OSS 117 : RIO NE RÉPOND PLUS (2009)
Michel Hazanavicius
Par Jean-François Vandeuren
Avec Le Caire nid d’espions, il était plus qu’évident
que le trio formé de Jean Dujardin, Jean-François Halin
et Michel Hazanavicius avait entre les mains une petite mine d’or
qui pourrait facilement faire des petits. Car non seulement les trois
artistes nous proposaient-ils un pastiche parodique parfaitement maîtrisé
des films d’espionnage des années 50 et 60, mais le projet
cachait également une réflexion éclairée
- et même incendiaire - sur l’ethnocentrisme dont fait souvent
preuve l’Occident, laquelle s’appliquait aussi bien à
la réalité présente que celle de l’époque
qui était reconstituée. Il ne restait plus qu’à
voir si le potentiel humoristique et analytique de cet univers technicolor
serait assez substantiel pour en sortir une série culte en devenir,
ou si tout n’avait malheureusement pas déjà été
dit et fait après un seul long-métrage. Nous sommes ainsi
invités à renouer avec Hubert Bonisseur de La Bath (Jean
Dujardin) douze ans après les événements du premier
épisode. Une nouvelle mission amènera notre héros
au Brésil où se terre un ancien dignitaire nazi du nom
de Von Zimmel qui agirait à présent à titre de
gérant de luchadores. Ce dernier cherchera à
faire chanter l’Hexagone en menaçant de divulguer un précieux
microfilm qui contiendrait le nom de tous les individus ayant collaboré
avec l’Allemagne nazie durant l’occupation. Le nouvel ennemi
se dira néanmoins prêt à remettre la liste aux autorités
en échange d’une importante somme d’argent et à
la condition que l’échange soit conduit par le meilleur
espion français. Au cours de son périple, OSS 117 devra
unir ses forces avec le Mossad, qui compte pour sa part ramener Von
Zimmel en Israël afin de le juger pour ses crimes de guerre.
Nous n’aurions évidemment pas pu imaginer de meilleure
époque dans laquelle plonger l’espion français pour
son grand retour au cinéma. Historiquement, 1967 s’avéra
une année particulièrement chargée en changements
sociaux, politiques, et même géographiques. La population
mondiale assistait à un épanouissement culturel sans précédent,
à la progression du féminisme et du mouvement hippie en
Occident, et à la croissance fulgurante d’Israël qui
allait de nouveau agrandir son territoire suite à sa victoire
éclaire lors de la guerre des Six Jours. Et face à tout
ce branle-bas de combat : un personnage qui lui s’obstine à
ne pas changer d’un poil et à partager des opinions qui
atteignent une fois de plus des sommets de stupidité. Hubert
se retrouve ainsi dans un milieu qu’il ne comprend pas - lui qui
est incapable de différencier les cultures juive et arabe ou
chinoise et japonaise - et par rapport auquel il ne sera jamais en mesure
de s’adapter. Le tout entraînera du coup une sérieuse
perte de son autorité sur cette nouvelle génération
désireuse de changer le monde, tout comme de son pouvoir d’attraction
auprès de la gente féminine qui en prendra pour son rhume
face à ce nouveau modèle de femme forte et indépendante.
Mais il faut dire que le combat principal de toute cette mascarade demeure
essentiellement celui de deux vieux ennemis qui continuent de se faire
la guerre dans un univers qui n’est visiblement plus le leur.
OSS 117 sera en ce sens le candidat idéal pour mener à
bien une telle mission et vaincre cet adversaire on ne peut plus coriace
qui rêve non plus ici d’un Quatrième, mais bien d’un
Cinquième Reich qui plongerait la planète bleue dans la
grisaille et un perpétuel climat de souffrance et de violence.
La routine, quoi!
