THE PASSION OF THE CHRIST (2004)
Mel Gibson
Par Louis-Jérôme Cloutier
The Passion of the Christ est l’un des films ayant engendré
le plus de controverse parmi les communautés religieuses depuis
Dogma. Mel Gibson, un fervent croyant catholique, a effectivement
soulevé plus d’une fois le tollé suite à
la production de son film. Les groupes juifs sont ceux ayant le plus
manifesté leur désaccord. Selon eux, The Passion of
the Christ allait pointer le peuple d’Abraham comme responsable
du déicide. Cependant, en tournant son film entièrement
en latin et en araméen, deux langues aujourd’hui éteintes,
Mel Gibson a surtout démontré qu’il cherchait à
récréer d’une façon très méthodique
les dernières heures de la vie du Christ. Il a été
difficile pour lui de trouver un distributeur, mais c’est finalement
la compagnie New Market (Memento) qui a accepté de commercialiser
The Passion of the Christ. Cette décision risque fort
d’être lucrative puisque la controverse entourant le film
pourrait bien lui valoir davantage de succès qu’initialement
prévu par les producteurs. Il est maintenant à l’affiche
dans tous les cinémas nord-américains depuis le mercredi
des Cendres. Quel est le verdict?
Et bien, le premier commentaire que l’on peut avancer est que
Mel Gibson a très certainement réussi à atteindre
les objectifs qu’il s’était fixés et que son
film risque de faire parler de lui pour un bon moment. La violence contenue
dans le long-métrage risque d’être au coeur de la
plupart des conversations. Plusieurs personnes pourraient être
surprises par l’acharnement de Gibson à montrer la souffrance
par laquelle a dû passer le Christ. Cependant, cette violence
n’est pas gratuite, elle ne sert pas à vendre le film.
Elle sert plutôt à démontrer la folie de l’homme
et sa brutalité inhérente. Ce que Gibson montre n’est
que la stricte et dure réalité. Et c’est pourquoi
on ne peut qualifier ce film d’antisémite. Certes, les
Grands Prêtres juifs ne sont pas dépeints avec compassion,
mais les romains ne le sont pas davantage. De plus, un Juif aide le
Christ à porter sa croix et va même à son secours
lorsqu’il se fait ruer de coups par les soldats romains. Ne serait-ce
pas là l’antipode de l’antisémitisme? Une
fois cette controverse réglée, on peut maintenant s’avancer
sur la qualité technique du film. Bien évidemment, rien
ne sert de s’attarder trop longtemps au scénario déjà
connu de tous. Comme je le mentionnais, Gibson a gagné en assurance
et possède davantage de maîtrise derrière la caméra.
Sans franchir de nouveaux horizons, il parvient à assurer la
qualité visuelle de son film. Son travail est souvent concentré
sur un seul but : témoigner de la douleur du Christ. Le son et
l’image sont utilisés de façon efficiente à
cette fin. De plus, des flashbacks, brillamment insérés,
viennent rappeler quelques moments importants de la vie de Jésus
et la façon dont il a préparé ses apôtres
à son départ tout en fournissant des moments riches en
émotions.
Toutefois, The Passion of the Christ n’est pas un film
très spirituel. Il va sans dire que Gibson veut nous faire croire
en son histoire et a celle qui a inspiré de nombreux humains.
Mais même la plus athée des personnes, telle que moi, ne
sera dérangée par le désir du film de glorifier
le christianisme puisque cette volonté est quasi inexistante.
Le film est surtout centré sur le personnage de chair et de sang
au-delà de l’homme envoyé sur la Terre par Dieu.
Ce sera pour certains une grande force, pour d’autres, une amère
déception. Personnellement, j’ai été touché
par le récit des dernières heures d’un homme qui
a sans aucun doute existé et dont la philosophie est des plus
inspirantes même si des gens ont repris ses enseignements de la
mauvaise façon et les ont transformés en une religion
à laquelle je n’adhère pas. Cet homme est incarné
par l’excellent Jim Caviezel qui brille dans sa prestation partagée
entre sagesse, tristesse et souffrance. L’ensemble de la distribution
joue également dans le ton voulu et avec suffisamment de retenue
pour rendre leur personnages plus vrai que nature. Unique bémol
dans le travail de Gibson : la décision d’utiliser et de
représenter des démons, et même Satan. Bien que
cela soit amené avec concision et réalisme, à l’image
du film entier, on ne peut que se questionner sur la pertinence de cette
décision. Je n’ai pas apprécié cet ajout
qui cadrait mal dans le film et auquel je cherchais la réelle
utilité, autant symbolique que cinématographique.
En conclusion, The Passion of the Christ est un très
bon film qui peut être apprécié même par ceux
n’adhérant pas au christianisme. Mel Gibson s’est
surtout acharné à dépeindre les dernières
heures de souffrance et de douleur d’un homme qui tentait d’enseigner
une nouvelle philosophie. Même si on reste souvent au premier
degré, il est intéressant de voir que le film s’attarde
surtout à démontrer la mesquinerie de l’homme plutôt
que de glorifier le christianisme. Sans révolutionner le cinéma,
le récit est inspirant et suffisamment accompli sur de nombreux
plans pour assurer la réussite de ce film.
Version française :
La Passion du Christ
Scénario :
Benedict Fitzgerald, Mel Gibson
Distribution :
Jim Caviezel, Maia Morgenstern, Monica Belluci
Durée :
126 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
26 Février 2004