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PARS VITE ET REVIENS PLUS TARD (2007)
Régis Wargnier

Par Alexandre Fontaine Rousseau

À chaque année son polar français médiocre. C'est à s'en demander s'ils le font exprès. Doit-on en vouloir aux distributeurs nord-américains, qui misent systématiquement sur des « valeurs sûres » de plus en plus douteuses? Faut-il reprocher à la France son affection pour les grosses ficelles hollywoodiennes, ou son incapacité totale à en reproduire l'efficacité? Quoi qu'il en soit, le cinéma commercial hexagonal est à l'agonie; et Pars vite et reviens plus tard est essentiellement symptomatique de cette dégringolade culturelle qui afflige, depuis plusieurs années maintenant, l'une des plus grandes traditions cinématographiques à l'échelle mondiale. Adaptation fort mal fichue d'un roman à succès de Fred Vargas, le nouveau film du réalisateur d'Indochine, Régis Wargnier, s'affaire avec acharnement à rater une recette en apparence simple: servez quelques références historiques en guise de trame de fond, mettez un policier coriace sur les traces d'un tueur mystérieux et situez l'enquête dans un environnement pittoresque où tous semblent avoir un sombre passé à exorciser. Il ne reste plus qu'à attendre patiemment, et à récolter en guise de récompense les recettes faramineuses au box-office français.

Malheureusement, Pars vite et reviens plus tard est, dans la lignée de 36 Quai des Orfèvres et d'Anthony Zimmer, un très mauvais suspense dont l'exécution égale le scénario particulièrement déplorable. Dans la foulée d'une mise en situation par ailleurs prometteuse à saveur de peste bubonique et de traditions médiévales louches, le film de Wargnier perd complètement la boule. Le réalisateur s'entiche de la figure placide de José Garcia - penché sur une fenêtre donnant sur l'horizon parisien - au point d'en faire son unique motif esthétique. Son état de constante réflexion ainsi illustré, de la manière la plus gauche et facile qui soit, le personnage de Garcia est en mesure d’analyser les rares indices semés comme des miettes de pain sur son chemin et de faire le point sur ses amours ratées - sous-intrigue particulièrement inutile abordée avec un doigté d'une grossièreté à peine croyable.

Les scènes s'accumulent ainsi sans qu'aucune tension dramatique réelle n'éclose. S'il cherche à imiter la transparence de la mise en scène américaine commune, Pars vite et reviens plus tard n'arrive qu'à en souligner les raccourcis les moins nuancés. Si bien qu'en tentant de produire un divertissement parfaitement générique, Wagnier vient malgré lui en orchestrer une caricature aussi exacte qu'insipide, se démarquant surtout par ce ton sérieux d'autant plus ennuyeux - et déplacé - qu'il se désamorce systématiquement par ses propres maladresses. La distribution en entier, quant à elle, sonne faux. Même des acteurs de talent tels qu'Olivier Gourmet et Michel Serrault semblent ici complètement surpassés, mais c'est la pauvre Marie Gillain qui remporte la palme avec son personnage intégré en catastrophe au récit.

Même jusqu'en théorie, le scénario du film de Wagnier est un désastre dont la construction est à ce point bancale qu'elle étonne. Au-delà de la déception qu'il y a à voir une intrigue vaguement singulière changer de cap à mi-chemin pour s'aventurer sur des sentiers mille fois battus, notre principale irritation découle du fait que ces conventions éculées sont ici étalées sans la moindre habileté. La démonstration est longue, pénible, et se termine sur un enchaînement infernal de conclusions finales qui font du film de Wargnier le Return of the King du mauvais thriller policier: le dénouement est encombré par une infinité de séquences d'expositions, de flash-backs et de revirements sans intérêt qui viennent rapidement à bout de nos nerfs.

Le fait est qu'en tant que divertissement, seule mission à laquelle il se voue, Pars vite et reviens plus tard échoue lamentablement. Mais, pire encore, il s'agit d'un film sans humanité et sans identité qui n'a tout bonnement pas de raison d'être. On peine à trouver derrière cette mise en scène automatique la trace d'une quelconque vitalité créative: seuls subsistent les impératifs commerciaux ayant motivé la mise en chantier de cette triste production à numéros, coquille vide singeant sans tromper personne les traits caractéristiques de cette forme d'art que l'on appelle cinéma. Je pourrais tenter d'y déceler une réflexion sur les hystéries collectives dans le contexte paranoïaque de l'« après 11 septembre », ou avancer un parallèle entre les lettres envoyées ici et celles du Corbeau de Clouzot. Sauf que Pars vite et reviens plus tard ne vaut tout simplement pas ce genre d'attention.




Version française : -
Scénario : Ariane Fert, Harriet Marin, Julien Rappeneau, Régis Wargnier
Distribution : José Garcia, Marie Gillain, Lucas Belvaux, Olivier Gourmet
Durée : 116 minutes
Origine : France

Publiée le : 31 Juillet 2007