PRINCESS AURORA (2005)
Eun-jin Bang
Par Jean-François Vandeuren
À ce rythme, le cinéma sud-coréen ne sera bientôt
plus reconnu que pour ses comédies romantiques toutes forgées
sur le même moule et ses sordides histoires de vengeance. Le succès
international on ne peut plus mérité de la trilogie de
Park Chan-Wook semble avoir eu l’effet d’une bombe sur le
cinéma national du pays natal de ce dernier. C’est maintenant
au tour de l’actrice Eun-jin Bang (que l’on a pu admirer
dans le Address Unknown de Kim Ki-duk) de tenter sa chance
derrière la caméra et de peut-être signer le nouveau
Oldboy. Dans Princess Aurora, une jeune femme dont
la fille fut sauvagement assassinée débutera une croisade
sanguinaire pour mettre fin aux jours d’individus qui semblent
tous avoir un lien avec ce tragique événement. De leur
côté, les forces de l’ordre tarderont à faire
la lumière sur toute cette affaire, sauf un détective
qui se trouve aussi à être l’ex-mari de cette nouvelle
tueuse en série. Comprenant parfaitement les motivations de cette
dernière, il hésitera longuement à dénoncer
son ancienne compagne.
Eun-jin Bang a visiblement raffolé des trois derniers longs-métrages
de Park Chan-Wook. La mise en scène de la nouvelle cinéaste
n’affiche toutefois pas le même goût pour la théâtralité
et ne cherche visiblement pas à atteindre la même force
de frappe que celle de la trilogie « Vengeance »,
voire même du segment Cut de Three… Extremes,
de son compatriote. Malgré tout, l’approche visuelle de
Princess Aurora s’avère de haut niveau et fait
souvent part d’une finesse exceptionnelle. Son instigatrice réussit
d’autant plus à y apporter sa touche personnelle. Cette
dernière parvient du coup à créer des ambiances
oscillant avec aisance entre la brutalité des crimes de sa protagoniste
et son état d’esprit rongé par la tristesse et le
désespoir. Malheureusement, on ne peut pas dire qu’autant
de soin fut apporté à l’écriture du scénario.
Eun-jin Bang propose bien quelques idées originales dans la manière
dont elle appréhende son récit et les notions ambiguës
de justice qui lui sont rattachées. Elle s’illustre également
à quelques reprises en inversant brillamment tous les rôles
conférés ordinairement à ses personnages pour nous
placer dans une position où notre propre morale est remise en
question. Eun-jin Bang finit néanmoins par s’enliser dans
un récit respectant beaucoup trop les conventions du genre. Un
relâchement qui est d’autant plus regrettable pour une prémisse
qui aurait pu facilement donner lieu à un exercice de style fascinant.
Même si elle développe son histoire autant du point de
vue des enquêteurs que de la meurtrière, la cinéaste
tente évidemment de conserver le mystère entourant les
liens entre les victimes jusqu’aux tous derniers instants de son
effort. Le problème est que pour y parvenir, Eun-jin Bang éparpille
son récit sans réussir par la suite à recoller
tous les morceaux aux bons endroits. Le scénario progresse alors
tant bien que mal jusqu’au moment fatidique où, comme si
elle avait été prise de court, la cinéaste finit
par succomber à la tentation de s’en remettre à
un immense flash-back pour mettre les points sur les « i »
en deux temps, trois mouvements. Même si celui-ci forme une des
séquences les plus prenantes de l’essai, il laisse malgré
tout cette bête impression de n’être qu’une
astuce facile pour boucher rapidement tous les trous laissés
béants par le développement de l’intrigue précédemment.
On ne pourra cependant pas reprocher à Eun-jin Bang d’avoir
tenter de développer à l’intérieur de ce
film plutôt convenu une série d’enjeux psychologiques
beaucoup plus profonds que ceux ordinairement proposés par ce
genre de films. Mais comme beaucoup d’autres, cette initiative
tout ce qu’il y a de plus honorable ne tient tout simplement pas
la route et se traduit plus souvent qu’autrement par l’introduction
de situations mélodramatiques à la limite du ridicule.
La triste histoire de Princess Aurora en est finalement une
qui se répète malheureusement que trop souvent dans le
paysage du film policier. Ainsi, le spectre de plusieurs bonnes intentions
et concepts originaux planent constamment au dessus du film d’Eun-jin
Bang sans que cette dernière ne parvienne à les unir d’une
manière cohérente et satisfaisante. La réalisatrice
signe néanmoins une mise en scène à la fois discrète
et stylisée qu’elle élabore avec flair et une connaissance
évidente des dernières tendances en la matière.
Il ne lui reste plus désormais qu’à mettre celle-ci
au service d’un scénario mieux ficelé et moins pris
au dépourvu. Un bien bel emballage pour un produit pas nécessairement
vide de sens, mais qui finit malgré tout par tomber à
plat.
Version française : -
Version originale :
Orora gongju
Scénario :
Eun-jin Bang
Distribution :
Jong-won Choi, Jeong-hwa Eom, Yeong Hyeon, Eun-pyo
Jeong
Durée :
106 minutes
Origine :
Corée du Sud
Publiée le :
13 Juillet 2006