THE NOMI SONG (2004)
Andrew Horn
Par Jean-François Vandeuren
Chaque nouvelle génération d’artistes amène
son lot d’extra-terrestres dont la créativité et
l’originalité réussiront à traverser les
époques et devenir à leur tour une influence, ou s’évaporeront
dans la nature aussi rapidement que ceux-ci auront fait leur entrée
sur scène. La courte, mais marquante, épopée de
Klaus Nomi aura pour sa part pris les allures de ces deux destinées,
laissant derrière lui une œuvre significative de son époque,
mais qui aujourd’hui semble plutôt oubliée. Afin
de nous faire redécouvrir ce personnage hors du commun, The
Nomi Song d’Andrew Horn nous transporte dans le New York
de la fin des années 70 et du début des années
80, au moment où la grosse pomme devint une des plaques tournantes
de l’avant-gardisme. De ces artistes se vautrant dans un non-sens
qu’ils prenaient un malin plaisir à pousser dans toutes
les directions possibles, Klaus Nomi sortit subitement de nul part et
chamboula cette scène qui ne pouvait qu'être estomaquée
devant la voix de ténor de ce dernier venant surplomber de manière
improbable une musique électro-garage à la sauce new wave.
Après avoir élaboré avec sa troupe un spectacle
qui obtint rapidement une réputation fort enviable aux États-Unis,
Nomi devint par la suite un véritable phénomène
de la culture populaire mondiale. Son histoire se termina cependant
aussi rapidement qu’elle avait débuté.
Le récit de Klaus Nomi s’apparente pourtant au parcours
rêvé de toute star montante de la musique désirant
plus que tout laisser une marque indélébile à long
terme. Similaire au destin tragique de Joy Division et Nirvana, l’ascension
fulgurante de Nomi se termina par la mort prématurée de
ce dernier, laissant derrière elle plusieurs questions sans réponses
qui aidèrent ironiquement, comme ce fut le cas pour Ian Curtis
et Kurt Cobain, à solidifier un mythe déjà imposant
de leur vivant. Mais il y a évidemment eu une époque de
réjouissance pour le chanteur d'origine allemande. Andrew Horn
plonge au départ son effort dans l’univers très
glamour et incontrôlable de la scène underground new-yorkaise
où tout n’était prétexte qu’à
un délire visuel frénétique. Nous présentant
divers témoignages des plus proches collaborateurs et amis personnels
de Klaus Nomi, le cinéaste parvient à rendre hommage à
une ère de créativité et d’excès et
une de ses figures les plus étranges, allant chercher une bonne
partie de cette folie grâce à un ensemble de vidéos
d’archives et d’entrevues assemblés d’une manière
extrêmement efficace. Horn accorde d’ailleurs une place
assez importante aux diverses apparitions sur scène de Nomi,
ne se gênant pas pour étirer ces segments sur plusieurs
minutes afin que l’on puisse réellement comprendre l’essence
du personnage créé par Klaus Sperber. Performances qu’il
entrecoupe d’entrevues qui viennent pour leur part servir de narration
au film.
Mais ce qui monte doit forcément redescendre un jour ou l'autre.
Un principe qui s’applique ici autant à la carrière
de Nomi qu’au documentaire d’Andrew Horn. Il est en ce sens
un peu dommage que suite à un portrait fort impressionnant de
l’ascension de l’artiste jusqu’aux rangs de star,
la deuxième partie cherchant à nous montrer la chute de
l’homme aux mains de la maladie et de son esprit torturé
semble plus axée sur des suppositions et des apparences, où
les proches de Sperber, s’étant alors éloignés
considérablement de ce dernier, continuent de raconter une histoire
dont ils ne possèdent visiblement pas toutes les pièces
du puzzle. Cette moitié réserve tout de même certaines
des scènes les plus réussies de l’essai. L’une
montrant l’appréhension de son entourage face à
Nomi lorsqu’il était en phase terminale et mourut peu de
temps après du virus du sida, qui était à l’époque
une maladie encore inconnue du grand public. L’autre faisant adroitement
la comparaison de la vision d’un spectacle de Nomi lors de son
retour d’Europe à New York entre celle de ses amis qui
y ont vu les premiers signes d’une chute, et celle d’une
fan qui croyait plutôt assister au début d’une grande
aventure.
La question demeure encore à savoir si Nomi était bel
et bien humain, ou s’il ne venait pas plutôt d’un
autre monde. Dans les mêmes circonstances que si la race humaine
en venait à un premier contact extra-terrestre, ce ne serait
évidemment pas tout le monde qui accueillerait à bras
ouverts ces petits hommes verts venus d’ailleurs. Ce fut la même
chose pour Nomi qui, sans nécessairement plaire à tous,
s’avéra une icône unique de l’histoire de la
culture pop qui ne laissa personne indifférent. Andrew Horn sort
d’autant plus son film à un moment des plus propices, alors
que les influences des années 80 se font de plus en plus sentir
au cœur de la musique d’aujourd’hui. Un documentaire
qui rend justice à un personnage fascinant, mais dont on aurait
tout de même voulu en savoir davantage. Il faut croire qu'une
partie du mythe restera toujours intacte.
Version française : -
Scénario :
Andrew Horn
Distribution :
Klaus Nomi, Ann Magnuson, Ron Johnsen, Alan Platt
Durée :
98 minutes
Origine :
Allemagne
Publiée le :
8 Août 2005