LES POUPÉES RUSSES (2005)
Cédric Klapisch
Par Jean-François Vandeuren
Il est toujours un peu difficile d’approcher la suite d'un film
comme L’Auberge espagnole. La première question
qu’on se pose est évidemment: était-ce vraiment
nécessaire? D’un autre côté, même s’il
utilise une formule à la mode, le cinéaste Cédric
Klapisch se trouve néanmoins à des miles de la machine
hollywoodienne. S’il s’est donné la chance d’écrire
un second scénario remettant en scène les principaux personnages
de sa clique de Barcelone, c’est qu’il devait forcément
avoir quelque chose à dire. C’est fort heureusement un
effort aussi intelligent et bien construit que le premier volet qui
attend ceux qui voudront bien lui accorder le bénéfice
du doute. Nous retrouvons donc Xavier cinq ans plus tard. Ce dernier
respecta ses promesses de la fin du premier film et devint écrivain.
Malheureusement, il se retrouve désormais pris entre l’écriture
d’articles inintéressants et de mémoires sur commandes
peu glorieux qui l’empêchent de vraiment s’épanouir
en tant qu’auteur. Il devra entre-temps écrire un téléfilm
cucul pour les fêtes qui l’amènera contre toutes
attentes à renouer avec Wendy, avec qui il habita à Barcelone
et qui elle aussi est écrivaine en Angleterre. On retrouva également
le reste de la bande à l’occasion du mariage de William,
le frère de cette dernière, à Saint-Pétersbourg.
Cédric Klapisch nous expose donc encore une fois à la
vie bordélique de Xavier en se concentrant cette fois-ci sur
sa vie de célibataire et ses nombreuses aventures d’une
nuit que l’arrivée de la trentaine le poussera malgré
lui à quitter. Un bordel que le cinéaste français
amène à l’écran d’une manière
très naturelle et qu’il élève assez adroitement
comme contexte premier de son film. Un concept qui pourra sembler un
peu de convenance à première vue, particulièrement
dans ce cas-ci où il s’agit d’une suite. C’est
néanmoins d’une façon très originale et surtout
réfléchie que Klapisch nous propose, grâce au contexte
de l’écriture du scénario, un mélange admirable
de la vision de l’amour telle que véhiculée par
une œuvre de fiction et ses différences qui ont tout de
même un certain impact sur la réalité. Le cinéaste
français remplit d’ailleurs son opus d’une multitude
d’observations extrêmement cohérentes par rapport
à ce gout pour la simplicité qui est plus souvent qu’autrement
impossible à obtenir, voire à entretenir. Si ce n’est
pour le simple fait que la vie ne se compose pas de grandes phrases
à l’eau de rose que débitent systématiquement
deux personnes au caractère unidimensionnel et prévisible.
Klapisch nous convit une fois de plus à un délire visuel
minutieusement contrôlé qui possède énormément
de fougue au niveau de la réalisation et qui se contente de quelques
excès stylistiques, particulièrement au niveau du montage
qui prendra la forme par exemple d’une mosaïque ou d’une
série de photographies juxtaposées. Le cinéaste
laisse en ce sens la plupart des extravagances à sa tête
d’affiche, Romain Duris, qui reprend superbement les traits d’un
personnage qu’on ne nous présente pas unilatéralement
comme étant sympathique et que Klapisch prend un plaisir fou
à constamment remettre en question notre vision de ce dernier.
Les Poupées russes se déroule du même coup
dans un univers aux couleurs toujours vives et dans lequel le réalisateur
affiche un faible évident pour la structure narrative implacable
du Trainspotting de Danny Boyle, usant d’une facture
visuelle tout aussi efficace, mais tout de même moins calculée
que celle du cinéaste britannique.
L’amour, et plus précisément la séduction,
occupait une place de choix parmi les nombreux thèmes soulevés
par L’Auberge espagnole, au même titre que la mondialisation
et le choc des cultures. Ces deux derniers éléments sont
par contre ici relayés au second rang pour laisser une place
prépondérante à la première, ce qui était
un peu le contraire dans le premier volet et donnera donc l’impression
d’une certaine paresse scénaristique de la part de Klapisch.
Son film arrive pourtant au bon moment si on en juge le nombre d’efforts
portant sur les relations amoureuses à l’approche du seuil
fatidique de la trentaine qui émergent ces jours-ci, on a qu’à
penser à Horloge biologique au Québec. Les
Poupées russes demeure en ce sens un film qui s’observe
admirablement bien autant dans son portrait de la réalité
que son rapport avec la fiction. Les personnages de Cédric Klapisch
n’ont rien perdu de leur charme et le réalisateur rien
de son entrain. On reprendra de ce fait rapidement la belle complicité
qui prit place entre ceux-ci et nous en 2002. Le cinéaste réutilise
donc d’une manière toujours aussi originale un mélange
comico-dramatique impeccable, une partie de l’effet de surprise
en moins.
Version française : -
Scénario :
Cédric Klapisch
Distribution :
Romain Duris, Kelly Reilly, Audrey Tautou, Cécile
De France
Durée :
125 minutes
Origine :
France, Royaume-Uni
Publiée le :
19 Septembre 2005