PHONE BOOTH (2003)
Joel Schumacher
Par Louis-Jérôme Cloutier
Je me pose la question suivante à propos de Joel Schumacher :
est-ce un bon réalisateur? Il fait parfois des films incroyablement
mauvais (Bad Compagny) ou fait un film très très
moyen avec un bon scénario (8MM). Cependant, au travers
de ces navets, il nous sort des Tigerland et des Phone
Booth. Peut-être Schumacher est-il incapable de faire quelque
chose de bon avec un trop gros budget? Batman Forever en est
la preuve. Après tout, il est responsable du creux qu’a
pris cette série en la faisant tourner en festival McDonald's.
Phone Booth est donc une trop rare exception de film de qualité
dans l’historique de ce réalisateur.
Filmé en seulement dix jours et ayant une durée de 1 heure
21 minutes, Phone Booth nous présente le publiciste
Stuart Shepard au milieu d'une bien mauvaise situation. Il répond
à un téléphone public et l’homme au bout
du fil l’empêche de partir en le menaçant avec un
sniper. Shepard doit alors faire tout ce que le mystérieux tueur
lui demande.
À partir d’une idée assez simple, Phone Booth
développe non seulement un bon suspense, mais aussi une réflexion
sur la société. Dans ce film, le tueur ne pose pas ses
gestes pour l’argent ou pour réclamer quelque chose comme
la célébrité, il le fait pour faire changer des
situations qu’il ne tolère pas. C’est un homme ayant
un idéal d’une société ou la malhonnêteté
et la tricherie ne triomphent pas. Il choisit ses victimes bien précisément.
Dans ce cas-ci, Shepard est un homme cupide qui trompe sa femme et se
croit le roi du monde. On a d’ailleurs de l’empathie pour
lui durant le film, ce n’est pas un héros. Il est un être
égocentrique et narcissique qui pense pouvoir faire tout ce qu’il
veut. C’est pour cette raison que le tueur l’a choisi. Il
est intéressant d’avoir une situation où d’un
côté, on est presque obligé d’être d’accord
avec certaines actions et pensées du tueur et de l'autre, ne
pas trop aimer Shepard pour son attitude. Le tout me rappelait un peu
Se7en, où le tueur, dans ses explications, nous amène
à nous questionner à savoir si les meurtres qu’il
a commis étaient vraiment quelque chose de mal. C’est un
point de vue trop peu exploité, surtout dans un film américain
où les choses sont toujours blanc ou noir. Ici, le tueur est
l’homme qui s’attaque à l’espace de notre pauvre
petit américain qui peut faire du mal à qui il veut, mais
que l’on n’a pas le droit de menacer. J’ai trouvé
qu’il y avait une certaine critique de cette société
à l’intérieur du film.
Bien entendu, à la surface, Phone Booth est essentiellement
un suspense qui arrive à nous tenir en haleine. La fin n’est
peut-être pas des plus satisfaisantes, puisqu’elle revient
à ses jalons hollywoodiens, mais le reste de l’œuvre
a de quoi nous faire apprécier pleinement notre écoute.
Colin Farell livre une très bonne performance tout en étant
dans un univers restreint. Le film est surtout composé des échanges
entre son personnage et le tueur. J’ai trouvé que Farell
donnait une bonne impression de changement d’attitude chez son
personnage et jouait à merveille le peureux et l’homme
irresponsable. Je vous disais que l’univers du film était
restreint, et bien c’est le cas, car le film se déroule
essentiellement autour de la cabine. La majeure partie du temps, nous
voyons Shepard dialoguer avec le tueur alors que les policiers tentent
de comprendre ce qui se passe. Schumacher à donc donné
une touche de réalisme dans son film en évitant de faire
trop gros avec cette histoire. J’ai bien aimé lorsque,
tout à coup, le personnage s’aperçoit sur des téléviseurs
puisque les journalistes sont sur place. Aussi, il y a souvent des split-screens,
qui sont bien utilisés et qui permettent de montrer plusieurs
actions en même temps. Bref, Schumacher est bien plus imaginatif
que dans ses productions à grand budget.
C’est donc ce que j’ai apprécié de mon écoute.
Maintenant, y a-t-il de moins bons points? Pas vraiment, il n’y
a rien de précisément négatif, mais disons que
l’ensemble n’arrive jamais à s’élever
à un niveau plus élevé de qualité. L’influence
hollywoodienne est trop grande. Disons que j’aurais aimé
voir la critique de la société être un peu accentuée.
Aussi, en scrutant à fond, le scénario révèle
certains questionnements sans réponse, surtout dans la façon
de faire des policiers. Tout de même, Phone Booth est
un excellent suspense, mais aussi un drame psychologique qui s’aura
vous divertir et qui est parfois assez différent des habitudes
du genre. À noter que le tueur est interprété par
Kiefer Sutherland et bien que ce soit surtout sa voix que l’on
entende, sa performance vocale est excellente.
Version française :
La Cabine
Scénario :
Larry Cohen
Distribution :
Colin Farrell, Forest Whitaker, Kiefer Sutherland,
Radha Mitchell
Durée :
81 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
9 Juillet 2003