THE NINE LIVES OF FRITZ THE CAT (1974)
Robert Taylor
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Il faut accepter les choses telles qu'elles sont: la misère et
les tourments politiques sont une bien plus grande source d'inspiration
que le bonheur et les champs de marguerites. Le premier Fritz the
Cat avait réussit à traiter avec un humour mordant
de la corruption d'une Amérique dont même les idéalistes
étaient finalement de vulgaires arrivistes. Bien que l'on en
ait à l'époque surtout parlé pour son contenu sexuel
plutôt extrême compte tenu du fait que c'était un
dessin animé, le classique de Ralph Bakshi a survécu au
passage du temps pour finalement devenir un symbole marquant d'une époque.
Si ce premier volet des aventures du chat mauve dressait un portrait
critique des années soixante avec un minimum de recul, sa suite
The Nine Lives of Fritz the Cat tente avec beaucoup moins de
succès de décortiquer les années soixante-dix dans
le feu de l'action. Premier film d'animation présenté
en compétition officielle au Festival de Cannes, The Nine
Lives of Fritz the Cat joue plus ouvertement la carte de la critique
sociale que son prédécesseur mais n'en possède
absolument pas la même précision au niveau du propos.
Alors que le film original jouait la carte du film d'animation psychédélique
pour finalement se payer la tête des hippies amorphes qui enfilaient
les joints les uns après les autres comme si c'était en
soi un geste révolutionnaire, le film de Robert Taylor présente
une suite de séquences ouvertement politiques sans jamais offrir
de ligne directrice idéologique solide. Le résultat ne
s'avère donc consistant que dans sa facture hallucinante bon
marché. Ceux qui parlent de cette suite comme d'une critique
politique et sociale plus aiguisé s'arrêtent au pur premier
degré. The Nine Lives of Fritz the Cat a beau mettre
en vedette Hitler et Kissinger et faire de vagues références
au New Deal de Roosevelt, il ne développe jamais de
commentaire construit et franchement compréhensible. Que Fritz
y baise dans l'Allemagne nazie n'en fait pas une critique du fascisme.
Seule la satire de la crise énergétique qui secouait l'Amérique
à l'époque et de l'attitude carnassière des compagnies
pétrolières frappe le moindrement sa cible.
La confusion atteint son paroxysme lorsque Fritz explore une Amérique
parallèle où le New Jersey est devenu un état Noir
souverain, la Nouvelle-Afrique. Comprendre si cette histoire délirante
est une mauvaise blague raciste ou une attaque en règles contre
les tensions raciales est un casse-tête d'analyse que je laisserai
à d'autres. Ce n'est en tout cas pas une raison de mourir de
rire. C'est d'ailleurs le second problème majeur de The Nine
Lives of Fritz the Cat: il ne dilate absolument pas la rate, et
aucune bedaine n'explosera en convulsions d'hilarité devant cette
fresque incohérente où même un Lucifer gai vient
faire son tour de piste. Voilà au moins de quoi confirmer que
les créateurs de South Park étaient à
l'écoute...
Présentez cette vague bouillabaisse vulgaire par l'entremise
d'une narration déconstruite et inefficace et l'échec
n'en devient que plus évident. L'effet de choc que le film a
peut-être eu à l'époque s'est dissipé, et
tout ce qu'il reste au bout du compte est une blague flasque qui ne
lève jamais vraiment longtemps. The Nine Lives of Fritz the
Cat est vaguement divertissant si l'on met son sens critique de
côté pour un peu moins d'une heure et demie mais ne laisse
aucune impression à long terme. Il sert bêtement les ingrédients
du premier film sans en avoir l'intelligence et la méchanceté
aiguisée. Les années soixante-dix laissent notre félin
vaguement ahuri et bon à rien, ce qui n'est pas une fin totalement
illogique pour notre universitaire libertin de pacotille.
Peut-être est-ce parce que Robert Taylor a vu trop gros que son
film s'effondre si rapidement? Il est en effet bien plus compliqué
de dénoncer de façon articulée l'état du
monde actuel que de mettre à feu et à sang une décennie
passée. Cela dit, il est évident que Taylor n'était
pas l'homme de la situation et qu'il ne savait trop quoi dire avec son
film. Le créateur du personnage, Robert Crumb, a beau dire qu'il
n'avait pas aimé le film de Bakshi, celui-ci avait le mérite
de savoir où il allait. Pour sa part, The Nine Lives of Fritz
the Cat est une curiosité historique vaguement intéressante
mais un film très moyen.
Version française :
Les Neufs vies de Fritz le chat
Scénario :
Fred Halliday, Robert Crumb (bandes dessinées)
Distribution :
Skip Hinnant, Reva Rose, Bob Holt, Robert Ridgely
Durée :
77 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
21 Février 2005