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PURITAN (2005)
Hadi Hajaig

Par Alexandre Fontaine Rousseau

L'expression « film noir » est employée à toutes les sauces pour décrire des films qui, finalement, ont peu à voir avec le genre spécifique que le terme désigne. Il faut dire que le style particulier de ce pan de l'histoire hollywoodienne, l'un de ses plus riches et uniques, s'est solidement enraciné dans notre imaginaire collectif. Aujourd'hui, le terme est associé à quelques clichés bien assimilés: le détective privé engloutissant cul-sec un scotch avant de clore une conversation épineuse, une silhouette chapeautée fuyant dans la nuit, Humphrey Bogart grillant une cigarette, l'air implacable. Mais le film noir, aussi codifié que le western, ne se résume pas à ces quelques images intégrées par la culture populaire. Ses antihéros en quête de rédemption, ses femmes fatales aux charmes manipulateurs et ses millionnaires aux intérêts mystérieux forment une fascinante constellation d'archétypes trop souvent délaissée par les hommages, plus souvent esthétiques que narratifs, au genre. Au sein d'une industrie qui carbure aux films de gangsters depuis le succès international de Guy Ritchie, Puritan, du britannique d'adoption Hadi Hajaig, fait indubitablement figure d'anomalie: parmi les oeuvres récentes soi-disant inspirées du film noir, son long-métrage détonne par son approche puriste malgré un revirement final qui pige ses ressorts du côté du cinéma fantastique. Mais il ne suffit pas de se détacher du lot pour se distinguer, et le cinéaste d'origine libanaise offre en bout de ligne un divertissement honnête mais vite oublié.

Auteur ayant délaissé la plume pour devenir arnaqueur professionnel, Simon Puritan (Nick Moran) gagne sa vie en tant qu'intermédiaire psychique entre l'au-delà et le monde des vivants. Alcoolique, désespéré, il décide un bon soir de mettre un terme à son existence; mais au moment même où il s'apprête à se précipiter sous un métro, un étranger l'interpelle. Déconcentré, Puritan est sauvé in extremis par cette intervention inattendue. Plus tard dans la soirée, l'homme horriblement défiguré se présente à son domicile en affirmant qu'il est le mari de l'une des clientes de Puritan, Ann Bridges (Georgina Rylance), et partage quelques informations privées à son sujet. En travaillant pour elle, le médium tombe vite sous le charme de la jeune femme, mais découvre par la même occasion que son mari est un célèbre auteur, riche démagogue vantant les vertus de la morale - que le film présente d’ailleurs par une succession de plans renvoyant immanquablement à Citizen Kane. Chose certaine, ce n'est pas l'homme qu'il a rencontré précédemment. Une affaire d'adultère et un meurtre plus tard, la mécanique implacable du film noir se met finalement en branle.

Mis en images avec un flair certain malgré son budget limité, ce deuxième long-métrage d'Hadi Hajaig s'amuse aux dépends des conventions du film noir bien qu'il en joue jusqu'à la toute dernière minute chacune des cartes. Pourtant, rien ici n'est exactement comme il le semble, et Hajaig, finalement, s'amuse plutôt avec Puritan aux dépends des préjugés du spectateur ayant décodé son film à partir des schémas classiques du film noir. Ses personnages revêtissent ainsi le costume des archétypes du genre pour mieux les trahir par la suite. Le scénario d'Hajaig fonctionne donc comme un petit jeu d'initiés ludique où les fausses pistes sont multipliées avec une érudition enthousiasmée. Malheureusement, cette méthode force parfois le réalisateur à abandonner certaines des directions les plus intrigantes de son scénario: l'univers du puissant mari d'Ann, par exemple, est à peine effleuré. Le même constat s'applique quant au versant surnaturel de l'histoire, où les références attrayantes à l'occultiste Aleister Crowley et à l'architecte Nicholas Hawksmoor font surtout office de décoration.

En réalité, le récit déploie ces allusions pour étoffer son atmosphère gothique somme toute assez dense, Hajaig cherchant de son propre aveu à reproduire l'univers glauque du célèbre graphic novel d'Alan Moore, From Hell. Purement britannique, ce monde de sectes secrètes, de satanisme et de cathédrales païennes se nourrit habilement d'une histoire parallèle de l'Angleterre dont les ramifications sont presque sans limites. Mais, bien que l'exercice ne soit pas exempt de charme, une impression d'incomplétude assaille le spectateur à la suite du film. Comme si, en investissant Puritan de toutes les idées lui ayant traversé la tête, Hadi Hajaig l'avait alors surchargé, lui conférant du même coup un aspect quelque peu inachevé. Le long-métrage, à l'instar d'un bon épisode pilote pour la télévision, excite l'appétit sans vraiment le combler et multiplie les promesses à l'aide d'une foule de sentiers secondaires dont il fait miroiter le potentiel. Le problème, c'est qu'il n'y a pas dans le cas présent de suite à espérer. La fin, amusante mais quelque peu précipitée, boucle d'une étrange manière la boucle. Hajaig se contente quant à lui de nous présenter une belle carte de visite, porteuse d'un espoir de renouveau pour un cinéma de genre national plutôt redondant. Mais si Puritan s'avère dans l'ensemble plutôt amusant, force est d'admettre qu'il ne s'agit pas à proprement parler d'un « bon » film.




Version française : -
Scénario : Hadi Hajaig
Distribution : Nick Moran, Georgina Rylance, Pete Hodge, David Soul
Durée : 96 minutes
Origine : Royaume-Uni

Publiée le : 24 Juillet 2007