POUR TOUJOURS LES CANADIENS (2009)
Sylvain Archambault
Par Jean-François Vandeuren
L’organisation du Canadien de Montréal aura vu les choses
en grand pour célébrer le centième anniversaire
de la Sainte-Flanelle. La métropole aura ainsi eu le privilège
de présenter le match des étoiles et la séance
de repêchage amateur au cours de la même année, en
plus d’être le théâtre d’une foule d’activités
commémoratives qui auront su faire la joie et le bonheur des
nombreux partisans. Le plan quinquennal mis sur pied par le directeur
général Bob Gainey avait même pour ultime objectif
de ramener la Coupe Stanley en sol montréalais pour une vingt-cinquième
fois, après une disette de plus de seize ans. Pour couronner
le tout, les dirigeants de la formation se sont permis d’engager
le réalisateur Sylvain Archambault et le scénariste Jacques
Savoie dans le but d’immortaliser la riche histoire de la concession
au grand écran. Évidemment, nous connaissons tous à
présent la façon pitoyable dont les choses se sont déroulées.
L’édition 2008-2009 du Tricolore aura connu une fin de
saison désastreuse, se taillant de peine et de misère
une place en séries éliminatoires avant de se faire sortir
d’une manière on ne peut plus expéditive par ses
éternels rivaux du Massachussetts. La saison estivale aura ensuite
été particulièrement chargée pour Gainey
qui aura changé complètement le visage de son club en
décidant de ne pas offrir de nouveaux contrats à onze
de ses hockeyeurs. Une série d’échecs qui compliquent
évidemment la donne de cette production dont les héros
évoluent à présent à des miles du Centre
Bell. Archambault et Savoie auraient sûrement aimé pouvoir
livrer un portrait un peu plus réjouissant de la dernière
saison sans que le tout ne semble arrangé avec le gars des vues.
Et pourtant, nous sommes bien loin ici du véritable problème
de ce bordel cinématographique qui, en plus de ne faire souvent
aucun sens, échoue lamentablement la seule mission qui lui a
été confiée.
Dans la province de Québec, il y a deux institutions qui, pour
des raisons évidemment fort différentes, n’ont aucunement
besoin du moindre battage publicitaire : Hydro-Québec et le Club
de hockey Canadien. Et c’est pourtant ce qui se cache en réalité
sous cette production arborant l’horrible titre « Pour
toujours les Canadiens ». Cela explique en soi que la barre
du projet ait été confiée à un réalisateur
ayant principalement oeuvré dans le domaine de la publicité,
lui qui nous propose ici un premier long-métrage après
une carrière particulièrement fructueuse au petit écran.
Tous les mécanismes employés par Sylvain Archambault servent
d’ailleurs unilatéralement à vendre et à
(re)dorer l’image d’une organisation qui, selon son film,
ne connaît que des hauts. Dans cette bouillie indigeste débordant
de bonnes intentions et de bons sentiments, nous serons introduits à
un jeune hockeyeur venant de joindre les rangs d’une nouvelle
équipe en banlieue de Montréal. Une période d’adaptation
qui se révélera des plus difficiles alors qu’il
devra jongler avec la relation tumultueuse qu’il entretient avec
certains de ses nouveaux coéquipiers, en plus de vivre un inévitable
conflit avec son père - qu'il décrira comme une figure
absente, même si la majorité des scènes dans lequel
ce dernier apparaît se déroulent à l’intérieur
du domicile familial. La mère de l’adolescent, infirmière
à Sainte-Justine, devra quant à elle s’occuper d’un
bambin souffrant d’une insuffisance rénale. Beaucoup plus
un « drame d’hôpital » qu’un film sportif
à proprement parler, Pour toujours les Canadiens s’articule
essentiellement autour de l’histoire de ce jeune partisan du Tricolore
à la recherche d’un donneur. Dans la foulée, le
jeune hockeyeur au comportement trouble s’éprendra d’amitié
pour le garçon, lui qui assimilera entretemps cette importante
leçon dictant que les meilleurs joueurs ne sont pas seulement
grands sur la patinoire…
Évidemment, le tout servira éventuellement à souligner
l’implication de la formation montréalaise auprès
des enfants malades. Le problème, c’est que cette initiative
beaucoup trop longue et fastidieuse finit par s’accaparer une
bonne partie du temps d’écran qui aurait normalement dû
revenir au vrai sujet du film : le hockey. Il faut dire que Jacques
Savoie a aussi énormément de difficulté à
développer les enjeux dramatiques de son récit. Les pistes
narratives mises sur pied par ce dernier sont en ce sens truffées
d’ellipses rendant celles-ci complètement invraisemblables
alors qu’il était déjà assez difficile d’y
vouer ne serait-ce qu’un tant soit peu d’intérêt.
