THE NUMBER 23 (2007)
Joel Schumacher
Par Jean-François Vandeuren
Le nombre 23 semble occuper une place de choix dans le cœur et
l’esprit des amateurs de casse-têtes existentiels et de
complots surnaturels. Lorsque souscrit à toutes les lois mathématiques
inimaginables, les apparitions répétées de cet
ensemble de deux chiffres dans l’histoire de l’humanité
semblent relever de quelque chose de beaucoup plus important qu’une
suite de simples coïncidences. De quoi rendre complètement
fous tous ceux que la numérologie rend moindrement superstitieux.
Et bien c’est exactement ce qui se produira un jour pour Walter
Sparrow (Jim Carrey) lorsque sa femme lui offrira à l’occasion
de son anniversaire un étrange bouquin intitulé «
The Number 23 ». Au fil des pages, Walter réalisera
que ce récit fictif en apparence comporte plusieurs similarités
avec sa propre existence. Ce dernier tentera alors de faire la lumière
sur les origines de cette histoire tout en essayant de ne pas sombrer
lui-même dans la démence paranoïaque dont l’ouvrage
fait état, laquelle pourrait bien mener à l’effondrement
de son univers personnel.
Pour mener à terme ce thriller fort convenu du scénariste
Fernley Phillips, New Line fit appel à nul autre qu’au
cinéaste caméléon Joel Schumacher. Mis à
part quelques surprenantes réussites telles Tigerland
et Phone Booth, Schumacher est devenu au fil des ans un choix
de premier ordre pour les studios à la recherche d’un réalisateur
capable de s’ajuster aux dernières tendances hollywoodiennes
sans laisser la moindre trace d’une quelconque forme de signature
derrière lui. Cette fois-ci, le cinéaste tente de faire
d’une pierre deux coups en capitalisant sur le succès des
derniers thrillers psychologiques imprégnés d’une
forte quête identitaire et de la récente résurgence
du film noir. Il n’y a donc rien dans The Number 23 que
vous n’aurez pas vu ailleurs, mais le réalisateur propose
tout de même une mise en scène plus que décente
pour un scénario qui n’est malheureusement pas à
la hauteur de ses ambitions. Ce drame surréaliste prendra ainsi
progressivement les traits d’un suspense macabre s’alimentant
des largesses stylistiques découlant de la mise en images du
roman dont le scénario de Phillips fait état. C’est
d’ailleurs lors de ces séquences que Schumacher se montre
le plus audacieux, proposant quelques trouvailles visuelles assez ingénieuses
tout en édifiant sans gêne une facture esthétique
aux influences gothiques imbibée de teintes noires, blanches
et rouges faisant directement écho aux allures de bandes dessinées
et de serials détraqués de Sin City.
Si les sources d’inspiration de Schumacher n’auraient pas
pu être mieux définies, l'approche visuelle de ce dernier
confère tout de même au présent opus un certain
attrait que les entourloupes du scénario de Phillips n’arrivent
tout simplement pas à soutenir. Le nouveau venu tombe d’ailleurs
dans pratiquement tous les pièges dans lesquels le genre se complait
mollement depuis déjà plusieurs années. Entre l’accumulation
de coïncidences boiteuses devant supporter en vain un certain climat
de tension et le désir de Phillips de surprendre continuellement
le spectateur par une suite de revirements et de flash-back laborieux,
The Number 23 s’enlise dans une structure narrative terne
et répétitive qui ne parvient tout simplement pas à
rendre une telle prémisse digne d’intérêt.
Le scénariste prend également un temps fou à mettre
le point final à une intrigue dont la plupart des éléments
nécessaires à sa résolution avaient pourtant déjà
été mis en place précédemment. Mais comme
le récit de Phillips ne va nulle part de toute façon,
ce dernier se permit de les resituer un à un dans leur contexte
originel, nous forçant à revenir sur nos pas pour endurer
une longue séquence accumulant les détails superflus abondamment
soulignés, lesquels finissent par engourdir une conclusion qui
aurait pu être autrement plus substantielle.
Car en soi, nous devons bien reconnaître que The Number 23
propose quelques concepts plutôt pertinents qui osent aller à
contre-courant de ce que le cinéma américain édifie
normalement avec ce type de productions. À commencer par cette
dernière scène prônant une forme de justice basée
sur la reconnaissance des torts et la purgation d’une sentence
devant rétablir un certain équilibre d’une façon
moins barbare que la traditionnelle résolution par la mort défendue
par ce genre de films. Ayant suivi le virage plus sombre entrepris par
Robin Williams il y a quelques années, Jim Carrey offre ici une
solide performance dans un double rôle, laquelle s’avère
le point fort du film et alimente d’une manière assez convaincante
une quête identitaire tordue, mais souvent trop simplette. Ainsi,
The Number 23 aurait pu être beaucoup plus entre les
mains d’un scénariste plus expérimenté. Pour
sa part, Fernley Phillips signe un thriller peu emballant dont l’ultime
faux pas aura été de tout mettre en œuvre pour se
conformer au marché de masse. Étrangement, c’est
celui-ci que le film de Joel Schumacher risque d’avoir le plus
de difficulté à séduire.
Version française :
Le Nombre 23
Scénario :
Fernley Phillips
Distribution :
Jim Carrey, Virginia Madsen, Logan Lerman, Danny
Huston
Durée :
95 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
15 Mars 2007