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THE ORPHANAGE (2007)
Juan Antonio Bayona

Par Louis Filiatrault

C'est en dépit d'une nouvelle offrande signée Guillermo del Toro que sort chez nous L'Orphelinat, histoire de fantômes engendrée sous la tutelle du nouveau pape du fantastique (agissant à titre de « producteur exécutif » tel un Tarantino hispanique). Mais bien que le nom du cinéaste mexicain soit paradé un peu partout à son sujet, il ne faudrait pas se méprendre: ceci n'est pas Le labyrinthe de Pan : Part 2, mais bien quelque chose d'autre ; ce qui n'a rien de mauvais en soi, la redite n'apportant jamais rien de bon. En ce sens, si le film, premier long-métrage de fiction de l'Espagnol Juan Antonio Bayona, évoque d'abord ce à quoi pourrait ressembler un del Toro dépourvu de monstres et de rigueur plastique équivalente, il en arrive à développer ses propres codes et sa propre identité, ne serait-ce qu'à certains égards. Ceci dit, plusieurs faiblesses nuisent à son décollage et n'en font pas pour autant une oeuvre marquante.

Le talon d'Achilles d'El Orfanato s'avère l'ensemble du scénario sans imagination, voire carrément retardé par moments, de Sergio G. Sanchez. Bâti sur des motifs évidents et des thèmes grugés jusqu'à la moelle, le film raconte les tribulations psychologiques d'une trentenaire levant le rideau, à travers la recherche de son fils mystérieusement disparu, sur une tragédie liée aux souvenirs de son enfance. Les détails de la trame sont routiniers: un jeune garçon discute avec ses amis imaginaires, suscitant la tendre inquiétude des parents, et semble seul au courant de quelque chose de très important; un personnage insolite fait irruption et soulève des questionnements plus ou moins captivants ; finalement, le recours à la police et les scènes de procédures d'enquête menacent de faire définitivement basculer l'intérêt. Mais à chaque détour, à défaut d'une authentique surprise, nous attend une bonne idée qui reconquiert la sympathie et convainc de suivre la musique.

En effet, L'Orphelinat comporte suffisamment d'ingénieux morceaux de mise en scène pour faire admirablement ressortir les instants dramatiques du scénario, aussi modestes soient-ils. En périphérie d'une scène jouant sur le caractère subtilement dérangeant des masques d'Halloween, d'une autre misant sur l'impuissance des protagonistes, contraints d'assister à l'action à distance, Bayona monte vivement deux chasses au trésor aux issues inconnues du spectateur et démontre son habileté pour la narration proprement visuelle. Le tout culmine sur un dernier quart tout bonnement magistral -- au point de détonner de l'ensemble -- au cours duquel l'héroïne plonge au coeur de ses peurs et où la photo d'Òscar Faura, bien que généralement fade, s'avère tout à fait puissante. Si le découpage des dialogues reste souvent banal (le scénario étant peut-être encore à blâmer), les interprètes demeurent très bien dirigés, et les trouvailles intéressantes compensent largement pour les quelques ruptures plastiques nous donnant subitement l'impression d'assister à un épisode de Lost...

De façon générale, El Orfanato est un film réquiérant une certaine indulgence, doublée d'une bonne dose de patience, afin d'être apprécié. Espagnol, il pourrait aussi bien ne pas l'être, tout détaché qu'il est de toute réalité sociale, voire même de proposition morale (certainement davantage que del Toro dans L'échine du diable, par exemple). La construction policière et familière du scénario ne saurait être surestimée, mais il n'en demeure pas moins que la finale, sans exactement réinventer la roue, exacerbe avec doigté l'émotion d'une certaine poésie de la mort, récurrence du cinéma fantastique s'il en est. Le film se présente donc avant tout comme un exercice de style à l'intérêt limité mais certain qui, s'il ne parvient pas encore à se distinguer complètement, annonce de belles choses à venir de la part de J. A. Bayona. Du Poe pour le prochain tour de piste?




Version française : L'Orphelinat
Version originale : El Orfanato
Scénario : Sergio G. Sánchez
Distribution : Belén Rueda, Fernando Cayo, Mabel Rivera, Edgar Vivar
Durée : 100 minutes
Origine : Mexique, Espagne

Publiée le : 15 Janvier 2007