PANIC ROOM (2002)
David Fincher
Par Jean-François Vandeuren
Par quels moyens un réalisateur fait-il suite à deux opus
ayant réussi à se hisser aux rangs de cultes du cinéma
américain moderne? Voilà la tâche à laquelle
était confronté un des plus importants cinéastes
de sa génération. David Fincher nous aura offert en dix
ans, à l’aide d’une technique qu’il aura brillamment
su perfectionnée et un profond désir de chambarder les
genres, des univers cinématographiques extrêmement bien
composés où il est clair que pour sa filmographie, on
parle véritablement d'un langage visuel qui lui est propre, chose
que peu de réalisateurs possèdent de nos jours. Poursuivant
sur sa lancée d’un parcours sans faille, Fincher nous offre
cette fois-ci Panic Room, suspense efficace, mais toutefois
trop conventionnel. Le cinquième long métrage de David
Fincher nous fait donc suivre les péripéties d’une
mère monoparentale et de sa fille qui viennent d’emménager
dans un immense appartement dans lequel se trouve une chambre forte
impénétrable pour l’envahisseur. Ce qui devait arriver
arriva, trois voleurs s’infiltrent dans la demeure pour voler
une somme d’argent assez importante laissée par l’ancien
propriétaire. Le problème est que le magot semble bien
être caché dans la chambre forte en question, là
où les nouvelles locataires se sont immédiatement réfugiées.
L’handicap majeur de cette production réside au niveau
de l’écriture. Le scénariste David Koepp, à
qui l’on doit notamment l’adaptation cinématographique
de Spider-Man, nous offre un récit qui a des hauts,
et bien des bas. En tant que film à suspense, le produit final
reste tout de même très efficace. Le niveau de tension
est bien rendu et supporté par des performances très convaincantes
venant de la part du casting. Donc, on nous présente une histoire
à la fois bien ficelée, mais au développement un
peu trop simpliste. Les problèmes les plus notables se situent
au niveau des dialogues et des personnages. Concernant les dialogues,
disons tout simplement qu’ils manquent de profondeurs et dans
plusieurs cas, ils sont utilisés comme moyen récapitulatif
pour être certain que tout le monde dans la salle ait bien compris
ce qui venait de se passer à l’écran. Un point qui
m’agace souvent dans bien des productions hollywoodiennes. Un
film moindrement bien construit n’a pas à être toujours
supporté par des explications venant de la bouche des personnages.
Il semble bien être encore trop souvent nécessaire de rappeler
que le cinéma est un art qui s'exprime avant tout par le visuel.
D’autre part, concernant les protagonistes, disons qu’ils
sont plutôt accessoires dans un film se concentrant surtout sur
le développement d’une situation. Comme je le mentionnais
plus haut, de bonnes performances d’acteurs pour un développement
fait qu’en surface.
Toutefois, c’est un David Fincher en contrôle de ses moyens
qui vient carrément sortir le film de l’ordinaire avec
son style reconnaissable entre mille. Ou du moins, c'était le
cas avant que plusieurs réalisateurs commencent à le copier
de façon pas nécessairement très convaincante à
droite et à gauche. Mais l’original brillera toujours plus
que les pâles imitations. Bref, nous avons encore une fois droit
à une réalisation à la hauteur du nom qu’elle
accompagne: impressionnante et bien composée. La photographie
est elle aussi extrêmement lichée et réussit à
devenir créatrice d’atmosphère de la même
manière qu’elle caractérisa les Se7en et
Fight Club avec une judicieuse utilisation des textures et
de la composition des couleurs. De l’excellent travail de ce côté-ci.
D’autre part, on ne peut que jubiler devant le long travelling
faisant le tour de l’appartement, allant jusqu’à
passer à travers la poigné d’une cafetière.
On reconnait dans ce genre de scène le style de Fincher tel qu’il
avait commencé à le mettre en chantier dans Fight
Club. Le problème est que dans Panic Room, il n’en
fait pas nécessairement bon usage, voire une exploitation parfois
abusive. Utilisation satisfaisante toutefois en ce qui concerne les
effets au niveau du montage, notamment les ralentis par rapport auxquels
les frères Wachowski ne peuvent qu’être jaloux. Une
des scènes les mieux rendus du film se base complètement
sur la remarquable utilisation de cet effet.
Si Panic Room représente la réalisation la moins
réussie de Fincher, il faut tout de même lui accorder les
qualités indéniables qu’elle possède au niveau
de la direction visuelle. Le problème se trouve, tel qu’expliqué
ci-haut, au niveau du scénario. Disons qu’on est assez
loin de l'ingéniosité de ses quatre films précédents.
Et c’est assez dommage car, comme c’est bien souvent le
cas, Panic Room est un film qui avait beaucoup plus de potentiel
à exploiter, surtout en ce qui a trait à la thématique
de la culture de la peur présente plus que jamais chez nos voisins
du Sud et qui aurait nettement pu augmenter l’intérêt
porté envers le film si elle n’avait été
qu’un peu plus approfondie. Un film accrocheur qui fait tout de
même bien son travail, mais pour une oeuvre exceptionnelle, on
repassera. Somme toute, un bon film.
Version française :
La Chambre forte
Scénario :
David Koepp
Distribution :
Jodie Foster, Kristen Steward, Forest Whitaker,
Jared Leto
Durée :
112 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
26 Septembre 2003