C’est le cas notamment du parcours de ce hockeyeur qui, sans la
moindre progression apparente à l’écran, sera promu
du jour au lendemain capitaine de son équipe. Des dialogues aberrants
et une mise en situation digne des pires mélodrames témoignent
également du manque total de naturel de cette entreprise dans
laquelle s’imbriquent une pléthore d’images d’archives
de façon aléatoire et terriblement maladroite. Il est
évident que le présent effort a été conçu
dans le but d’attirer le plus large public possible, en particulier
chez les spectateurs en bas âge qui n’ont toujours pas eu
la chance de voir leurs favoris aspirer aux grands honneurs. Mais à
force de vouloir créer du drame à tout prix et de rendre
chaque situation magique ou exceptionnelle, il finit par ne ressortir
de cette exercice qu’une mise en scène artificielle, à
la limite de l’insignifiance et, d’une certaine façon,
malhonnête. La facture visuelle d’Archambault se vautre
d’autant plus dans une panoplie d’effets de style aussi
ridicules que gênants, telle cette interminable séquence
durant laquelle deux garçons hospitalisés s’échangent
de vieilles cartes de hockey tandis que celles-ci flottent autour d’eux,
ou encore ces auréoles de lumière enveloppant la Coupe
Stanley et les bannières des joueurs dont le chandail fut retiré.
Le grand oublié du film de Sylvain Archambault est en soi le
fameux septième joueur de l’équipe : les partisans.
Un oubli tout simplement impardonnable dans une ville qui « est
hockey » et dont la population affiche des signes récurrents
d’un comportement maniacodépressif que l’on peut
directement lié aux performances de ses Glorieux. Ce rassemblement
et cet esprit de collectivité n’est illustré que
par le biais de trois chauffeurs de taxi (dont deux immigrants - car
le Canadien est aussi un formidable outil d’intégration
sociale) alors que le reste du temps, hormis quelques séquences
au Centre Bell, les matchs du Tricolore sont regardés de manière
individuelle par les différents personnages. C’est à
croire que personne n’a voulu lire ou corriger les écrits
de Jacques Savoie avant que ne s’amorce le tournage tellement
les trous sont importants, et ce, autant d’un point de vue historique
que scénaristique. Nous retrouvons au centre de cette catastrophe
cinématographique, voire publicitaire, une distribution interprétant
de peine et de misère des personnages unidimensionnels et décalés,
parmi laquelle s’illustrent tout de même Claude Legault
lors de ses trop brèves apparitions et Jean Lapointe, dont le
personnage de sympathique chauffeur de zamboni collectionnant les vieilles
reliques du « CH » forme en soi le meilleur élément
du film. Autrement, les instigateurs de ce fiasco auraient eu avantage
à s’inspirer du formidable La Mémoire des anges
de Luc Bourdon en proposant plutôt un élégant collage
d’images d’archives, lequel aurait été beaucoup
plus logique et approprié vues les circonstances. Ainsi, Pour
toujours les Canadiens se révèle un film bâclé
qui, à l’opposé de son sujet, ne passera certainement
pas à l’histoire. Un triste constat pour un effort devant
mettre fin aux célébrations du centenaire de l’équipe
et dans lequel nous pouvons à peine entendre un simple «
Go Habs Go ».
Version française : -
Scénario :
Jacques Savoie
Distribution :
Antoine L'Écuyer, Céline Bonnier,
Christian Bégin, Jean Lapointe
Durée :
95 minutes
Origine :
Québec
Publiée le :
4 Décembre 2009