PRIMER (2004)
Shane Carruth
Par Louis-Jérôme Cloutier
Primer est un film à microbudget tourné par de
parfaits inconnus. Mais on ne parle pas ici du Projet Blair,
car sans rien enlever à ce dernier, on ne tente pas ici de vendre
un film que l’on prétend relater de véritables faits,
et il faut dire que le succès n’a pas vraiment été
au rendez-vous. Certains parlaient de 2001, A Space Odyssey
en traitant de Primer, des affirmations qui laissent a priori
particulière perplexe. Car si le film à effectivement
une propension un peu philosophique, en ne traitant pas vraiment de
l’aspect fantastique du voyage dans le temps, mais plutôt
de son impact sur l’existence et malgré un enchainement
de dialogues qui finit par nous faire tomber dans la confusion, on ne
peut dire que Primer accomplit la mission de faire réfléchir
véritablement. Et ainsi, sans réussir à accomplir
un but véritable, que cela soit du divertissement ou une réflexion
philosophique, Primer est un film de science-fiction incomplet.
Dans un garage, deux collègues de travail mettent au point une
machine sans véritablement savoir qu’elle pourrait devenir
son utilité. Mais peu à peu, leur création révèle
des propriétés étonnantes, dont celle de permettre
le voyage dans le temps. Apprivoisant peu à peu leur invention,
ils ne se doutent pas des impacts qu’elle pourrait avoir sur leur
existence.
Jusqu’à ce que celle-ci révèle sa plus incroyable
propriété, Primer est un film intriguant à
souhait. Tout comme les personnages, on ne sait pas vraiment où
tout cela va nous mener et l’ambiance plutôt singulière
nous laisse présager que le meilleur est à venir. Avec
déception, le meilleur ne se situe pas dans la suite de l’histoire,
il se situe dans ce qu’elle aurait pu être. Car peu à
peu, et après avoir connu une courbe de suspense en progression
constante, le film relâche un peu et entre dans une boucle de
dialogue et de différentes scènes qui ne font pas vraiment
progresser le récit. Ainsi, on se retrouve dans l’attente
constante de la suite des choses, qui ne viendra finalement pas. Même
s’il y a la présence de quelques tournures de situations,
l’histoire est depuis devenue bien trop nébuleuse pour
que l’on puisse être stupéfait. Et une fois l’écoute
terminé, on comprend mieux la recommandation de revoir le film
pour mieux le comprendre. Mais comprendre quoi finalement? À
quel point le scénariste et réalisateur Shane Carruth
s’est perdu dans une intrigue inutilement brouillonne?
À tout le moins, à défaut de proposer un scénario
à la rigueur exemplaire, Shane Carruth est plus habile derrière
une caméra. Force est d’admettre que Primer est
un film esthétiquement, artistiquement et techniquement réussi,
en mettant en parallèle son budget, bien entendu. Sans créer
un tour de force mémorable, la réalisation est suffisament
inventive pour donner à Primer une allure soignée.
Sans les possibilités de mettre des millions en effets spéciaux,
on use d’imagination pour faire passer à l’écran
certaines scènes, d’où la magie du cinéma
qui disparait peu à peu au profit des emplois de graphiste, de
modeleur 3-D et autres offrant des résultats ma foi souvent fort
délicieux pour l’œil, mais venant réduire à
néant les efforts que peuvent investir les plus talentueux des
réalisateurs pour nous faire oublier le réel. Du côté
des interprètes, leur notoriété totalement inexistante
ne gêne en rien la qualité de leur jeu. À travers
des dialogues qui versent souvent dans le technico-scientifique, mais
qui deviennent aussi rapidement confus, ils campent effectivement leur
rôle respectif. En étant totalement dans leur personnage,
ils méritent une part de mérite dans la réussite,
relative, de cette entreprise.
Primer est un film difficile à détester, mais
encore plus difficile à pleinement apprécier. On salue
totalement ce que Shane Carruth à peu faire avec seulement 7000$
en poche, et il mérite amplement d’être satisfait
et fier de son œuvre. Mais pour vous, spectateur distancié
de ces réalités, Primer ne remplit pas les attentes,
et ce peu importe ce que vous pourrez y rechercher. Ceux désirant
voir un film traitant de voyage dans le temps en désirant revivre
Back to the Future seront amèrement surpris, les adaptes
de science-fiction plus célébrale le seront presque tout
autant. Intéressant, mais finalement décevant, parce qu’incomplet.
Version française : -
Scénario :
Shane Carruth
Distribution :
Shane Carruth, David Sullivan, Casey Gooden, Anand
Upadhyaya
Durée :
78 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
23 Mai 2005