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PINOCCHIO (2002)
Roberto Benigni

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Injustement vilipendé par la critique à sa sortie aux États-Unis, le Pinocchio de Roberto Benigni a d'abord et avant tout été la victime de Miramax, qui a décidé de présenter au public américain une version amputée d'une dizaine de minutes du film en plus de l'affubler d'un doublage indigne d'un Godzilla. Pourtant, sans être parfaite, cette énième adaptation du conte de Carlo Collodi demeure une réussite indéniable qui charme par son exubérante naïveté tout en conservant la part d'obscurité qui conférait toute sa force à l'histoire originale. Peut-être est-ce justement cette ombre menaçante qui a fait peur aux Américains, terrorisés à l'idée de voir leurs pauvres enfants si fragiles entrer en contact ne serait-ce qu'un instant avec autre chose qu'un film de Disney soigneusement stérilisé avant usage.

Peut-être aussi est-ce le fait qu'un Benigni âgé de 50 ans ait décidé d'interpréter lui-même le personnage principal qui a troublé nos puritains voisins du sud, poussant même certains détracteurs du film à le déclarer «creepy in a Michael Jackson sort of way». Pourtant, Benigni se débrouille très bien dans son rôle, même si son jeu frôlant l'hystérie dans les premières minutes du film ne donne pas une bonne première impression. Quiconque connaissant moindrement l'acteur italien ne sera pas surpris par cette légère tendance au cabotinage, mais il faudrait un manque cruel d'imagination pour ne pas accepter l'acteur dans son rôle tant son jeu candide et dynamique transmet parfaitement l'essence du personnage. Manque de crédibilité, dites-vous? On parle tout de même de l'histoire d'un pantin parlant dont le nez pousse lorsqu'il ment, mesdames et messieurs. Soyez indulgents...

À l'origine, Benigni voulait que le grand Federico Fellini réalise le projet. La mort de celui-ci a bien entendu compliqué les choses, mais l'esprit du maitre plane sur la somptueuse direction artistique du projet. Le carnavalesque Pays du bonheur semble tout droit tiré de l'imaginaire de celui-ci, et on ne peut s'empêcher de l'imaginer satisfait du résultat lorsque l'on voit celui-ci se transformer en cirque infernal. Visuellement, le film est tout simplement splendide. Les costumes et les décors semblent tout droit sortis d'un luxueux recueil de conte de fées et la photographie est impeccable. Les maquillages des personnages mi-hommes mi-animaux sont d'une grande subtilité et ne tombent jamais dans le ridicule tout en restant très évocateurs. Il faut dire qu'avec un budget approchant l'équivalent de cinquante millions de dollars, Pinocchio est le film le plus dispendieux de l'histoire du cinéma italien.

À la fois sombre et joyeusement naïve, cette adaptation de Pinocchio a tout pour plaire et transmet admirablement bien la magie qui habite l'univers des contes de fées. Malgré un début quelque peu boiteux et certaines failles au niveau de la narration, ce nouveau film de Roberto Benigni n'est en rien la déception qu'y ont vu les Américains. D'ailleurs, lorsque l'on pense aux idioties dont ils nourrissent sur une base quotidienne leur progéniture, on se demande bien ce qu'ils peuvent reprocher à un film tel que celui-ci, qui malgré tous ses défauts garde un coeur d'enfant et la capacité de s'émerveiller...




Version française : Pinocchio
Scénario : Roberto Benigni, Vincenzo Cerami, Carlo Collodi
Distribution : Roberto Benigni, Nicoletta Braschi, Carlo Giuffrè, Kim Rossi Stuart
Durée : 117 minutes (version originale) / 108 minutes (version Miramax)
Origine : Italie

Publiée le : 8 Juin 2004