ONCE UPON A TIME IN AMERICA (1984)
Sergio Leone
Par Frédéric Rochefort-Allie
Débutant par un «Il était une fois...», la
saga de Sergio Leone n'a rien d'un univers féerique. Le premier
volet se penchait sur le Far West, le second sur la révolution
mexicaine et finalement la saga prit fin avec Once Upon A Time In
America, peu d'années avant la vie de son créateur.
Cette série visait selon Leone à représenter le
durcissement de l'Amérique et son évolution.
Suite à la mort de ses amis, «Noodles» (Robert De
Niro) revient après plus de 30 ans d'absence pour trouver la
clef de l'énigme que leur cause ces derniers. Il retournera alors
dans ses souvenirs, surfant entre les époques. De son enfance
mouvementée à ses débuts dans le crime.
Leone aura refusé de réaliser Le Parrain pour
s'attaquer à ce projet qu'il prépara méticuleusement
durant de longues années. Cette décision en valait largement
la chandelle. Le Parrain lui aurait certes apporté encore
plus de gloire et de reconnaissance, mais Once Upon A Time in America
termine le parcours de Sergio Leone et sa trilogie en beauté.
À titre personnel, l'une de mes séquences préférées
de l'histoire du cinéma s'y trouve. La fameuse scène des
enfants dans la rue avec le pont de Brooklyn en arrière-plan
est profondément marquante. Le mariage parfait de la réalisation
de Sergio Leone à la musique plus que magistrale d'Ennio Morricone
crée l'un des moments les plus intenses et émouvants de
l'oeuvre du maitre. Plusieurs autres scènes frappent de plein
front, par une violence et une sexualité qui ne se retrouvent
pas chez la trilogie du Parrain. Leone est un cinéaste
qui ne craint pas de mener son spectateur sur des terrains sombres et
inconnus.
Pour cette même raison, le scénario se refuse toute forme
de linéarité. Tout comme de véritables souvenirs,
l'histoire de Noodles fait des bons vers le passé, tant dans
l'enfance que l'âge adulte du personnage, se liant parfois aux
décors qui l'entoure pour justifier ses flashbacks. Certains
seront confus par cette approche et même la fin laisse sur de
sérieuses questions. Leone quitte le spectateur dans le doute,
ouvrant la porte aux interprétations de toutes sortes. Once
Upon A Time in America est un film plus profond que The Good,
the Bad & The Ugly et surtout plus humain, où la justice
n'a plus cet aspect tout noir ou tout blanc tel le bon et le truand.
En particulier Noodles, dont les actions sont loin d'être louangeables,
mais qui demeure néanmoins un personnage pour lequel nous éprouvons
pitié et sympathie.
Pour lui donner vie, Robert De Niro se glisse à merveille dans
la peau du gangster, créant tant l'illusion de la jeunesse que
de la vieillesse du personnage. Pour un homme de 40 ans à l'époque
du tournage, c'est une prouesse dans les deux cas. C'est avec justesse
qu'il se fait surnommer l'un des meilleurs acteurs américains.
De Niro apporte beaucoup au personnage, en particulier dans sa période
sexagénaire, où l'interprétation dégage
toute la maturité et la souffrance exigée par le personnage.
On trouve aussi chez ce film de nombreuses surprises, incluant la présence
d'une jeune et fascinante Jennifer Connelly à ses débuts.
Qui de mieux pour représenter cet amour de jeunesse inaccessible
qui hante Noodles tout le long de sa vie? Elizabeth McGovern ne rend
cependant pas justice à l'interprétation du même
personnage une fois devenu adulte. L'actrice ne dégage pas du
tout la même énergie et manque de présence en comparaison.
Mais l'ensemble de la distribution est si forte, même chez les
enfants, qu'une simple faille de la sorte s'en voit largement atténuée.
Les quelques notes composée par Morricone sur flute de Pan sont
toujours aussi poignantes et sont la dernière forme de lien imaginable
avec le fantôme du créateur. Ce film sera toujours le grand
sous-estimé de Sergio Leone, l'un des moutons noir des films
américains de 1984. Trop souvent mis de côté, comparé
aux différents films de gangsters de l'époque ou tout
simplement moisissant sur les tablettes de tout club vidéo, Once
Upon A Time In America mérite plus de popularité.
Comme adieux au septième art, aucun cinéaste n'aurait
rêvé mieux.
Version française : Il était une fois en Amérique
Scénario : Leonardo Benvenuti, Piero De Bernardi, Enrico
Medioli, Sergio Leone
Distribution : Robert De Niro, James Woods, Elizabeth McGovern,
Treat Williams
Durée : 139 minutes / 229 minutes (director's cut)
Origine : Italie, États-Unis
Publiée le : 19 Juillet 2005
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