THE PIANIST (2002)
Roman Polanski
Par Jean-François Vandeuren
Il aura fallu attendre jusqu'en 2002 pour finalement voir Roman Polanski
remporter la prestigieuse Palme d’Or du Festival de Cannes,
décernée à son film The Pianist. Cette
fois-ci, le cinéaste nous amène dans l’enfer de
la vie du ghetto de Varsovie et de l'oppression nazie vécue par
le peuple juif pendant la Deuxième Guerre mondiale en nous proposant
de suivre le parcours du pianiste polonais Wladislaw Szpilman. Le film
relate la façon dont ce dernier a sû passer à travers
les rudes épreuves de cette période pour ensuite en témoigner
à l’aide d’un livre, servant de base au film en question.
Par rapport à l’histoire, on remarque que certains détails
du livre ont été modifiés pour doter la version
cinématographique d’une approche moins glaciale, plus romantique,
notamment par l’ajout d’une courte histoire d’amour
impossible en début de parcours qui se métamorphosera
par la suite en une rencontre d’une importance capitale pour la
survie du pianiste. Peut-être voulait-on rendre plus humaine pour
la masse une histoire de survie qui, pourtant, l’était
déjà amplement. On remarque également au fil de
l’oeuvre un certain problème en ce qui concerne le traitement
du temps où l’on peut avoir tendance à se perdre
dans le fil des événements. Une partie du film peut sembler
durer des mois quand elle ne s’étendait finalement que
sur quelques jours et vice versa. Ce détail est néanmoins
sauvé par l’indication de certaines dates, réparties
inégalement tout au long du récit. Concernant le reste
de la structure, il faut souligner la qualité du travail des
artisans derrière ce film. Le tout est fait avec finesse en cherchant
à favoriser la simple utilisation d’une image et les éléments
notables en ce qui a trait au facteur du temps comme moyen d’augmenter
la charge émotive en plus de la réflexion. Autre élément
fort appréciable, c’est qu’il ne s’agit pas
d’un film vraiment politique. Bien évidemment, on nous
situe dans le contexte en mentionnant ici et là certains points
historiques importants, mais on réussit à bien balancer
cet aspect de façon à ne pas nous faire basculer vers
une propagande facile.
Mais la force majeure caractérisant le scénario du film
de Polanski demeure la composition de son «héros»,
très bien campé par Adrien Brody. Ledit pianiste est une
personne tout ce qu’il y a de plus ordinaire qui recherche tant
bien que mal à faire ce que n’importe qui aurait fait dans
une telle situation: survivre par tous les moyens possibles. Il ne partira
pas en guerre et ne formera pas de rébellions d’aucune
sorte. L’objet de sa quête est tout simplement sa vie comme
la survie de son fils était l’ultime objectif du personnage
de Roberto Benigni dans La Vita è Bella. On ne fait
que suivre cet homme qui en cours de route perdra ses proches et ses
illusions dans un monde changeant pour le pire, mais qui réussira
néanmoins à garder bien éveiller un ardant désir
de vivre.
Visuellement parlant, Polanski laisse bien souvent les images parler
d’elles-mêmes en ne les accompagnant d’aucune musique
ou de dialogues. C’est surtout le cas dans la deuxième
moitié du film où un Szpilman laissé complètement
seul et visiblement à bout de souffle se terre dans les recoins
d’une ville en chute libre. On semble être aux côtés
de ce dernier dans les appartements où il doit rester sans émettre
le moindre bruit de peur de se faire repérer et aussitôt
éliminer. Parallèlement à cette idée, une
autre qualité du film réside au niveau des affrontements,
également filmés de la perspective de Szpilman. Le spectateur
a donc l’impression d’être à la fenêtre
du pianiste lors de ces scènes. On ne retrouve donc aucune mise
en scène qui nous donnerait l’impression d’être
submerger par l’action comme dans un film de guerre à la
Saving Private Ryan par exemple. Idée intéressante
qui présente le tout d’une manière beaucoup plus
sobre, et beaucoup plus intéressante et prenante par la même
occasion. Il faut dire que le film en général est assez
bien réussi d’un point de vue esthétique. C’est
ce à quoi Polanski nous a habitué depuis tant d’années
avec une touche beaucoup plus sobre par contre pour The Pianist.
D’autre part, les amateurs de musique classique seront grandement
servis par les diverses compositions de Frédéric Chopin.
Polanski nous propose avec The Pianist un opus beaucoup plus
personnel qui mène par la même occasion à un film
plus linéaire et émotionnel que ses opus précédents
en cherchant, à l’opposée des Rosemary’s
Baby, The Tenant et The Ninth Gate, à
toucher son public plutôt que de le manipuler, aspect qui fonctionne
très bien dans le cas présent, il faut bien l’admettre.
Une belle réussite fait avec intelligence menant à une
réflexion honnête sur un sujet face auquel on pourrait
croire que tout a déjà été dit. Un peu comme
la prémisse du film, il est parfois bon de se faire rappeler
certains détails de peur qu’on ne répète
les erreurs du passé. Pas le meilleur de Roman Polanski, mais
néanmoins fort recommandable.
Version française : Le Pianiste
Scénario : Ronald Harwood, Wladyslaw Szpilman (livre)
Distribution : Adrien Brody, Thomas Kretschmann, Frank Finlay,
Maureen Lipman
Durée : 148 minutes
Origine : France, Allemagne, Angleterre, Pologne
Publiée le : 8 Juillet 2003
|