PLAN 9 FROM OUTER SPACE (1959)
Edward D. Wood Jr.
Par Frédéric Rochefort-Allie
Souvent, lorsqu’un film est de piètre qualité, on
hurle sur tous les toits que c’est le pire de tous les temps.
Ça s’est vu récemment avec des films comme Gigli
ou Battlefield Earth. Mais ne vous êtes-vous jamais demandé
si la médiocrité au cinéma pouvait réellement
atteindre des limites démesurées? Pour comprendre Plan
9, il faut d’abord connaître le personnage mythique
du cinéma de série B : Ed Wood. Cet homme qui, lors de
sa jeunesse, échappait aux séances de poupée grandeur
nature de sa mère pour assister à des projections. C’est
ainsi qu’est né son amour pour le cinéma, par un
pur désir d’évasion.
Plan 9 raconte l’histoire d’une invasion d’extraterrestres
qui font revenir les morts à la vie dans le but de bâtir
une armée destructrice. Heureusement, la police et un pilote
d’avion (Gregory Walcott) décident de mener une enquête
pour comprendre les évènements surnaturels.
Dès les premières minutes, une erreur scénaristique
saute aux yeux. On saisit assez vite l’ampleur du dégât.
Tenter de résumer l’histoire de ce film d’une manière
cohérente est tout simplement impossible. Donc, fort improbable
de croire ne serait-ce qu’un instant à l’univers,
ma foi on ne peut plus éclaté, du cinéaste. Les
amateurs de dialogues de mauvais goût seront au paradis, rares
sont les films qui peuvent compétitionner à ce niveau.
Des films comme Kung Pow sont nettement plus songés
sur ce point. Les personnages sont tous aussi mal développés
les uns que les autres. Nul ne semble dans son élément.
À ceci s’ajoute l’artificialité plutôt
marquée des décors. Si vous croyez avoir tout vu, détrompez-vous
! La cabine de l’avion est faite de carton, et en guise de porte,
Ed Wood a fait poser un rideau de douche. Voilà qu’un seul
exemple parmi tant d’autres. Le moindre qu’on puisse dire
c’est que l’équipe du film possède une imagination
assez fertile.
Mais dans tout ce souk, Ed Wood est définitivement au premier
plan. Sa réalisation pourrait sembler à première
vue comme un bêtiser. Le cinéaste, reconnu pour avoir estimé
tout au long de sa « carrière » les premières
prises comme la perfection, semble avoir négligé la presque
totalité des détails entourant son œuvre dérisoire
au profit de sa passion pour le cinéma qui émane sur la
pellicule. Les spectateurs moindrement attentifs remarqueront des bévues
aussi peu subtiles que des perches de son, des pierres tombales qui
bougent au moindre coup de vent, des soucoupes volantes en assiettes
à tartes dont les fils sont visibles à l’oeil nu,
etc. À ceci s’accompagne un montage on ne peut plus bâclé
dont les rares plans avec Bela Lugosi deviennent péniblement
répétitifs. C’est que la légende, décédée
avant que le tournage ne débute vraiment, devient en quelque
sorte le point central de tout le film. Pour remédier au décès
de l’ex-compte Dracula, Wood a fait appel à une doublure
qui se camoufle le visage dans sa cape tout au long du film. Inutile
de préciser qu’en plus d’être ridiculement
pathétique, ça manque franchement de crédibilité.
Des légendes du genre sont nées dans cette œuvre
comme Vampira ou Tor Johnson. Évidemment, personne de cette armée
composée de trois zombies ne provoque de chair de poule. Pour
d’autres acteurs, c’est le néant total émotivement.
Aucune intonation ou sinon ils tombent dans un cliché. Pour boucler
la boucle, même le son peut être source de moments de pure
hilarité. A-t-on déjà entendu du son dans l’espace?
Dans l’univers d’Ed Wood, tout est possible.
En résumé, Plan 9 est aux parfaits antipodes
de Citizen Kane. Après tant d’années, il
reste une référence, voire une icône du cinéma
de série B. Est-ce un film inférieur? Pas du tout. Plan
9 s’avère être une comédie tout à
fait géniale et les messages que projette le film, bien qu’extraordinairement
mal exploités, ont tout de même une bonne base morale.
La critique de l’attitude américaine que propose Wood est
on ne peut plus vraie ces temps-ci. Phénomène à
part du cinéma, Plan 9 est à la fois chef-d’œuvre
et nullité absolue. L’illustre Ed Wood nous propose l’une
des évasions les plus complètes. La question est : êtes-vous
partant?
Version française : -
Scénario :
Edward D. Wood Jr.
Distribution :
Gregory Walcott, Mona McKinnon, Duke Moore, Tom
Keene
Durée :
79 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
16 Novembre 2003