PRETTY PERSUASION (2005)
Marcos Siega
Par Frédéric Rochefort-Allie
En Amérique, n'importe qui peut être poursuivi pour n'importe
quelle raison. Pour la jeune écolière Kimberly Joyce,
c'est l'occasion rêvée de mettre à l'oeuvre une
vengeance personnelle : poursuivre son professeur d'anglais Monsieur
Anderson pour harcèlement sexuel sans autre motif que sa propre
cruauté. Le diable porte une jupe grise et son nom est Kimberly
Joyce.
Les poursuites illégitimes pour harcèlement sexuel sont
une nouvelle réalité horrible à laquelle plusieurs
professeurs sont confrontés. Pour entacher la carrière
d'un professeur à tout jamais, rien de mieux! Le scénario
porte sur cette manipulation faite par la jeune Kimberly pour devenir
une vedette. En poursuivant son professeur, elle devient la victime,
donc la protégée des médias. C'est là un
cas qui s'est manifesté à plusieurs endroits sur la planète,
mais entre autres au Québec, d'où le scénariste
natif d'Ottawa s'est inspiré.
Pretty Persuasion est une comédie à l'humour
plutôt noir qui trace le portrait d'un Beverlly Hills froid et
snobinard, qui se plaît à cracher sur tout ce qui n'est
pas huppé. Kimberly déballe tout au long du film un tas
de propos haineux et racistes que son père lui a transmis. Ce
qui peut être choquant, c'est qu'en fait on arrive mal à
deviner l'intention du scénariste, à savoir s'il désire
dénoncer ce racisme ou le déguiser sous son scénario.
Pretty Persuasion pourrait aussi scandaliser certaines personnes
par le fait qu'on y suggère non seulement une bonne part des
scènes de fellations, mais aussi de pédophilie...le tout
dans la perversion. Skander Halim, le scénariste, joue sur les
deux côtés de la médaille par rapport au harcèlement
sexuel du professeur, nous démontrant que les deux partis ne
sont pas en fait blanc comme neige. Dans une simple comédie,
on se serait contenté de présenter Kimberly Joyce comme
le mal absolu, ce qui est donc preuve d'un scénario intelligent.
Comme critique de la société hautaine de LA, le film fonctionne
bien. Il se trouve un peu à mi-chemin entre Election,
Rushmore (pour la forme), Thirteen et un épisode
du dessin-animé Daria. C'est un pot pourri intéressant,
mais malheureusement inégal, qui manque parfois un peu de mordant,
en particulier dans ses scènes de sexe, où il semblerait
qu'on ait coupé quelques passages. On n'y reconnaît pas
totalement le film décrit comme l'un des plus choquants présentés
au festival de Sundance.
L'ultime point fort du film est (sans surprise) l'incroyable performance
de l'actrice Evan Rachel Wood. Une jeune femme qui, d'année en
année, prend du gallon et est sérieusement en voie de
devenir la Nicole Kidman d'une nouvelle génération. Il
faut avoir du cran pour s'attaquer à un rôle de la sorte,
d'autant plus qu'elle l'a choisi alors qu'elle n'était âgée
que de 14 ans, ce qui laisse présager une filmographie intéressante.
Bref, Pretty Persuasion n'est pas une expérience traumatisante
et n'influence pas autant le regard que l'on jette sur la société
que Thirteen. Il en reste cependant une satire des plus intéressantes,
qui est surtout brillamment interprétée par une bande
d'acteurs sous-estimés, mais qui restera longtemps tapis dans
l'ombre de Mean Girls et Heathers. À voir si
l'humour noir vous plaît.
Version française : -
Scénario :
Skander Halim
Distribution :
Evan Rachel Wood, David Wagner, Brent Goldberg,
Adi Schnall
Durée :
104 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
29 Janvier 2006