaincu, le dogmatisme est une manigance de tout temps et l'homme
est resté pieds et poings liés depuis qu'il espère
accomplir sur Terre assez de bonnes actions pour atteindre, dans l'au-delà,
une vie saine. Sans poser de jugements de valeurs, il est primordial
de se rappeler de l'unification amené qu'a été
les synonymes de la religion jusqu'au siècle des Lumières,
siècle qui se devait justement “d'éclairer les ténèbres
de la religion” et ce qui Nietzsche appela “l'opium du peuple”.
De cette époque, Maher semble retenir tout le manichéisme
en s'attaquant de front à un phénomène bien plus
problématique qu'un simple discours évangéliste
du président américain en oubliant que souvent, les frontières
géopolitiques sont affaire de religions, non de gouvernements.
Car si Maher joue la carte du recherchiste sans peur et sans aucune
limite, l'exemple de la moquerie des gens croyants parfois extrémistes,
d'autrefois (et plus tragiquement) dépendant de cette croyance
(ce qu'on réfère communément à “c'est
tout ce qu'il me reste”) est tout a fait pitoyable venant d'une
figure populaire de cette ampleur à l'exception honorable d'une
séquence où sa propre famille anciennement dévote
fera l'objet d'une dissection publique. À l'inverse du kazak
du précédent film de Charles avec lequel le réalisateur
se plongeait dans la fiction et la remise en question par le rire du
american way of life, les procédés de sa dernière
mésaventure est autant impertinente que démagogique: un
échec de la vision documentaire tel qu'on l'entend formellement.
Qu'on le comprenne, Borat constituait une contre-attaque du
monde arabe sur les invariants d'une superpuissance. Religulous,
lui, s'attaque au jugement de valeur et directement à l'intelligence
de ceux qui préfèrent parfois croire à l'Éden
qu'au star système, un de ces mondes idéalisés
tout aussi faux que celui de la Genèse et recréé
pour le même contrôle des masses peut-être encore
plus révoltant que c'est à se demander à qui la
faute entre les deux artistes de même ligue.
Version française :
Relidicule
Scénario :
Bill Maher
Distribution :
Bill Maher, Steve Burg, George Coyne, Jerry Cummings
Durée :
101 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
2 Janvier 2009