À l’instar de son prédécesseur, Rio ne
répond plus mise de nouveau sur une formule éprouvée
carburant essentiellement à la satire et à la nostalgie
en se jouant allègrement des codes du récit d’espionnage
et du film de série B, tout comme du manque constant de repères
et de discernement de son personnage principal. Tel un parcours sur
rails, le film de Michel Hazanavicius oriente ainsi son public vers
des avenues qu’il ne connaît déjà que trop
bien. L’efficacité de bon nombre de gags repose d’ailleurs
presque entièrement sur leur récurrence alors que l’effort
répète perpétuellement ce même cycle dans
lequel Hubert sera appelé à se prononcer sur divers sujets
sans trop savoir de quoi il en retourne avant d’être corrigé
en vain par son homologue féminin, qui possède visiblement
une bonne longueur d’avance sur l’agent français
sur le plan intellectuel. Mais si la recette demeure fondamentalement
la même que celle que défendait si ardemment l’opus
de 2006, celle-ci n’a néanmoins rien perdu de sa verve
et de son intelligence et extirpe toujours aussi habilement tout le
malaise et le ridicule inhérents à ses diverses mises
en situation - qu'elle ne se gêne d’ailleurs pas pour étirer
en longueur. Le tout en injectant à l’ensemble la dose
habituelle d’humour absurde et d’autodérision qu’il
lui fallait pour garantir son succès. Il en va de même
pour l’esprit rétro qui est encore une fois formidablement
assimilé par la réalisation énergique, mais volontairement
dépassé, de Michel Hazanavicius, qui va évidemment
de paire avec un scénario d’une telle nature. La facture
visuelle de ce dernier est également appuyée par quelques
effets de montage particulièrement entraînants ainsi que
par la direction photo au grain pesant de Guillaume Schifman qui demeure
encore là tout ce qu’il y a de plus savoureuse.
Certains vous diront qu’il est inutile de réparer ce qui
n’est pas encore brisé. Et c’est visiblement dans
cet état d’esprit que furent imaginées toutes les
facettes de ce Rio ne répond plus. Si l’effet
de surprise s’est évidemment quelque peu dissipé
en trois ans, le plaisir est pour sa part allègrement renouvelé
alors que Michel Hazanavicius et son équipe auront su miser sur
des éléments humoristiques ayant déjà fait
leurs preuves tout en démontrant qu’ils avaient encore
plusieurs excellents tours en réserve. Et malgré toute
l’insignifiance dont pourra faire preuve ce cher Hubert Bonisseur
de La Bath tout au long de cette nouvelle aventure, ce dernier trouvera
toujours le moyen de se sortir indemne des pires situations et de triompher
par la force des choses dans un contexte scénaristique qui, sans
jamais lui donner raison, lui donnera la chance d’accomplir un
dernier geste héroïque qui lui permettra de sauver son image.
Une fois de plus, et nous imaginons qu’il en sera ainsi aussi
longtemps que la série sera rentable, OSS 117 terminera son périple
sans avoir appris quoi que ce soit. Mais aussi raciste, misogyne, antisémite,
ou simplement arriéré puisse-t-il être, ce dernier
apparaît ultimement comme un individu tout simplement ignorant
et non volontairement méchant, lui assurant ainsi une certaine
faveur de la part d’un public qui ne pourra que se frapper la
tête devant un tel étalage de bêtises tout en en
demandant davantage. Il faut dire que la bouille on ne peut plus sympathique
de Jean Dujardin y est également pour beaucoup, lui qui est visiblement
né pour incarner ce genre de personnages. Ce dernier livre une
performance comique toujours aussi maîtrisée qui demeure
à l’image de l’univers dans lequel il est immergé
: loufoque, coloré et désopilant, mais aussi tout ce qu'il
y a de plus incisif.
Version française : -
Scénario :
Jean-François Halin, Michel Hazanavicius
Distribution :
Jean Dujardin, Louise Monot, Rüdiger Vogler,
Alex Lutz
Durée :
101 minutes
Origine :
France
Publiée le :
31 Juillet 2009