LA PLANQUE (2004)
Alexandre Chartrand
Thierry Gendron
Par Alexandre Fontaine Rousseau
À la fin de leurs études en cinéma, deux amis fortement
influencés par le mouvement Dogme 95 décident de se lancer
dans l'aventure du long-métrage malgré leurs moyens limités.
C'est ainsi que naîtra La Planque, un autre petit film
québécois tourné pour des poussières en
format DV qui aura permis à plusieurs critiques de s'extasier
en déclarant que l'ère du cinéma démocratisé
était à nos portes. Bien sûr, il faut souligner
l'apport de la technologie numérique sans laquelle réaliser
La Planque aurait été une aventure impossible.
Mais c'est surtout la persévérance du duo Gendron/Chartrand
et le courage du distributeur K.Films Amérique qu'il serait juste
de célébrer. Le matériel requis pour réaliser
à peu de frais un produit potable est disponible. Encore faut-il
trouver des créateurs motivés pour en profiter et, surtout,
développer un marché assez souple pour accueillir leurs
créations. C'est ici qu'entre en jeu le travail de dépistage
du circuit des festivals ainsi que la confiance en la nouvelle génération
d'un distributeur tel que Louis Dussaut.
L'histoire derrière La Planque a fait couler beaucoup
d'encre, mais qu'en est-il de celle du film comme tel? Entendons-nous
d'emblée, ce n'est pas la mer à boire. Toutefois, ce petit
huis-clos au scénario très compact a le mérite
d'avoir des ambitions à la mesure de ses moyens. Contrairement
par exemple au Bonzaïon du duo Gilmore/Jolicoeur, La
Planque se concentre sur une histoire simple aux enjeux clairement
étalés. Deux petits gangsters minables ayant piqué
à leur patron douze millions de dollars en héroïne
se cachent dans une usine désaffectée en attendant qu'un
contact chargé de la revente de la came les rejoignent. Mais
la méfiance vire à la paranoïa et les choses ne se
déroulent pas exactement comme prévu.
Le film d'Alexandre Chartrand et de Thierry Gendron est donc construit
autour d'un duel psychologique entre ces deux truands qui se cachent
l'un à l'autre quelques éléments d'une intrigue
dont la progression s'avère solide à défaut d'être
vraiment passionnante. La pertinence de ce scénario est questionnable,
certes. Mais c''est surtout au niveau de la forme que l'essai des deux
jeunes réalisateurs s'avère simulant. Située dans
un lieu visuellement riche et facilement accessible, l'intrigue dépouillée
permet un tournage léger et flexible ancré dans l'esprit
du fameux Dogme de Von Triers et Vintenberg. Avec deux caméras
tournant en direct, le duo arrive à entretenir un rythme relativement
efficace et constant. Il est malgré tout dommage de voir le film
se perdre durant quelques scènes inutilement longues. En particulier
celle, interminable, où Pipo découvre son automobile vandalisée
et perd les pédales.
Malgré ses failles évidentes, La Planque arrive
à conserver notre intérêt tout en développant
une signature visuelle particulière. Certains jeux d'éclairage
sont particulièrement valables compte tenu de la difficulté
d'obtenir de belles images dans la pénombre avec des caméras
DV. La seule idée qui ne donne par les résultats escomptée
est celle de décomposition progressive du film que soulignent
quelques transitions numériques un peu laides. C'est ce genre
de détail déconcentrant qui déstabilise le spectateur.
La Planque est-il un premier film professionnel pour Gendron
et Chartrand, où plutôt un dernier projet étudiant?
Si La Planque affiche encore les stigmates typiques de l'oeuvre
étudiante moyenne, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit pour
un film de ce niveau d'une réussite indéniable. On a bel
et bien l'impression que l'ensemble aurait profité d'un investissement
plus généreux. Mais La Planque porte plutôt
fièrement sa finition brute et son évident manque de raffinement.
Sans être très bon, il s'agit d'un essai valable au sein
de cette vague de cinéma DIY qui fait vibrer certains milieux
québécois actuellement. Avec un peu de chance, le succès
d'estime de La Planque aura fait comprendre aux distributeurs
qu'il peut s'avérer avantageux d'investir sur des projets plus
artisanaux tel que celui-ci. À voir, ne serait-ce que par principe.
Mais aussi parce que l'expérience demeure divertissante...
Version française : -
Scénario : Alexandre Chartrand, Martin Desgagné,
Thierry Gendron, P-A Lasnier
Distribution : Martin Desgagné, Pierre-Antoine Lasnier,
Marie-Josée Forget
Durée : 73 minutes
Origine : Québec
Publiée le : 1er Décembre 2005
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