PLANET OF THE APES (1968)
Franklin J. Schaffner
Par Jean-François Vandeuren
L’intimidation par le nucléaire entre les États-Unis
et l’URSS au cours de la Guerre Froide aura laissé au cinéma
américain une marque bien visible inspirée par la peur
de voir ces deux nations commettre l’irréparable. Une crainte
qui se fit sentir bien sûr avec l’arrivée de nombreux
films d’espionnage, mais également au niveau de la science-fiction
où cela se traduisit par des scénarios dépeignant
un future souvent apocalyptique où la civilisation humaine n’était
alors plus qu’un souvenir enfoui. Adapté du roman de Pierre
Boulle, Planet of the Apes est une des œuvres marquantes
de ce mouvement.
Nous suivons donc au départ trois astronautes échoués
sur une planète inconnue quelques millénaires après
leur départ de la planète bleue. Partant à la recherche
d’une quelconque forme de vie, ils y trouveront contre toute attente
une horde d’humains à l’état primitif peuplant
ces terres arides. Mais, contrairement au monde actuel (quoique…),
ce sont les singes qui possèdent les armes, la faculté
d’élocution et l’intelligence nécessaire pour
trôner au sommet de la chaine alimentaire. Leur monde sera par
contre tout aussi bouleversé lorsqu’ils découvriront
après leur petite partie de chasse que l’un des hommes
capturés, le dernier astronaute encore en état, peut lui
aussi parler et penser. Les scientifiques primates croiront avoir fait
une découverte importante, mais les hautes sphères du
pouvoir y verront plutôt une véritable menace.
Film souvent terni par la réputation peu enviable de ses nombreuses
suites qui ne furent pas toujours très reluisantes, mais qui
offraient tout de même certaines bases intéressantes au
niveau des thématiques, voir le culte voué à l’arme
atomique dans Beneath the Planet of the Apes, le film de Franklin
J. Schaffner ne fait évidemment aucunement dans la subtilité,
ce qui n’enlève toutefois rien au raisonnement très
riche livré avec intelligence et une habileté assez remarquable
à faire passer son plaidoyer on ne peut plus direct par le biais
de dialogues et d’images souvent symboliques. Il s’agit
aussi d’une œuvre qui avait un but précis, soit de
susciter un débat de société à une époque
rongée par l’incertitude. Planet of the Apes s’attaque
en ce sens particulièrement aux notions de pouvoir et de hiérarchie,
faisant une démonstration fort intéressante de la lutte
se jouant entre la science et la religion alors que dans le cas présent,
cette dernière régit un peuple grâce à des
croyances limitatrices plutôt que d’encourager le progrès,
protégeant ainsi les élus d’une quelconque forme
de révolution (tiens donc!).
Schaffner nous fait également part ici d’une réalisation
plutôt bien entretnue dans son ensemble, venant servir avec brio
l’atmosphère aride se dégageant de son essai. Même
chose pour la trame sonore de Jerry Goldsmith qui, même si elle
n’est pas présente de manière exubérante,
se révèle néanmoins assez inusité pour l’époque,
jouant la note expérimentale pour la bonne cause en mélangeant
des ambiances rappelant celles qu’il concoctera pour Alien
dix ans plus tard sur un fond plus caverneux et tribal. La mise en scène
de Schaffner sert évidemment avec précision le débat
que son film tend à déclencher, et se veut d’ailleurs
souvent inventive lorsque le scénario se met en mode «exploration»,
notamment en début de parcours où Schaffner réussit
à tirer le maximum de ses lieux de tournages. Planet of the
Apes fait également office de monument du cinema pour tout
ce qui touche aux costumes, qui vieillissent bien il faut dire, même
s'ils n’accotent guère ceux du remake de Tim Burton, une
des rares bonnes raisons pouvant justifier l’écoute de
cette version plutôt maigre côté contenu.
Planet of the Apes demeure encore presque quarante ans après
sa sortie une des mises en scènes fictives les plus frappantes
de ce que la stupidité humaine pourrait un jour engendrer, marquée
par une finale qui reste encore aujourd’hui une des scènes
les plus connues et mémorables de l’histoire du cinéma.
Traçant astucieusement un parallèle entre la nuisance
de l’être humain à l’état d’insecte
sur cette planète où les singes vivent en roi et dans
l’état actuel des choses où il forme la seule espèce
pensante capable de tuer par avidité et désirant plus
que tout autre chose le pouvoir, le plus navrant est que l’on
peut encore voir le film de Franklin J. Schaffner comme une œuvre
bien d’actualité. Peut-être sommes-nous plus prêt
que jamais de voir nos erreurs et la démesure de notre ego finalement
nous rattraper?
Version française : La Planète des singes
Scénario : Michael Wilson, Rod Serling, Pierre Boulle (roman)
Distribution : Chartlon Heston, Roddy McDowall, Kim Hunter, Maurice
Evans
Durée : 112 minutes
Origine : États-Unis
Publiée le : 7 Mai 2005
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