OFFICE SPACE (1999)
Mike Judge
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Le rideau se lève pour révéler un spectacle moderne
si typique qu'il en est presque pittoresque aux yeux de l'humain de
l'avenir. De joyeux petits travailleurs s'arrachent les cheveux seuls
dans leur grosse automobile. Prisonniers d'une circulation complètement
congestionnée, ils s'impatientent pour pouvoir aller s'enfermer
dans un minuscule cubicule gris toute la journée afin de travailler
d'arrache-pied pour servir une entreprise qu'ils méprisent. Parmi
cette masse immobilisée de fourmis forcenées se trouve
Peter Gibbons (Ron Livingston), employé blasé de la firme
informatique Initech. Pour gagner son pain quotidien, Peter traverse
d'immenses banques de données afin de préparer les ordinateurs
de la boîte au cauchemar apocalyptique que devait être l'an
2000. Il est payé pour rester bête devant un écran
à longueur de journée, et il en a marre.
Office Space n'a rien d'un grand film. C'est cette comédie
américaine efficace, un peu ringarde mais étonnamment
dégourdie, que nos enfants verront dans vingt ans sans trop en
saisir l'intérêt. En fait, Office Space est un
pur produit des années 90 et c'est pour cette raison qu'il semble
à la fois si marquant et insignifiant. À ne point s'y
méprendre, le film de Mike Judge est définitivement un
descendant de la mentalité slacker que célébraient
les Clerks et Mallrats de Kevin Smith. C'est le fier
représentant d'une génération aux idéaux
vagues qui revendiquait inconsciemment le droit à la paresse.
Mais c'est d'abord et avant tout un divertissement souvent très
drôle, parfois hilarant et constamment amusant que l'on écoute
à la bonne franquette sans trop penser mais sans se sentir con
non plus.
On a souvent reproché au créateur de Beavis &
Butt-Head de prendre l'Américain moyen pour un imbécile.
Voilà ce qui semble être l'énoncé principal
de sa théorie simpliste sur le monde moderne. Les idiots sont
partout, nichés tout particulièrement dans les échelons
supérieurs des organisations politiques et des entreprises privées.
Sans être mu par un idéal particulier, Peter se révoltera
contre cette condition réductrice et exprimera de toutes les
façons possibles son ras-le-bol. Ce qui, ironiquement, aura pour
conséquence de l'aider à grimper dans la hiérarchie
d'Initech.
Truffée de personnages truculents, cette comédie irrévérencieuse
fonctionne principalement grâce à des interprétations
typées bien menées. Gary Cole est parfait dans le rôle
d'un patron détestable, tout comme Mike Judge qui dans un rôle
similaire se permet un performance caricaturale mais mémorable.
Même Jennifer Aniston s'avère attachante en tant qu'intérêt
romantique de service dans une intrigue dont certains enjeux ne sont
pas sans rappeler ceux de Chasing Amy. N'en demeure pas moins
que cet aspect du film est le moins intéressant. C'est une obligation
contractuelle du genre qui, malheureusement, vient distraire une caméra
que l'on préfère pointée sur Initech dans tous
ses états.
Dans l'ensemble, Office Space demeure en son genre une sympathique
réussite mineure. Cynique à souhait, bien qu'une finale
plus morale vienne remettre d'une certaine manière notre héros
sur le droit chemin de l'honnêteté, cette comédie
populaire bien menée traite d'un sujet convenu sans emprunter
tous les clichés disponibles. C'est assez pour nous faire pardonner
une finale un peu escamotée ainsi qu'une réalisation techniquement
très conventionnelle. Alors que trop de comédies se contentent
du strict minimum sans nous soutirer grand rire, Office Space
a le mérite de présenter un univers familier de manière
grinçante et d'y glisser une poignée de personnages auxquels
on peut s'attacher. C'est assez pour en faire l'une des bonnes comédies
grands public de la fin des années 90.
Version française : -
Scénario :
Mike Judge
Distribution :
Ron Livingston, Jennifer Aniston, David Herman,
Ajay Naidu
Durée :
89 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
23 Février 2006