OVER THE HEDGE (2006)
Tim Johnson
Karey Kirkpatrick
Par Jean-François Vandeuren
Dans l’on ne peut plus trépidant The Incredibles
de Brad Bird, l’infâme Syndrome espérait devenir
le plus grand superhéros de l’histoire pour ensuite vendre
ses inventions au plus commun des mortels et lui permettre d’être
un « super » à son tour. Évidemment, une fois
le monde entier devenu super, plus personne ne l’aurait été.
Le symbolisme de ce plan machiavélique peut être interprété
à partir de nombreux domaines de compétence, dont l’animation
elle-même. Voyez-vous, Hollywood aime bien exploiter une idée
(ou un marché) jusqu’à ce que toutes ses ressources
soient épuisées et l’animation numérique
ne fit pas exception à la règle. Ce domaine semble en
effet être devenu le nouveau jouet des grands studios américains
que ces derniers s’amusent à faire virevolter dans toutes
les directions inimaginables sans se soucier de sa fragilité.
Le problème est qu’à l’extérieur des
murs des studios Pixar, les Disney, Sony, DreamWorks et compagnie se
sont mis à sortir ce genre de divertissements à la pelle.
La situation a d’ailleurs pris une tournure des plus inquiétantes
cette année, la qualité de la majorité des nouveaux
efforts en la matière oscillant entre le simplement acceptable
et le carrément médiocre.
À la base, le scénario d’Over the Hedge
est d’une paresse créatrice extrême. Cette nouvelle
variante des palpitantes aventures d’un groupe d’animaux
parlants ne propose en soi aucune surprise de taille. D’autant
plus que l’histoire de l’inconnu tentant de tomber dans
les bonnes grâces d’une communauté paisible et un
peu naïve afin de l’exploiter à des fins personnels,
on nous l’a déjà racontée des milliers de
fois. Ici, un raton laveur utilisera à leur insu une clique de
créatures à quatre pattes dont le boisé fut considérablement
réduit par l’expansion des banlieues dans le but de dérober
une quantité gargantuesque de nourriture à leurs nouveaux
voisins humains pour qu’il puisse ainsi payer ses dettes à
un ours sur le point de sortir de son hibernation. Malgré tout,
Over the Hedge s’en tire à bon compte de par l’enthousiasme
contagieux avec lequel il revisite certaines des plus vieilles morales
véhiculées par le cinéma américain. Les
réalisateurs Tim Johnson et Karey Kirkpatrick offrent ainsi un
spectacle haut en couleur dont l’allure caricaturale des personnages
et de la mise en scène fut développée avec une
connaissance évidente du terrain arpenté et de ses failles
les plus grossières.
Le duo comble ainsi une absence totale d’originalité par
un ton des plus enjoués et l’utilisation fréquente
de touches d’humour burlesque et absurde. Sans être révolutionnaire,
l’animation demeure de haut niveau et une fois combinée
à la mise en scène énergique de Johnson et Kirkpatrick,
le tout en met plein la vue à plus d’une reprise. Comme
plusieurs films avant lui, Over the Hedge joue bien la carte
de l'apparence un peu plus « cartoonesque » plutôt
que de chercher à repousser les limites de la technologie au
même titre qu’un Shrek ou un Monster’s
Inc..
Le tout est appuyé par la participation d’une panoplie
de vedettes donnant vie d’une manière fort décente
à l’ensemble. Du lot se démarquent particulièrement
un William Shatner prêtant sa voix à un opossum ressemblant
étrangement à Vincent Price, un Steve Carell absolument
jubilant en écureuil hyperactif, et un Thomas Haden Church prenant
un malin plaisir à jouer les exterminateurs de vermine un peu
trop motivés. Over the Hedge souffre toutefois de quelques
problèmes de rythme en début de parcours. Après
une introduction stimulante, l’effort a quelques difficultés
à réellement adopter son rythme de croisière, qu’il
conserve fort heureusement jusqu’à la fin par la suite.
Ces quelques moments de faiblesse ne sont d’ailleurs pas aidés
par la série de pièces musicales sirupeuses et peu inspirées
que Ben Folds semble avoir signées aussi rapidement qu’il
encaissa son chèque de paie.
En soi, l’arrivée d’un film d’animation n’a
plus le même caractère événementiel qu’autrefois
et Tim Johnson et Karey Kirkpatrick le savent bien. Misant sur un scénario
prenant les traits d’un pamphlet joliment dessiné et visant
à faire la promotion des valeurs familiales face aux nombreux
dangers de la société de consommation et de la vie de
banlieue, Over the Hedge forme au final un film tout ce qu’il
y a de plus sympathique destiné avant tout aux enfants. Néanmoins,
tous risquent en fin de compte de se laisser entraîner par cette
fable naïve et son brin de folie narrative nous faisant oublier
pendant environ 80 minutes toutes les raisons qui auraient pu nous pousser
d’ordinaire à détester un tel effort. Sans aucun
doute le meilleur film d’animation numérique à sortir
des studios DreamWorks depuis Shrek.
Version française : Nos voisins les hommes
Scénario : Len Blum, Lorne Cameron, David Hoselton, Karey
Kirkpatrick
Distribution : Bruce Willis, Garry Shandling, Steve Carell, William
Shatner
Durée : 83 minutes
Origine : États-Unis
Publiée le : 15 Juin 2006
|