PLEASANTVILLE (1998)
Gary Ross
Par Frédéric Rochefort-Allie
Pleasantville est un endroit où le gazon est toujours vert et
fraîchement coupé, où les maisons sont toutes blanches
et où le mot défaite est inexistant. En fait, c'est l'American
dream incarné dans une petite ville on ne peut plus typique.
Deux adolescents se retrouveront projetés dans cette parodie
de Father Knows Best à cause d'une manette de télévision
hors de l'ordinaire qui a la fonction particulière de téléporter
ses utilisateurs à l'intérieur d'une émission.
L'intromission est d'un ridicule et d'une absurdité à
en frôler la mauvaise copie d'un épisode de la Twilight
Zone, mais fort heureusement le film ne s'arrête pas là.
Ce que nous propose Gary Ross est en fait beaucoup plus profond. Pleasentville
est une fable portant sur la perte d'innocence des États-Unis
et le bouleversement social qui y sera bientôt provoqué.
Pour illustrer ce changement, cet univers en noir et blanc se métamorphose
progressivement en couleurs. La révolution idéologique
qu'apporteront les deux jeunes contemporains créera un fossé
idéologique, lequel se reflète par l'apparition de la
couleur. Ainsi, ce changement signe l'apparition du rock'n'roll, d'une
révolution sexuelle et même d'un bouleversement du rôle
de la femme. Elle sert aussi d'analogie au racisme où les gens
colorés n'étaient pas admis à certains endroits
par ségrégationnisme. Heureusement, ce creuset de courants
historiques fonctionne à merveille, alors qu'il aurait aisément
pu être surchargé.
Ce concept s'allie merveilleusement à des prouesses visuelles
incomparables. Bien entendu, presque n'importe qui peut tenter maintenant
de refaire son «effet Pleasantville» dans son salon, mais
même si l'exclusion de couleur est un procédé de
plus en plus facile et en vogue depuis Sin City, elle n'a jamais
été plus pertinente depuis la petite-fille au manteau
rouge de la Liste de Schindler. La magie subsiste toujours, même
près de 10 ans après la date de sortie, preuve d'un travail
remarquable. Des images telles des pétales de fleurs qui tombent
de certains arbres sur un sol noir et blanc en jettent toujours autant.
Pleasantville laisse cependant sur une note plutôt amer.
Vers la conclusion, le film se fait un peu moins subtil dans ses intentions
et plutôt moralisateur. C'est aussi à partir de ce moment
où l'acteur Tobey Macguire change de registre pour tomber dans
une attitude guimauve plutôt décevante qui gâche
de beaucoup l'appréciation finale de l'oeuvre. Heureusement,
en revanche les comédiens William H. Macy, Jeff Daniels et Joan
Allen sont tout à fait remarquables et arrivent à transformer
leurs clichés ambulants en des personnages bien plus humains.
Ils sont l'un des points forts du film.
Sandwiché entre une introduction et une conclusion boiteuse,
Pleasantville demeure un très bon film, et l'un des
rares qui malgré son aspect plutôt Hollywoodien, osent
utiliser ses effets spéciaux non pas pour jeter de la poudre
aux yeux, mais plutôt pour raconter une histoire. Triste que son
créateur, à qui l'on doit aussi Big, demeure
toujours aussi sous-estimé dans le domaine, car son imagination
et sa sensibilité rappelle Steven Spielberg dans ses meilleurs
moments. Pleasantville fait partie de ce club de films injustement
laissés de côté.
Version française :
Bienvenue à Pleasantville
Scénario :
Gary Ross
Distribution :
Tobey Maguire, Reese Witherspoon, William H. Macy,
Joan Allen
Durée :
124 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
4 Juin 2006