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ONE POINT O (2004)
Jeff Renfroe
Marteinn Thorsson

Par Jean-François Vandeuren

Au cinéma, si l’on utilise ce terme pour désigner une industrie avant une forme d'art, on remarque qu’il y a bien souvent deux facettes à un phénomène populaire. La première permet, à partir d’un mélange qui a bien fonctionné l’espace d’un film, l’émergence d’idées fleurissantes autour d’une même thématique, ou simplement le retour à l’écran de concepts oubliés ayant bénéficiés d’une remise à neuf afin qu'ils puissent s'adapter au courant social actuel. Par contre, ce fait ne mène que trop souvent vers une seconde tendance que nous pouvons aisément baptiser d’utilisation à outrance d’une même idée jusqu’à ce qu’elle soit saturée. Le film The Matrix et la renaissance des superhéros au grand écran sont présentement les meilleurs exemples de ce que de bonnes recettes aux box-office peuvent créer dans le cerveau des producteurs avides d’argent facile. Soit, ce ne sont pas tous les cinéastes qui se préoccupent unilatéralement des revenus engendrés par leur création. C’est fort heureusement cette impression qui se dégage de ce film teinté d’influences basées sur les thématiques de l’opus d’Andy et Larry Wachowski. Impression qui ne se forme heureusement pas autour d’effets visuels grossièrement calqués et qui évoque plutôt un désir de malmener à nouveau le rapport malsain prenant forme entre l’homme et l’évolution des mobiles de son existence.

C’est dans un immeuble à logements lugubre occupé par des locataires tous un peu excentriques à leur manière que progresse cette histoire sur la paranoïa face à l’idée d’une éventuelle perte de contrôle face à nos actions et nos choix. De ces divers personnages, nous sommes invités à suivre la tournure étrange qu’a pris le quotidien d’un jeune informaticien désorienté qui ne se nourrit plus malgré lui que de grands verres de lait d’une marque en particulier. Pour ajouter au périple psychotique de ce jeune garçon, quelqu’un trouve amusant de venir déposer à l’entrée de son logis de mystérieuses boites vides en apparence. Et comme si ce n’était pas suffisant, voilà qu’une histoire de meurtres sordides vient resserrer l’étau parmi la gamme de personnages étranges défilant dans les couloirs glauques de cet édifice.

Si la manière dont s’esquisse la thématique sur l’importance croissante accordée à la technologie, surtout l’informatique, dans le film de Jeff Renfroe et Marteinn Thorsson est inévitablement associable à la même idée dans The Matrix, il est tout de même important de souligner que l’univers de One Point O s’oriente beaucoup plus vers la source d’inspiration des frangins Wachowski, soit Dark City d’Alex Proyas. En ce sens, l’approche esthétique des deux réalisateurs du présent film est une réussite plutôt surprenante pour un premier long-métrage, surtout pour un opus de ce genre. Ces derniers utilisent ainsi à bon escient l’apport fade de la direction photo ainsi qu’un jeu de couleurs et de teintes gothiques similaires à celles du film de Proyas pour habilement réunir en un tout ces caractéristiques essentielles à l’atmosphère dérangée et paranoïaque que les deux cinéastes tentent d’instaurer.

Mais comme c’est souvent le cas pour un premier essai, One Point O est beaucoup plus associables aux influences des deux auteurs qu’à un projet à caractère unique. Dans ce cas-ci, on dénombre parmi celles déjà énoncées certains passages rappelant les écrits de Kafka et le cinéma de David Lynch, en plus de quelques thématiques chères aux yeux du réalisateur canadien David Cronenberg. La paranoïa du personnage principal n'est pas non plus sans rappeler celle du personnage de Max Cohen dans le film Pi de Darren Aronofsky. Le problème par contre est que le déroulement des actions du présent effort est parfois un peu trop nerveux. Une situation plutôt agaçante au départ, quoique pas à ce point dramatique, qui finit néanmoins par nuire au développement de l'ambiance du film, étant donné que cela prend un certain temps avant que les deux maitres d’œuvre réussissent à nous faire entrer dans leur monde et ainsi nous faire complètement oublier que nous nous trouvons devant un film.

One Point O est donc un premier essai effectuant quelques dérapages, mais qui possède un bagage d’influences respectables et qui sont d’autant plus traitées avec une admiration palpable de la part des deux auteurs. Ces derniers mènent également à bon terme leur discours sur la surconsommation et l’esclavagisme des marques qui finissent par faire de nous que de vulgaires panneaux publicitaires. Seul le temps nous permettra de constater ou non si Jeff Renfroe et Marteein Thorsson seront aptes à faire progresser leur signature vers quelque chose de plus authentique. Une bonne façon de commencer serait d’accorder un peu plus de vigueur à l’écriture du scénario qui est, dans le cas présent, un peu trop décousu.




Version française : -
Scénario : Jeff Renfroe, Marteinn Thorsson
Distribution : Jeremy Sisto, Deborah Unger, Lance Henriksen, Udo Kier
Durée : 92 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 17 Octobre 2004